TEST
Wolf Among Us : le mouton déguisé en loup
Le dernier épisode de The Wolf Among Us est sorti il y a peu. Après des débuts excitants, la conclusion de cette saison concrétise-t-elle les ambitions affichées par le jeu ? Petit bilan garanti sans spoiler.
À sa sortie, The Wolf Among Us semblait confirmer l’ambition esthétique et commerciale de la formule de production à la TellTale. La série était artistiquement plus réussie que TWD, malgré des carences techniques encore trop flagrantes, et dessinait des pistes narratives ambitieuses et enthousiasmantes. Libéré du trip survival, The Wolf Among Us faisait reposer ses dilemmes sur des enjeux plus intimes, privilégiant l’art du dialogue et du consensus à celui de l’action drastique et despotique. Si ce programme se déroule lentement durant toute cette première saison, qui se termine donc sur cette question du dialogue à plusieurs, The Wolf Among Us ne tient pourtant pas toutes ses promesses.
C’est peut-être le défaut du format épisodique choisi par Telltale : en faisant des épisodes courts, il a fallu privilégier le cliffhanger narratif pour accrocher le joueur, imposant du même coup une progression narrative très linéaire, où l’apparition d’une nouvelle situation fait disparaître la précédente de manière à ne jamais aller au fond des choses, ni pouvoir y revenir ultérieurement. De même, l’alternance à chaque épisode des différentes formules de gameplay (parfois chargé en QTE, parfois axé sur les compromis, parfois sur l’enquête) empêche la série de travailler ses mécanismes en profondeur, ce qui la fait reposer in fine uniquement sur l’histoire, et non sur la pratique du joueur. On s’engage sur des pistes de gameplay qui disparaitront d’un épisode à un autre, ce qui nuit à terme à l'expérience du joueur qui ne sait plus quelle est sa place dans tout ça. Reste que, quelle qu'en soit les raisons, cette saison ne construit pas l'architecture narrative qu'on avait espéré, réduisant artificiellement la portée de ses enjeux à quelques arguments mal défendus pour précipiter une conclusion vite fait mal fait. Ce faisant, le jeu réduit ses personnages secondaires, jusque-là bien construits, à des pantins stupides et transparents et oblige le joueur à la même pauvreté de comportement et d'argument.
Si la qualité d’écriture ne descend pas au point d’en être embarrassante, le récit retourne finalement dans la facilité de situations balisées par The Walking Dead et privilégie les explications alambiquées à l’ambiguïté morale de chacun. Résultat, on aura bien tout compris, et comme tout mystère, on en sort forcément déçu avec l’impression de s’être fait promener. La force de la série reposait pourtant ailleurs : dans le roman noir où elle tirait ses influences, qui privilégie toujours l’opacité des personnages à la compréhension claire de l’histoire. Brouillant au début l’identité de chaque individu à l’image archétypale de leur personnage originel de conte, le jeu renvoie finalement chacun à une typologie (les crédules citoyens, le criminel roi du sophisme, l'inspecteur la droiture). Sur ce point, The Wolf Among Us ressemble donc plus à un roman policier analytique (mais sans le plaisir de l’enquête) qu’au roman noir, dont il emprunte l’esthétique seule. Il fait en grande partie l’impasse sur son potentiel politique et nihiliste pour le plaisir de sa petite histoire policière et de ses dilemmes moraux qui n’en sont pas vraiment. Le jeu ne pousse pas les limites de son questionnement au delà des sentiers battus de la bien-pensance, transformant tout le potentiel critique de ses enjeux en formules chocs déclinables ad vitam (faut-il sauver la veuve ou l'orphelin ? Le chat ou le chien ? La pomme ou la poire ?) qui ne dépassent finalement jamais notre propre complaisance morale.
C’est parfois le propre du format série de faire espérer son spectateur en remettant sans cesse à un plus tard la réalisation de ses plus beaux enjeux. Chaque court épisode se termine ainsi sur la promesse d’une escalade narrative de plus en plus accrocheuse et ambitieuse. Impérial de ce côté-là - notamment dans son 4ème épisode, plus réussi car plus ambigu, et qui réussit à redistribuer les cartes à sa façon et à faire douter le joueur – le jeu a plus de mal quand il s’agit de résoudre les situations et de se confronter aux enjeux et aux personnages ainsi mis en place. The Wolf Among Us retourne alors dans une binarité morale assez naïve, qui se contente de toucher les sujets sans avoir les moyens ou l’envie de les aborder en profondeur, après avoir passé le plus clair de son temps à nous en faire palper la complexité éthique.
C’est peut-être le défaut du format épisodique choisi par Telltale : en faisant des épisodes courts, il a fallu privilégier le cliffhanger narratif pour accrocher le joueur, imposant du même coup une progression narrative très linéaire, où l’apparition d’une nouvelle situation fait disparaître la précédente de manière à ne jamais aller au fond des choses, ni pouvoir y revenir ultérieurement. De même, l’alternance à chaque épisode des différentes formules de gameplay (parfois chargé en QTE, parfois axé sur les compromis, parfois sur l’enquête) empêche la série de travailler ses mécanismes en profondeur, ce qui la fait reposer in fine uniquement sur l’histoire, et non sur la pratique du joueur. On s’engage sur des pistes de gameplay qui disparaitront d’un épisode à un autre, ce qui nuit à terme à l'expérience du joueur qui ne sait plus quelle est sa place dans tout ça. Reste que, quelle qu'en soit les raisons, cette saison ne construit pas l'architecture narrative qu'on avait espéré, réduisant artificiellement la portée de ses enjeux à quelques arguments mal défendus pour précipiter une conclusion vite fait mal fait. Ce faisant, le jeu réduit ses personnages secondaires, jusque-là bien construits, à des pantins stupides et transparents et oblige le joueur à la même pauvreté de comportement et d'argument.
Si la qualité d’écriture ne descend pas au point d’en être embarrassante, le récit retourne finalement dans la facilité de situations balisées par The Walking Dead et privilégie les explications alambiquées à l’ambiguïté morale de chacun. Résultat, on aura bien tout compris, et comme tout mystère, on en sort forcément déçu avec l’impression de s’être fait promener. La force de la série reposait pourtant ailleurs : dans le roman noir où elle tirait ses influences, qui privilégie toujours l’opacité des personnages à la compréhension claire de l’histoire. Brouillant au début l’identité de chaque individu à l’image archétypale de leur personnage originel de conte, le jeu renvoie finalement chacun à une typologie (les crédules citoyens, le criminel roi du sophisme, l'inspecteur la droiture). Sur ce point, The Wolf Among Us ressemble donc plus à un roman policier analytique (mais sans le plaisir de l’enquête) qu’au roman noir, dont il emprunte l’esthétique seule. Il fait en grande partie l’impasse sur son potentiel politique et nihiliste pour le plaisir de sa petite histoire policière et de ses dilemmes moraux qui n’en sont pas vraiment. Le jeu ne pousse pas les limites de son questionnement au delà des sentiers battus de la bien-pensance, transformant tout le potentiel critique de ses enjeux en formules chocs déclinables ad vitam (faut-il sauver la veuve ou l'orphelin ? Le chat ou le chien ? La pomme ou la poire ?) qui ne dépassent finalement jamais notre propre complaisance morale.
Cette conclusion fait également ressortir les défauts des autres épisodes, qu’on avait pardonnés jusque-là au nom du récit et de son ambition : la mollesse technique des scènes d’actions et des QTE, l’inutilité des phases d’enquête et le manque global de pouvoir du joueur sur le jeu.
S’il n’a rien de honteux, The Wolf Among Us laisse finalement un sentiment d’inachèvement et de facilité qui en fait un jeu plaisant, mais loin d’être indispensable. Dommage, car avec l’univers mis en place, il y avait matière à faire plus, à condition de ne pas utiliser la forme sérielle uniquement dans ce qu’elle a de plus creux et manipulateur, à savoir sa capacité à toujours tromper son monde par des promesses qu'on n'a pas à tenir ensuite. On imagine que, vu le succès de la série, on va malheureusement devoir se contenter de cette formule pendant un petit moment.
S’il n’a rien de honteux, The Wolf Among Us laisse finalement un sentiment d’inachèvement et de facilité qui en fait un jeu plaisant, mais loin d’être indispensable. Dommage, car avec l’univers mis en place, il y avait matière à faire plus, à condition de ne pas utiliser la forme sérielle uniquement dans ce qu’elle a de plus creux et manipulateur, à savoir sa capacité à toujours tromper son monde par des promesses qu'on n'a pas à tenir ensuite. On imagine que, vu le succès de la série, on va malheureusement devoir se contenter de cette formule pendant un petit moment.
Même si TWAU est très plaisant à jouer, il lui manque une ligne directrice forte qui fasse tenir ses enjeux et son récit jusqu'au bout, plutôt que de le mener vers une conclusion complaisante et un peu facile. Pour certains, ce sera suffisant pour adhérer complètement à un univers de qualité, d'autres seront un peu agacés par des effets de manche qui ne mènent nulle part et qui comptent sur l'amnésie perpétuelle du joueur.