TEST
The Walking Dead S03 : A New Frontier
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Développeur / Editeur : Telltale Games
Support : PC
Si elle contenait quelques moments de bravoure mémorables et était loin d’être la plus mauvaise production Telltale récente, la saison 2 de The Walking Dead était globalement décevante. Tâtonnant d’un épisode à l’autre, elle peinait à se renouveler et beaucoup de péripéties sentaient le déjà-vu. Et elle contenait surtout de grosses faiblesses d’écriture, notamment parce que les personnages étaient moins des personnages que des clichés facilitant l’avènement de scènes gores. Autant dire que la saison 3 était attendue avec circonspection. Au mieux.
Le texte qui va suivre contient quelques spoilers sur presque tous les jeux Walking Dead sortis par Telltale, mais vous pouvez scroller jusqu’à la conclusion qui ne divulgâche rien.
C’est pour la famille
Cette troisième saison démarre pourtant par une bonne surprise : le personnage principal n’est plus Clementine. L’adolescente est certes un personnage central de l’histoire, et on l’incarne lors de quelques séquences, mais on est désormais dans la peau de Javier Garcia, ex-star déchue du baseball que l’apocalypse zombie a jeté sur la route avec sa nièce Mariana, son neveu Gabe ainsi que Kate, la belle-mère des deux enfants. Après une intro plutôt bien foutue, le jeu démarre 2 ans et demi après la saison 2 (et donc 4 ans après la première), quand la petite famille s’arrête dans une casse pour siphonner des réservoirs et se fait choper par les survivants du coin, qui se font appeler la « New Frontier » et portent un tatouage en signe de reconnaissance. Evidemment, les choses dérapent rapidement et cette première confrontation sert de point de départ à une descente aux enfers similaire à celles des deux premières saisons. A New Frontier se déroule alors sur deux trames entrecroisées : la trame principale dans le présent, où on incarne Javier, et quelques flashbacks dans lesquels on incarne Clementine et qui permettent de découvrir ce qui s’est passé depuis la saison 2 (et notamment ce qui est arrivé à A.J., le bébé).
En écartant un peu Clementine et en mettant l’accent sur une nouvelle cellule familiale et un nouveau personnage principal, la série s’offre un vrai bol d’air. Pour la première fois, la survie de Clementine n’est plus au centre de tout et elle prend ses décisions seule. L’occasion de souligner que, pour une fois, différentes sauvegardes des saisons 1 et 2 (ou différents choix dans le module de création de partie, si vous n'avez plus vos saves) donneront différentes séquences. Globalement la trame reste identique, mais selon que vous ayez choisi Kenny ou Jane à la fin de la saison 2, les flashbacks varieront un peu plus qu’un swap de personnage. Et Clementine agira de la façon dont vous l’avez façonnée précédemment (attachée au groupe ou loup solitaire, férue de justice ou survivante cynique, etc.). De même, les choix faits au cours d’un épisode trouveront un écho, certes souvent limité, un peu plus tard dans la saison, déclenchant des trahisons, modifiant le nombre de morts ou altérant à la marge le déroulé des évènements. Enfin, on retrouve comme dans la saison 2 des fins alternatives, mais qui cette fois-ci ne se décident plus seulement dans le sprint final, mais dépendent bel et bien de vos choix durant toute la saison… et les précédentes, puisque l’attitude de Clementine est une variable indispensable à la survie de tel ou tel PNJ. Ne nous enflammons pas : cela reste des variations marginales, mais elles sont suffisamment différentes pour donner l’illusion que vos choix et votre histoire sont uniques. Après la saison 1, 400 Days, la saison 2 et Michonne, il était plus que temps que Telltale fasse un effort un peu plus consistant pour tenir sa promesse d’une histoire « déterminée par votre façon de jouer ».
En écartant un peu Clementine et en mettant l’accent sur une nouvelle cellule familiale et un nouveau personnage principal, la série s’offre un vrai bol d’air. Pour la première fois, la survie de Clementine n’est plus au centre de tout et elle prend ses décisions seule. L’occasion de souligner que, pour une fois, différentes sauvegardes des saisons 1 et 2 (ou différents choix dans le module de création de partie, si vous n'avez plus vos saves) donneront différentes séquences. Globalement la trame reste identique, mais selon que vous ayez choisi Kenny ou Jane à la fin de la saison 2, les flashbacks varieront un peu plus qu’un swap de personnage. Et Clementine agira de la façon dont vous l’avez façonnée précédemment (attachée au groupe ou loup solitaire, férue de justice ou survivante cynique, etc.). De même, les choix faits au cours d’un épisode trouveront un écho, certes souvent limité, un peu plus tard dans la saison, déclenchant des trahisons, modifiant le nombre de morts ou altérant à la marge le déroulé des évènements. Enfin, on retrouve comme dans la saison 2 des fins alternatives, mais qui cette fois-ci ne se décident plus seulement dans le sprint final, mais dépendent bel et bien de vos choix durant toute la saison… et les précédentes, puisque l’attitude de Clementine est une variable indispensable à la survie de tel ou tel PNJ. Ne nous enflammons pas : cela reste des variations marginales, mais elles sont suffisamment différentes pour donner l’illusion que vos choix et votre histoire sont uniques. Après la saison 1, 400 Days, la saison 2 et Michonne, il était plus que temps que Telltale fasse un effort un peu plus consistant pour tenir sa promesse d’une histoire « déterminée par votre façon de jouer ».
Saw VI de muertos
A cela s’ajoute, et c’est là encore une belle surprise du titre, de notables améliorations visuelles. Si l’esthétique continue d’emprunter aux comics avec un rendu crayonné marqué, il y a un gain qualitatif évident sur la modélisation et les détails des visages, et surtout dans la mise en scène. La série a toujours eu du mal à assumer son statut de BD interactive, plombant sa première saison avec des phases de point’n click molles, jonglant tout au long de la deuxième saison entre les bonnes idées (cantonner le gameplay aux dialogues et aux QTE) et les moins bonnes (revenir sur ce choix). Désormais, la participation effective du joueur est réduite au strict minimum. On ne trouve plus guère qu’une ou deux courtes (et faciles) séquences de recherche et d’assemblage d’objets par épisode, et en dehors de ça on ne vous demandera que de cliquer sur vos choix de dialogues et de marteler Q, E et les flèches directionnelles pour les QTE. Plutôt que de ralentir son intrigue pour nous laisser la main, A New Frontier accepte enfin l’idée qu’il est narrativement plus efficace pour une histoire interactive d’imposer son rythme au joueur. D’autant plus que cela libère la caméra, qui peut alors alterner les sempiternels plans larges et champ/contrechamp avec des mouvements plus amples, plus dynamiques, plus cinématographiques en somme, avec quelques petites sucreries comme des double-focales. Ce qui pourrait s’avérer très plaisant à suivre…
… s’il n’y avait pas tant de lacunes techniques. Il ne fallait pas s’attendre à des miracles : bien que visiblement upgradé, le moteur du jeu reste le Telltale Tool, un outil qui a plus de 10 ans et a toujours été pointé du doigt pour ses carences. Ici, l’expressivité accrue des visages s’accompagne d’animations corporelles très mécaniques et ralenties, les décors manquent parfois de détails et si les temps de chargement restent tolérables (bien plus court que dans Michonne par exemple), les collisions entre modèles sont toujours effroyables, on repère des artefacts un peu partout (plusieurs scènes sont pourries par une ligne noire transversale qui apparait soudainement dans le décor) et certains bugs sont hilarants. Mention spéciale à ces cinématiques où le moteur galère à afficher ce qui est demandé, entraînant du jumpcut de personnages (ou de chevaux) en gros plan. Si on y ajoute quelques grosses ficelles bien visibles, comme les réutilisations de modèles pour les PNJ y compris en gros plan (zombies comme survivants) ou un filtre flou particulièrement hideux sur les plans larges de hordes de zombies, on en arrive au même constat que pour tous les autres jeux Telltale : il est plus que de temps d’adopter des outils plus performants.
… s’il n’y avait pas tant de lacunes techniques. Il ne fallait pas s’attendre à des miracles : bien que visiblement upgradé, le moteur du jeu reste le Telltale Tool, un outil qui a plus de 10 ans et a toujours été pointé du doigt pour ses carences. Ici, l’expressivité accrue des visages s’accompagne d’animations corporelles très mécaniques et ralenties, les décors manquent parfois de détails et si les temps de chargement restent tolérables (bien plus court que dans Michonne par exemple), les collisions entre modèles sont toujours effroyables, on repère des artefacts un peu partout (plusieurs scènes sont pourries par une ligne noire transversale qui apparait soudainement dans le décor) et certains bugs sont hilarants. Mention spéciale à ces cinématiques où le moteur galère à afficher ce qui est demandé, entraînant du jumpcut de personnages (ou de chevaux) en gros plan. Si on y ajoute quelques grosses ficelles bien visibles, comme les réutilisations de modèles pour les PNJ y compris en gros plan (zombies comme survivants) ou un filtre flou particulièrement hideux sur les plans larges de hordes de zombies, on en arrive au même constat que pour tous les autres jeux Telltale : il est plus que de temps d’adopter des outils plus performants.
Suivre et laisser mourir
En outre, il est pratiquement impossible de se laisser aller à suivre l’histoire racontée par cette BD interactive, encore moins de s’y impliquer, car les pires défauts d’écriture de la saison 2 sont de retour. Pourtant, tout au long de cette saison, le scénario distille quelques bonnes idées, la plupart tournant autour de Javier et sa famille recomposée : une séquence introductive bien sentie, un triangle amoureux pas trop raté, une poignée de questionnements sur la parentalité, des dialogues avec Clementine… Mais dans leur quête de misérabilisme sensationnel, les équipes de Telltale gâchent systématiquement ce qu’elles mettent en place, prouvant qu’elles n’ont pas compris, ou si mal, ce qui avait tant attiré les joueurs dans la saison 1. Certes, cette dernière contenait son lot d’horreurs particulièrement graphiques : de la violence, des morts, des mutilations, le plus souvent en gros plan. Il y avait également son lot de trahisons, d’injustices et de sacrifices, et pas seulement dans les dilemmes moraux de fin d’épisode. Mais ces passages avaient un impact bien plus profond que leur apparence graphique, parce qu’on était attaché à des personnages qui réagissaient logiquement à ces atrocités qui ne sortaient pas de nulle part.
Dans A New Frontier (comme dans les derniers épisodes de la saison 2), il y a toujours de la violence, des morts, des mutilations, des trahisons, des injustices et des dilemmes moraux. Mais rien de ceci n’est la conséquence de nos choix ou la suite logique des évènements : tout est justifié par une volonté assumée de choquer en permanence le joueur, ce qui ne fonctionne quasiment jamais. D’une part parce que tout ou presque a un air de déjà-vu. On le disait déjà des derniers épisodes de la saison 2, la série s’est forgé ses propres clichés. Dans n’importe quel jeu, devoir choisir qui doit vivre ou mourir serait une situation mémorable, dans The Walking Dead c’est une banalité expérimentée dix fois. Par ailleurs, à force de chercher en permanence à choquer le joueur avec des jumpscares émotionnels, Telltale se retrouve coincé : plutôt que de définir des caractères pour ses personnages et de les laisser évoluer logiquement au sein des évènements, on a droit à des clichés de nanar ambulant. Il faut une séquence de trahison ? Prenons le PNJ le moins susceptible de trahir. On doit garder un secret ? Un personnage lunatique piquera une grosse colère contre nous et le révèlera à tout le monde. La situation semble apaisée et cette personne innocente sourit plein cadre ? Elle va se prendre une balle dans les 3 secondes. Un groupe se sépare en deux ? Une horde de zombies va bientôt les empêcher de se rejoindre. Ce PNJ vous déteste tout au long de l’aventure mais finit par faire la paix avec vous ? Il va se sacrifier pour que vous surviviez. Et ainsi de suite… Précisément parce qu’il cherche à être le plus imprévisible possible, le jeu est non seulement parfaitement prévisible, mais en plus insupportable à suivre tant il est impossible de s’attacher à des personnages-fonctions dont la consistance varie au gré des besoins des scénaristes (hors Javier et Clementine dans lesquels on peut se projeter). Et on vous épargne les plot holes grand comme le trou de la couche d'ozone que cela génère : incohérences temporelles, hiérarchie ou organisation des survivants à géométrie variable, décisions irrationnelles, etc.
Enfin, il est nécessaire de consacrer un court paragraphe à la toute fin du jeu, qui sert à mettre sur les rails une saison 4, dans laquelle Clementine reprendra probablement les commandes. Certes, c’est moins honteux que dans le récent Batman où c’était presque un épisode entier qui servait d’introduction à la saison 2, mais A New Frontier a le culot de présenter certains éléments scénaristiques spécifiques à Clementine comme essentiels à la progression de son intrigue générale, et décide finalement de garder ça au chaud pour plus tard. Et la séquence post-générique pouvait difficilement être plus putassière, avec une Clementine en mode badass flinguant du zombie à tour de bras avec une punchline « Clementine’s story will continue… ».
Dans A New Frontier (comme dans les derniers épisodes de la saison 2), il y a toujours de la violence, des morts, des mutilations, des trahisons, des injustices et des dilemmes moraux. Mais rien de ceci n’est la conséquence de nos choix ou la suite logique des évènements : tout est justifié par une volonté assumée de choquer en permanence le joueur, ce qui ne fonctionne quasiment jamais. D’une part parce que tout ou presque a un air de déjà-vu. On le disait déjà des derniers épisodes de la saison 2, la série s’est forgé ses propres clichés. Dans n’importe quel jeu, devoir choisir qui doit vivre ou mourir serait une situation mémorable, dans The Walking Dead c’est une banalité expérimentée dix fois. Par ailleurs, à force de chercher en permanence à choquer le joueur avec des jumpscares émotionnels, Telltale se retrouve coincé : plutôt que de définir des caractères pour ses personnages et de les laisser évoluer logiquement au sein des évènements, on a droit à des clichés de nanar ambulant. Il faut une séquence de trahison ? Prenons le PNJ le moins susceptible de trahir. On doit garder un secret ? Un personnage lunatique piquera une grosse colère contre nous et le révèlera à tout le monde. La situation semble apaisée et cette personne innocente sourit plein cadre ? Elle va se prendre une balle dans les 3 secondes. Un groupe se sépare en deux ? Une horde de zombies va bientôt les empêcher de se rejoindre. Ce PNJ vous déteste tout au long de l’aventure mais finit par faire la paix avec vous ? Il va se sacrifier pour que vous surviviez. Et ainsi de suite… Précisément parce qu’il cherche à être le plus imprévisible possible, le jeu est non seulement parfaitement prévisible, mais en plus insupportable à suivre tant il est impossible de s’attacher à des personnages-fonctions dont la consistance varie au gré des besoins des scénaristes (hors Javier et Clementine dans lesquels on peut se projeter). Et on vous épargne les plot holes grand comme le trou de la couche d'ozone que cela génère : incohérences temporelles, hiérarchie ou organisation des survivants à géométrie variable, décisions irrationnelles, etc.
Enfin, il est nécessaire de consacrer un court paragraphe à la toute fin du jeu, qui sert à mettre sur les rails une saison 4, dans laquelle Clementine reprendra probablement les commandes. Certes, c’est moins honteux que dans le récent Batman où c’était presque un épisode entier qui servait d’introduction à la saison 2, mais A New Frontier a le culot de présenter certains éléments scénaristiques spécifiques à Clementine comme essentiels à la progression de son intrigue générale, et décide finalement de garder ça au chaud pour plus tard. Et la séquence post-générique pouvait difficilement être plus putassière, avec une Clementine en mode badass flinguant du zombie à tour de bras avec une punchline « Clementine’s story will continue… ».
Avec cette saison 3, The Walking Dead devient pleinement une BD interactive et s’améliore autant qu’elle frustre. Si on saluera le bond en avant visuel, une vraie prise en compte de vos sauvegardes et de vos choix ainsi que la bonne idée de reléguer Clementine à un rôle de sidekick, un insupportable problème de fond dans l’écriture rend le jeu inconsistant et prévisible. Sans compter les soucis techniques et un final paresseux et putassier.