TEST
The Pedestrian
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : Skookum Arts
Support : PC
Ils sont présents partout dans notre quotidien et malgré tout on finit par les oublier : les panneaux de signalisation et leurs bonhommes inexpressifs sont de véritables ange-gardiens. Toujours là pour nous empêcher de prendre une prune en sens interdit, de se vautrer sur un sol mouillé devant le patron ou de provoquer un drame aux toilettes, ce sont finalement eux les meilleurs amis de l'Homme.
On ne s'étonne donc pas de voir sortir un jeu les mettant à l'avant-scène : The Pedestrian, premier projet d'une bande de potes d'enfance, Daniel, Jed et John qui ne se sont finalement jamais quittés et avaient envie de produire un jeu vidéo à leur manière. Le truc c'est qu'aucun d'entre eux n'avait d'expérience dans le domaine. Ils ont donc pris plus de sept ans, et 30 000$ récoltés lors de leur campagne Kickstarter pour créer leur jeu. Le résultat est assez saisissant lorsqu'on le remet dans son contexte. Le titre se présente sous la forme d'un puzzle-plateformer en 2.5D qui met donc en scène un "bonhomme bâton" dans différents tableaux représentant des panneaux de signalisation, tableau blancs, blueprints, feux tricolores, ardoise de restaurant, écrans de contrôles, etc. Si ses motivations ne sont pas très claires, l'aventure démarrant directement sans s'encombrer d'introduction, il va devoir résoudre un bon paquet de puzzles pour progresser.Piéton de passage
Pour cela, il va se balader (en ligne droite) dans chacun des pseudo-mondes du jeu, les quartiers d'une ville fictive desservis par une ligne de métro qui sert de délimiteur visuel. Du sous-sol de la mystérieuse Blarg Enterprises aux toits de la ville en passant par une zone commerciale, une université ou encore les égouts, notre héros passera son temps à réactiver des mécanismes et interconnecter portes et échelles dessinées sur les panneaux pour naviguer entre eux jusqu'à la sortie. Si les premiers niveaux sont enfantins, tout se corse très vite : rayons laser, scies, portes fermées à clé, bidules à électrifier et cages d’ascenseurs peupleront bientôt ces véritables tétrominos découpées dans le métal. Les zones de puzzles s'agrandissent pour comprendre jusqu'à une dizaine de panneaux différents qu'il faut attraper à l'aide de la souris et organiser sur l'écran pour s'y repérer plus facilement. Surtout, en cas de rupture d'un lien, la position du bonhomme et de tous les éléments mobiles est réinitialisée.Il faut donc prendre son temps et calculer 5 ou 6 déplacements à l'avance pour éviter d'avoir à tout reprendre à zéro. Si les casse-têtes deviennent plus complexes sur la fin notamment avec une peinture verte qui, appliquée aux panneaux, annule la réinitialisation en cas de rupture de lien, il n'y a qu'une seule manière de les résoudre. La logique l'emporte donc sur la raison et empêche que l'on ne monte trop dans les tours face à ces challenges. Mieux encore, le jeu de Skookum Arts n'a de cesse de se réinventer, ajoutant toujours une petite mécanique de plus dans les rouages de son gameplay. Par contre, le même pattern tutoriel simple/hub/recherche d'objets pour activer un circuit électrique et progresser se répète lui jusqu'à la toute fin. Là ou The Pedestrian fait encore plus fort, c'est dans la relation qu'il entretient avec son héros et le monde extérieur. En développant des décors en trois dimensions très riches et bourrés de détails, les créateurs ont insufflé la vie dans un genre pourtant classique.
Panneaux-ramas
C'est lors des transitions entre les groupes de panneaux réalisés à l'aide de travelling caméra contrôlés par le joueur que le monde des hommes se dévoile : rue principale bondée de voitures, cafards rampant sur le mur des égouts, cannettes de soda vides et restes de fast-food jonchant le sol, il y a tout un monde à découvrir. On peut rester quelques longues secondes à apprécier tout ce qui fourmillait hors champ et qui nous saute maintenant aux yeux, comme pour souffler quelques instants avant de reprendre le remue-méninges. Mieux encore, à de (trop rares) moments, il se crée une connexion entre nos actes et le monde : lorsqu'on actionne un vrai ascenseur, qu'on utilise la motrice du métro pour avancer et j'en passe. C'est dans ces situations là que The Pedestrian brille le plus, lorsqu'il nous rappelle à la réalité. Et à chaque fois, les douces notes de la bande originale jazzy éthérée signée Logan Hayes (qu'on retrouvera en 2020 à la composition sur DECEIVER !), clins d'oeil aux productions de Randy Newman ponctuent à merveille ces phases de contemplation.On pourrait aussi parler de sa plateforme minimaliste mais irréprochable, de l'excellente lisibilité de son game design qui ne s'encombre pourtant pas d'une seule ligne de texte, d'une caméra plus maline qu'elle ne semble qui prend plus ou moins de temps à scroller d'un panneau à l'autre en fonction de l'éloignement que l'on crée entre les deux lors de leur connexion, d'un final étonnant qui remet tout ce qu'on a accomplis auparavant en perspective, conclu par une séquence nébuleuse et qu'on aurait presque aimé voir développée, bien que l'on sente qu'elle tient plus du signe d'un éreintement des développeurs plutôt que d'une réelle fantaisie. En tout cas, malgré une aventure assez courte (comptez 4 à 6 heures pour en venir à bout), ce premier jet laisse espérer du bon pour la suite. D'ailleurs, le trio n'en a pas terminé avec son bébé puisque si on en croit la page Kickstarter, un éditeur de niveaux est toujours dans les tuyaux.
The Pedestrian s’est approprié un concept simple et essoré par le temps et en a fait un jeu unique, malin, court mais bien rythmé. Si vous cherchez un petit quelque chose de rafraîchissant pour bien débuter l’année, le voilà le premier vrai succès indépendant de 2020.