TEST
Splasher : Le plaisir qui tâche
Développeur / Editeur : Splasher Team
Parfois on aime se faire du mal. Rassurez-vous, vous n'allez pas ressortir de cet article avec un joli coup de cravache sur les fesses, c'est plutôt d'un autre type de douleur dont il est question ici. On l'avait déjà évoqué lors d'un FactorCast, certains jeux s'amusent à nous en faire voir de toutes les couleurs. Et c'est seulement après en avoir bien bavé, une fois que le gameplay nous est littéralement rentré dans la peau, que l'on se découvre une dextérité insoupçonnée mais aussi jubilatoire. Voilà en gros comment Splasher compte vous donner du plaisir.
R.I.P. à l'industrie
Splasher ne paye pas de mine. Un look coloré, une représentation 2D classique et une esthétique de titre Flash, à première vue on pourrait même le confondre avec une tripotée d'autres jeux de plate-forme. Ce n'est pas son pitch qui tient sur un post-it qui va vous aider à le différencier de ses petits camarades : de méchants industriels transforment leurs anciens employés en mutants à partir desquels ils confectionnent de la peinture. Vous êtes un modeste agent d'entretien qui découvre le pot aux roses et qui va donc chercher à libérer tous les Mudok... oups, tous ses collègues en détresse. Jusque là, on est en droit d'être sceptique, mais très vite le gameplay va venir dissiper ces affreux doutes.Notre petit bonhomme, de part sa profession, sait manier le Karcher comme personne. Ça tombe bien, dès le premier niveau il va tomber sur une bonbonne de flotte illimitée qui va lui permettre d'arroser les environs. C'est un pouvoir qui vous semble limité ? Pourtant il vous permettra d'actionner des mécanismes, de vous débarrasser de vos ennemis mutants et surtout de nettoyer le sol. Au fil de votre progression vous débloquerez deux autres fluides assez particuliers : en badigeonnant les murs et le plafond de rouge vous rendrez ces surfaces collantes et vous pourrez courir à la verticale ou la tête en bas, la peinture jaune quant à elle dispose d'étonnantes propriétés rebondissantes. Une fois débloqués, tous les fluides sont à portée de main, sur les quatre boutons de la manette (la prise en main clavier/souris n'est pas conseillée) vous en avez un qui est dédié au saut et les trois autres à ces fameuses giclettes multicolores.
Peintre en bâtiment, un métier qualifié
N'allez pas vous imaginer que badigeonner à tout va soit à la portée du premier venu, il faut de sacrées références pour en faire un art. Bonne nouvelle, Splasher a un joli héritage à faire valoir, d'ailleurs il ne s'en cache pas et multiplie les clins d’œil plus ou moins appuyés à ses illustres aînés. La source d'inspiration la plus logique vient des derniers Rayman, et pour cause, la petite Splashteam compte dans ses rangs Romain Claude, un ancien d'Ubi Montpellier. Mais Splasher a aussi retenu les leçons d'autres plateformers récents comme Super Meat Boy ou Dustforce à qui il emprunte la précision dans les sauts et les déplacements, l'aspect die & retry, et surtout le sens du rythme, ce flow si particulier qui donne une fausse impression d'aisance une fois le parcours assimilé. La dernière référence évidente tient bien entendu à Portal 2 et à l'utilisation des fluides permettant de transformer son environnement. Vous l'aurez peut-être deviné, mais ça donne aussi à certaines situations un petit air de puzzle plutôt bienvenu.En effet, Splasher ne reste pas cantonné à cet illustre héritage, il réserve aussi de belles surprises. Bien entendu, on retrouve la panoplie des dangers classiques, du bain d'acide aux lasers en passant par les scies circulaires, rien ne vous sera épargné. Certains détails vont aussi de soi dans l'organisation du level design comme le fait que la peinture n'adhère pas à toutes les surfaces. Mais Splasher sait aussi distiller les nouvelles idées de game design au compte-gouttes, maintenant la curiosité et l'attention du joueur toujours en éveil. L'introduction du vent ou des lasers qui mettent un certain temps à se déclencher vont par exemple vous obliger à repenser l'utilisation des fluides. De la même façon, les niveaux sont parsemés de warp zones façon Super Meat Boy dans lesquelles il faudra venir à bout de tous les ennemis pour libérer un honnête travailleur. Si dans un premier temps on croit avoir affaire à de simples arènes, les choses se complexifient, parfois vous n'aurez qu'un unique adversaire à dessouder, mais trouver un chemin qui mène jusqu'à lui relèvera aussi bien de l'énigme que de la prouesse acrobatique.
Cinq minutes douche comprise
Le principal reproche que l'on pourrait faire à Splasher est d'être un peu court. En effet, il ne compte que 22 niveaux, certes plutôt longs (avec des checkpoints, rassurez-vous!) et très diversifiés, mais il ne vous faudra pas plus de huit heures pour en voir le bout et pour délivrer l'ensemble des travailleurs en danger. Il y a ainsi six employés à retrouver dans chaque niveau, un septième attend sagement à la fin de la course à condition que votre score soit suffisamment élevé pour le libérer. À l'exception de quelques passages précis, généralement on a tout loisir de traverser les niveaux à son rythme, mais finalement on peut considérer que ce mode standard n'est qu'un entraînement avant de passer au vrai cœur du jeu, à ce qui lui confère sa rejouabilité, le speedrun.Chaque niveau est ainsi indépendamment disponible en mode contre-la-montre. Un système de médailles viendra récompenser vos efforts mais c'est surtout le leaderboard qui vous permettra de crâner devant vos amis. Le jeu comprend aussi trois modes speedrun histoire d'enchaîner tous les niveaux en sauvant ou non les pauvres employés. On pourrait penser qu'il s'agit là d'un simple bonus, d'un à-côté sympathique destiné aux joueurs les plus acharnés, mais ce serait se méprendre sur la nature profonde de Splasher. Si tout y est réglé avec un timing millimétré et une précision d'orfèvre, c'est justement pour que le titre puisse offrir aux amoureux de la vitesse un terrain de jeu à la hauteur de leur passion. D'ailleurs la Splashteam a fait appel aux membres du Nesblog, amateurs de speedrun s'il en est, pour fignoler cet aspect. Le résultat est incroyable, non seulement Splasher est plaisant à découvrir, mais il sait nous mettre le pied à l'étrier pour nous pousser à nous surpasser, un peu comme une invitation au challenge livrée clef en main.
Splasher n'est pas très long, mais mon Dieu ce qu'il est bon ! Il nous offre un joli compromis entre des références bien digérées et des idées originales. Il sait se montrer parfois difficile sans pour autant devenir frustrant. En somme, il nous propose un parcours progressif vers l'excellence, une forme de conduite accompagnée vers le dépassement de soi.