TEST
The Unlikely Legend of Rusty Pup : Puppy au lit
Support : PC
La prolifération galopante des sorties sur Steam a au moins un avantage, ça laisse à tout un chacun l'espoir de dénicher un beau jour une petite pépite méconnue. Une excitation qui se situe à mi-chemin entre celle du chercheur d'or et celle du découvreur de talents. Seulement, manque de chance, parfois on croit mettre la main sur une pièce de choix alors qu'un examen plus poussé met en lumière de vilaines malfaçons. On aurait adoré vous dire « Hey, vous n'avez jamais entendu parler de ce brave Rusty Pup ? Jetez-vous dessus, c'est génial ! », mais la triste réalité nous force à modérer sérieusement cet enthousiasme.
Autant être honnête, il y a des chances que l'improbable titre à rallonge de The Unlikely Legend of Rusty Pup vous soit déjà passé sous les yeux mais que vous l'ayez totalement oublié. Et pour cause, c'est en 2013 que le jeu fait pour la première fois parler de lui, nous faisant miroiter une sortie simultanée sur WiiU et sur 3DS... Finalement, il aura fallu attendre octobre 2018 pour le voir arriver, mais uniquement sur PC, sachant qu'il ne compte pas bouder éternellement les machines de Nintendo vu qu'une éventuelle version Switch est en projet. Il faut dire que la promesse initiale était plutôt alléchante et qu'elle justifiait une attente aussi longue. Ce Rusty Pup ne devait pas être un énième jeu de réflexion comme les autres, c'était le nouveau projet de deux anciens de Rare, Chris Seavor et Shawn Pile, le premier étant surtout connu comme étant le concepteur de Conker's Bad Fur Day. Quand le père d'un des jeux les plus drôles et les plus irrévérencieux de son temps s'apprête à revenir sur scène, forcément on fait des yeux tout ronds, on ouvre grand la bouche et on croise les doigts pour qu'il n'ait pas perdu la main.
Puppymastaz
Le principe de base de Rusty Pup risque de vous ramener dans les années 90 : il s'inspire clairement des Lemmings à la différence près qu'ici ce n'est pas une colonie de rongeurs punks qu'il faut guider, mais un drôle de chiot mécanique. En gros, le défi constitue toujours de conduire saine et sauve la bestiole un peu neuneu d'un point d'arrivée à l'une des sorties du niveau, le tout en temps limité et sans possibilité de la contrôler directement mais en interagissant avec son environnement. Rusty Pup se contente d'avancer droit devant lui, avec toutefois la fâcheuse manie d'avoir peur du noir et de suivre à la trace des trucs qui chlinguent. L'environnement dans lequel il déambule n'est pas très accueillant, partout il y a des précipices, de lourdes presses, des tonneaux explosifs, des machines à broyer... Autant vous dire que si vous restez les bras croisés, votre chien mécanique ne va pas faire de vieux os.Pour lui éviter le pire, vous allez donc lui éclairer la bonne voie, déclencher pour lui des ascenseurs, et surtout placer sur sa route des petites tuiles de différentes natures histoire de lui paver le chemin. En effet, il va régulièrement tomber sur des caisses, venant ainsi remplir un petit inventaire que vous devrez exploiter avec soin. Techniquement, vous n'êtes qu'une main flottante, mais en réalisant par exemple un pont de pierre, vous allez pouvoir permettre à votre protégé d'aller un peu plus loin, par contre il ne pourra pas faire le voyage de retour parce que votre édifice se sera écroulé une fois qu'il l'aura emprunté. Vous allez aussi avoir droit à des matériaux plus solides, d'autres qui peuvent prendre feu et il va falloir jouer sur leur particularité pour voir le bout des niveaux. Dans l'idée c'est simple : on choisit ses petites tuiles, on les places sur un semblant de quadrillage sans que le jeu ne se mette en pause pour autant, on valide ensuite la disposition et on espère que Rusty Pup ne va pas essayer de rouler dessus tant que l'animation de construction n'est pas terminée.
Puppy style
La fuite du chiot n'est pas votre seul objectif, l'idéal c'est quand même qu'il récupère au passage de précieux cerveaux fluorescents puis qu'il valide ce chapardage en évacuant le tout dans des toilettes (la classe quoi...). En effet, ces derniers peuvent plus ou moins être comparés aux étoiles d'un Mario dans le sens où ils vont permettre ensuite de débloquer de nouvelles portes et donc d'accéder petit à petit à l'ensemble de la map. Oui, vous avez bien lu, Rusty Pup se dote d'une carte du monde interconnectée façon metroïdvania, et on retrouve même des thématiques propres à certaines régions. Par exemple certains tableaux vont mettre à l'honneur des machines à cloner, d'autres vont plutôt mettre l'accent sur d'étranges compagnons capables d'attirer l'attention du chien en faisant de la lumière ou en lâchant des flatulences, il existe encore d'autres bestioles mécaniques qui ressemblent à des rouleaux-compresseurs...La variété est là, pas de doute, le contenu aussi puisqu'il vous faudra une grosse quinzaine d'heures pour faire le tour des différents puzzles... mais encore faut-il le pouvoir. En effet, dans notre cas, il a fallu qu'on se contente des deux premiers tiers. Découragé par la difficulté ? C'est vrai qu'il y a parfois de quoi avoir envie de jeter l'éponge, et pas seulement parce que certaines énigmes sont tarabiscotées et qu'il faut mourir un nombre incalculable de fois avant de saisir quelle bonne combinaison vous permettra de sauver la mise de Rusty Pup. Ça, c'est le jeu, même si on soupire un peu de recommencer le niveau à chaque décès, on prend sur soi et on se creuse la tête. Par contre, les limitations de temps vraiment ric-rac peuvent poser un peu plus de problème, surtout quand elles s'associent à un manque de lisibilité et à une prise en main pas très adaptée pour vous pourrir la vie.
De la rouille dans les mécaniques
Avant de poursuivre vous devez bien comprendre que les limites de temps ne sont pas là juste pour la rigolade : régulièrement, il vous faudra recommencer tout le niveau alors que votre chiot est littéralement à deux mètres de la sortie, tout simplement parce que vous lui avez laissé faire un aller-retour superflu et que l'heure fatidique a sonné un peu trop tôt pour lui laisser le loisir de terminer. Ajoutez à ça un design des environnements certes très travaillé, mais aussi et surtout bien bordélique au point de manquer furieusement de lisibilité, et vous commencez à avoir une petite idée de ce qui peut clocher. Mais ça va plus loin, si le jeu nous demande une précision d'horloger suisse, il manque lui-même souvent de rigueur. D'une fois sur l'autre par exemple les timings seront légèrement différents, ce qui rend assez délicate la possibilité d'anticiper les actions. Pire, dans notre cas on a même déclenché une situation bloquant toute progression. Pour la faire courte, notre pauvre Puppy est mort juste après avoir validé la disparition des cerveaux d'un niveau, seulement voilà, impossible ensuite de traverser le niveau en question sans la lueur de ces fameux trophées...Il s'agit là d'une erreur de conception mineure et il suffira à terme d'un petit patch pour y remédier, mais elle dénote d'un problème bien plus général : le jeu manque sérieusement de finition au niveau de la conception des puzzles et de la prise en main. On sent très clairement que tout a été pensé pour tirer parti d'un second écran tactile. Sur WiiU ou sur 3DS ça n'aurait posé aucun problème de placer ses tuiles précisément en temps limité puisqu'il y aurait eu l'écran principal pour surveiller le chiot en même temps. Mais là, avec notre seule souris et sans aucun raccourci clavier, on est constamment en train de se gêner, de s'emmêler les pinceaux et de perdre inutilement du temps. Bref, on ne vas pas enfoncer ce pauvre Rusty Pup qui propose tout de même quelques belles idées, c'est un jeu généreux porté par une petite équipe qui a visiblement eu beaucoup de mal à le mener à bout. Seulement voilà, cette difficulté là on la ressent dans le manque de finition qui finit trop souvent par rendre l'expérience de jeu laborieuse.
EDIT du 12/11/2018 : Gory Detail continue de travailler à paufiner le jeu et la dernière mise à jour datant d'hier corrige le bug qui avait bloqué ma progression.
À sa façon, Rusty Pup pose la question de l'héritage. S'il y a du Conker dans son univers, c'est moins pour son humour potache que pour sa vision désabusée et un brin dépressive de l'existence. Par contre, on a moins de mal à retrouver la trace laissée par un développement focalisé sur l'usage d'un second écran tactile. Forcément, à la souris ça coince, mais pour peu qu'on soit d'humeur un peu nostalgique, on peut aussi voir cette maniabilité lourdingue comme l'un des derniers vestiges des promesses de gameplay original portées encore il n'y a pas si longtemps par les consoles de Nintendo.