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Samurai Shodown : le bushido de la fessée
Flanquer une belle fessée n'est pas donné à tout le monde. Il ne suffit pas de transformer ses mains en battoirs pour y parvenir. La seule fessée honorable se doit d'être ni une punition ni une caresse. Quand elle vient flatter le postérieur de votre partenaire, c'est pour allumer en elle ou lui la délicieuse flamme du désir, pas pour l'étouffer de la paume ou la laisser se dissiper. On avait presque perdu espoir que SNK parvienne à nous procurer ce genre de frisson avec sa série des Samurai Shodown, mais ça c'était avant que l'on ne voie rejaillir le feu de ce volcan qu'on croyait trop vieux.
Évoquer la série des Samurai Shodown en société peut entraîner plusieurs types de réactions chez vos interlocuteurs. Forcément, il y a ceux qui n'ont jamais entendu parler de la licence et qui ne verront même pas en quoi un obscur jeu de baston 2D axé sur les armes blanches mériterait de devenir un sujet de conversation. Et puis il y a les nostalgiques, ceux qui frémissent à la simple mention de la Neo-Geo, qui bavaient sur cette console et sur son incroyable bibliothèque de jeux de combat et qui vivaient chaque rencontre avec l'un d'entre eux comme une éphémère apothéose ludique. Enfin il y a les blasés, notamment les quelques uns qui ont eu le triste privilège de toucher au dernier épisode en date, le déprimant Samurai Shodown Sen sorti il y a une dizaine d'années sur bornes d'arcade et sur Xbox 360. J'ai une confession à vous faire, je faisais partie de ce dernier lot. Pourtant SNK avait eu l'occasion de se racheter, notamment en ressortant de très belle façon la licence King of Fighters du placard. Mais rien n'y faisait, je n'arrivais pas à croire que le reboot des Samurai Shodown puisse être une réussite. Heureusement, j'avais tort.
Aux coups : aille !
Le premier contact n'est pas des plus déplaisants. On oublie les errements de la 3D et on revient à une opération de retape qui a déjà fait ses preuves avec la série des Street Fighter, à savoir une 2,5D plutôt classieuse et une façon de rehausser le contour des combattants pour leur donner un petit côté dessiné. Ici c'est clairement l'esthétique des estampes qui est en ligne de mire. D'ailleurs le look des menus donne le ton : fleurs de cerisier, feuilles d'érable et indications calligraphiées, Samurai Shodown joue à fond la carte de l'exotisme facile lié à nos préjugés du Japon féodal. La plupart des décors des arènes sont dans la même veine, et si les plus pointilleux vont aller chercher quelques modélisations grossières en arrière-plan, globalement le tout fait assez bien le taf en nous assurant notre petit bol de dépaysement. Le jeu est loin d'être à tomber par terre techniquement parlant et pourtant ce parti pris esthétique et les quelques effets de mise en scène lors des combats particulièrement sanglants suffisent à le rendre agréable à l’œil et même relativement spectaculaire par moments.Tout ça c'est bien joli, mais l'inévitable question qui brûle les lèvres de tout un chacun est de savoir si ce Samurai Shodown mérite réellement son titre et s'il rend hommage au reste de la série. Pas la peine de faire durer le suspens, c'est le cas. Pour la faire courte, on est toujours sur un jeu de combat où le moindre coup peut arracher une quantité phénoménale de vie à son adversaire. Ici il est moins question d'apprendre par cœur des enchaînements à rallonge que de profiter du bon moment pour porter le coup qui va renverser le cours du combat. Il reste toujours la possibilité de claquer quelques petits combos mais ça n'a rien d'évident puisqu'il faudra maîtriser l'art délicat du cancel pour espérer enchaîner certaines attaques. Au-delà de ces notions de timing, les manipulations de base sont plutôt simples. On retombe sur un gameplay proche du troisième opus, avec un système à quatre boutons : coup de pied, attaques faible, moyenne et forte à l'arme blanche. Les attaques spéciales ne font généralement pas dans l'originalité la plus totale et se basent le plus souvent sur de bons vieux quarts de cercle ou des dragon punchs.
La valse du boucher
Mais alors, si on est à ce point là du côté d'une prise en main traditionnelle, qu'est ce qui fait l'originalité de ce nouveau venu dans l'arène déjà bien remplie du versus fighting ? Déjà il faut noter que Samurai Shodown propose une large variété d'options défensives et que ces dernières ne sont pas synonymes de passivité. On a la garde classique qui se fait debout ou accroupi, mais on peut aussi reculer juste au moment de l'impact pour minimiser le recover de la garde et enchaîner plus rapidement avec une contre-attaque. Si vous êtes joueur, vous pouvez aussi tenter l'esquive : votre personnage fait alors un pas de côté, peut laisser passer une attaque et revenir punir son adversaire. Attention toutefois, ça demande un certain sens du timing. Si vous êtes carrément un dieu de la précision temporelle, genre le descendant d'une ancienne famille d'horlogers suisses avec un coucou à la place du cœur, vous pouvez même tenter de bloquer une attaque et de désarmer votre opposant, avec votre arme ou à mains nues s'il vous en a déjà privé. Il s'agit d'un mouvement extrêmement dangereux, vous risquez fort de vous retrouver coupé en deux, mais en cas de réussite, ça vous ouvre un boulevard.En effet, voir son sabre tomber au sol dans un jeu de baston qui s'appuie essentiellement sur les armes blanches, ce n'est jamais bon signe... Il est toujours possible de récupérer son bien, mais c'est un moment pendant lequel on est terriblement exposé. C'est une mécanique loin d'être anodine puisque chaque personnage possède aussi une super attaque utilisable une fois par round et qui va se solder par le désarmement de l'adversaire. Dans le même genre, un autre super à usage unique est aussi là pour saigner à blanc les combattants les moins attentifs. Et si vous êtes vraiment allergique aux manipulations un poil techniques, il y a toujours la possibilité de craquer la jauge de rage quand on est vraiment sous pression histoire de repousser son opposant, puis de réitérer la manœuvre pour déclencher un coup ultra stylisé et assez dévastateur. Bref, autant de possibilités différentes pour apporter un peu de diversité dans votre façon d'envisager le massacre.
Suspendu dans l'instant
Ce qu'il faut retenir c'est que Samurai Shodown est avant tout un jeu où on se doit de profiter de la moindre ouverture, un jeu qui fait la part belle aux décisions prises dans l'instant. Le moindre faux pas, et c'est la punition. Il ne s'agit pas forcément de se contenter d'attendre que son tour vienne, il faut aussi se créer des occasions, notamment en utilisant la choppe. Celle-ci ne fait pas de dégâts mais elle déséquilibre l'autre et permet d'enchaîner avec une attaque. Il est aussi possible de dasher vers son adversaire et de garder au dernier moment pour encaisser un coup qui se voulait être une contre-attaque... Les possibilités sont immenses et c'est là que se loge au final tout le plaisir de jeu. On prend son pied à tromper l'autre, à le mettre sur de fausses pistes pour ensuite mieux le cueillir au tournant. Bien sûr, pour être beau joueur il faut aussi accepter d'être à son tour le jouet du deuxième joueur et de prendre quelques roustes phénoménales. Si on met de côté les temps de chargement un peu longuets, les matchs s'enchaînent vite, on passe sans transition du statut de victime à celui de bourreau.Encore faut-il que le contenu soit suffisamment étoffé pour que le jeu nous tienne occupé sur la longueur. Certains font la fine bouche sur le nombre de combattants mais un casting de 16 personnages proposant des approches vraiment variées, c'est déjà largement honnête. D'autant plus que les joueurs les mieux renseignés ont aussi récupéré gratuitement le DLC donnant accès à quatre combattants supplémentaires dans les prochains mois. Certes le roster contient surtout des têtes connues, mais c'est un peu un passage obligé quand on propose un reboot d'une licence installée dans le cœur des fans. Les seuls trois nouveaux venus font plutôt dans la diversité. La plus simple d'accès est sans doute Darli Dagger, une femme pirate dotée d'une gigantesque scie et qui peut même sortir un gros marteau ou un hameçon géant à l'occasion. Plutôt bourrine, elle fait partie de ces très rares personnages à ne pas être totalement démunis quand ils se retrouvent désarmés. Wu Ruixiang est bien plus atypique : cette jeune chinoise se bat avec un compas feng-shui qui ressemble à une sorte d'étrange bouclier. Elle manque furieusement d'allonge mais elle pose des pièges sur le terrain ce qui en fait un combattant difficile à cerner. Le dernier petit nouveau est Yashamaru Kurama, un samouraï se battant à l'aide d'un nagamaki et particulièrement habile dans les airs.
Des pêches et des modes
À condition d'avoir un partenaire à vos côtés, vous n'êtes pas prêt de vous embêter en explorant toutes les subtilités de gameplay offertes par ce Samurai Shodown. Mais voilà, on n'a pas toujours sous la main une bonne âme versée dans les mêmes vices que soi, et là ça se complique. En effet, on fait assez vite le tour des modes solo traditionnels et ne comptez pas trop sur le boss du mode Histoire pour justifier d'y passer des plombes. Le tutorial est aussi assez famélique et se contente de vous apporter les bases en mettant de côté une bonne part des mécaniques de jeu avancées. Dans ces conditions, il n'y a pas de mystère, pour progresser il faut passer en ligne et se faire dérouiller par des inconnus. Lorsqu'on déniche un adversaire pas trop loin de chez soi, ça roule plutôt bien, par contre le tout est justement de trouver cet oiseau rare. Le online commence déjà tout doucement à se dépeupler et mieux vaut se donner des rendez-vous pour être certain de trouver du beau monde.SNK avait pourtant prévu une solution qui se voulait originale pour palier un éventuel manque de challengers : créer automatiquement des IA qui se baseraient sur le comportement des joueurs. Chacun se voit ainsi affubler d'un fantôme qu'il peut théoriquement combattre à souhait pour détecter ses faiblesses, mais on peut aussi récupérer les fantômes des autres pour découvrir d'autres styles... Sur le papier c'est intéressant, malheureusement dans les faits les IA ainsi générées manquent furieusement de jugeote et enchaînent les comportements étranges comme par exemple des chopes ou des coups dans le vide. Finalement le constat est sans appel, pour déguster ce Samurai Shodown comme il se doit, l'idéal est d'avoir sous le coude un, ou même rêvons, plusieurs amis qui savent apprécier les déculottées à leur juste valeur, les donner comme les recevoir, de ceux qui ne pleurent pas lorsque leur barre de vie fond d'un coup comme neige au soleil et qui aiment les combats qui se jouent sur le fil du rasoir.
On refusait d'y croire et pourtant ce Samurai Shodown constitue bel et bien une très bonne pioche. Fidèle à la série, il propose un rythme particulier à ses combats où il est toujours question de tirer partie de la moindre occasion pour punir son adversaire. À la fois intelligemment épuré, intransigeant et gentiment varié, SNK nous pond là un jeu de baston de haute volée qui vous donnera envie de convertir vos amis à l'art délicat de la fessée.