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XING : The Land Beyond ou la mortelle détente
Développeur / Editeur : White Lotus Interactive
La nostalgie nous pousse parfois à faire des choix douteux. Il suffit qu'on nous agite la promesse de retrouver un plaisir révolu pour qu'on se laisse séduire. On ne compte plus le nombre de projets qui ont joué à fond sur cet effet « madeleine de Proust » pour réussir un financement participatif. Chacun ses faiblesses, pour ma part il suffit qu'on me balance du Myst à la figure pour que je desserre les cordons de ma bourse, malheureusement les prétendants à cet héritage ne sont pas tous du même acabit.
Ils étaient totalement passés de mode il y a une petite dizaine d'années, mais voici que les jeux d'aventure à la première personne reviennent en force. Le genre a repris du poil de la bête, d'abord par le biais des jeux narratifs qui ont massivement recyclé ses mécaniques, puis grâce à la relative démocratisation de la VR qui trouve là une application assez naturelle. Malgré cet engouement récent, ils ne sont pas si nombreux à se réclamer aujourd'hui de l'héritage de Myst, alors que l'on pourrait pourtant qualifier ce dernier de pionnier du genre. Dans cette veine, on a surtout eu récemment le très bon Quern ainsi qu'Obduction qui marquait le retour du studio Cyan aux affaires, mais la grande majorité des FPA actuels (pour First Person Adventure) lorgnent désormais davantage vers la narration contemplative que vers la résolution d'énigmes. XING a débarqué sur Kickstarter en nous promettant le meilleur des deux mondes, le résultat à l'arrivée est forcément un peu plus mitigé.
Une petite mort mais sans l'extase
Qu'y a-t-il après la mort ? Si l'actualité tend à nous laisser penser qu'il y a surtout des hommages débiles et des larmes de façade, certains s'accrochent encore à l'idée qu'un nouveau monde nous tend les bras, idéalement peuplé de petits chiens télépathes. La version proposée par XING est un peu fatigante : une fois passé à trépas, il ne s'agit pas de glandouiller, on nous demande de guider des âmes vers leur salut et de mettre ainsi fin à notre cycle de réincarnation... Ou un truc mystico-mystérieux dans ce genre là, on ne va pas se perdre dans les détails. Le plus important étant qu'on va ainsi visiter successivement plusieurs époques et environnements qui n'ont aucun lien les uns avec les autres, et à chaque fois découvrir la vie passée d'un nouveau protagoniste.Concrètement, le jeu vous accueille d'abord dans un hub où un golem de pierre va vous faire un topo et vous ouvrir petit à petit des portails vers quatre mondes bien distincts. Une fois débarqué sur un nouvel environnement, il va tout bêtement falloir mener son petit bonhomme de chemin en surmontant des énigmes. On emmagasine au passage une succession de petits poèmes relatant le destin qui a été celui de l'âme qu'on est venue cueillir, ainsi que quelques maximes issues sans doute d'un vieux stock de biscuits chinois. Autant vous prévenir, on saute à pied joint dans le cliché et le pathos facile. Avouez que vous rêvez d'en savoir plus sur cette petite fille népalaise maltraitée par son père alcoolique mais soutenue par son fidèle chien et qui part à la recherche de sa mère... C'est sûr, le sujet de la mort n'est pas évident à traiter, et c'est encore moins facile lorsque l'on passe après le fantastique What Remains of Edith Finch. Mais en l'état, XING propose vraiment une bouillie pseudo spirituelle saupoudrée d'un vernis « culture du monde » qui aurait tout juste sa place sur les rayons d'un magasin Nature et Découvertes.
Les six zones du paradis
En terme de construction, on a donc un hub depuis lequel il est possible d'accéder à quelques histoires purement contemplatives, quatre récits principaux avec des énigmes à la difficulté croissante, et enfin un dernier lieu un peu synthétique qui compile les différentes mécaniques en guise d'ultime challenge. En gros, chacun des quatre mondes introduit la possibilité d'interagir avec une donnée bien précise de l'environnement. Il s'agit d'abord du cycle jour/nuit, puis de la pluie, du gel, et enfin du sens dans lequel souffle le vent. La combinaison de ces éléments va être exploitée dans des puzzles, mais attention, seuls les derniers vous demanderont de réfléchir un minimum. Ça a d'ailleurs quelque chose de troublant, on roule littéralement sur ce qui tient lieu d'énigmes tout au long du jeu, ce qui fait qu'on est un peu dérouté lorsque l'on tombe enfin sur les deux ou trois passages qui demandent un minimum de jugeote vers la fin de l'aventure.Il faut aussi avouer que les puzzles ne sont jamais bien passionnants, la plupart du temps il s'agit de pousser de gros blocs en profitant des changements induits par la modification des conditions environnementales : c'est gelé alors ça glisse, il pleut alors l'eau monte... Globalement, difficile de ne pas se dire que ces différentes mécaniques sont sous-exploitées, la base est là mais il manque l’étincelle de génie dans la conception des niveaux pour qu'on se prenne réellement au jeu. Reste alors que malgré les bugs de collision et les quelques approximations en terme de level-design, la dizaine d'heures nécessaires pour boucler totalement l'aventure ne sont pas trop désagréables. Pas entièrement satisfaisant pour son scénario ni pour ses énigmes, on retiendra finalement XING comme un exercice de relaxation un peu cliché qui fonctionne sans doute mieux en VR qu'avec une configuration traditionnelle (mais seuls nos amis les plus nantis pourraient confirmer ou non cette intuition).
S'il y a une place en ce bas monde pour XING, c'est sans doute quelque part entre un encens bon marché et un bouquin de vulgarisation sur le samsara préfacé par une youtubeuse beauté. Le trip qu'il nous propose n'est pas forcément déplaisant, mais pas plus profond que la première vidéo d'ASMR venue.