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Project Warlock : Le Mage-herr de Neustadt
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : GOG Buckshot Software
Support : PC
Oubliez l'auto-regen caché bien à l'abri derrière une caisse, les rechargements de flingues toutes les 10 secondes ou la marche forcée au stick analogique des FPS modernes, Project Warlock nous envoie valdinguer dans la machine à voyager dans le temps, direction l'époque révolue où on ne parlait pas de FPS mais de jeux d'action 3D, où Apogee Software régnait en maître sur le marché du shareware et où John Carmack était encore... un type éminemment sympathique.
Alors qu'on pourrait croire le jeu développé par de vieux barbus accrochés à leurs écrans CRT, grommelant à qui veut l'entendre que "c'était mieux avant", Project Warlock est le fruit d'un nourrisson de l'industrie allemande du jeu vidéo mais surtout un gamin qui ne manque pas de courage : Jakub Cislo. Du haut de ses 19 ans, il accouche d'un titre qui a su mûrir pour trouver son public. Fin 2016, après avoir été nourri au bon grain par son père aux sharewares mythiques du milieu des années 90 (Wolfenstein 3D, Heretic, DOOM, Hexen, Blood ou encore Duke Nukem 3D), il décide de se payer quelques bouquins "Pour les nuls" et de coder son propre jeu d'action 3D rétro. D'abord nommé Exitium 3D puis Cataclysm 3D, le prototype fait un all-in sur Kickstarter pour se payer le ticket d'entrée de Steam Greenlight. Là-bas, il se heurte à un monde PC exigeant, acerbe et impitoyable.
D'E1M1...
Faut dire que le machin tout sauf sexy ressemble plus à un petit copié-collé de Wolf3D bricolé lors d'une jam qu'à un jeu fini. Cela n'entrave pourtant pas la volonté de Jakub qui se retrousse les manches et peaufine le moteur de son bébé avant d'annoncer début 2017 un changement radical d'identité : Project Warlock était né. Cataclysm 3D était jugé trop classique ? Qu'à cela ne tienne, le créateur accentue les contours des sprites 2D créés par son copilote David Kay et pixelise encore plus des textures aux palettes de couleur plus tranchées que jamais dans Warlock. Et visuellement, cela se traduit par un look néo-rétro unique qui fait son petit effet dès qu'on démarre une partie. Les éclairages sont sublimes, le mélange de sprites à l'aspect 8 bits et d'effets modernes comme les AO, bloom, motion-blur et une foule d'options rétro aux taquets customisables dont un filtre Gameboy (oui oui !) fonctionne à merveille et rend l'expérience de jeu bien plus digeste.Parce qu'il faut dire qu'à part cela, Warlock est un jeu d'action 3D ultra référencé. On y dirige un mage qui va devoir traverser époques et dimensions pour éradiquer des démons à l'aide d'un arsenal qui rendrait vert de jalousie B.J. Blazkowicz. Entre les niveaux, il retourne à l'atelier, son camp de base dépenser points de compétences et jetons d'upgrade pour mettre à jour ses armes, les transformant en machines à défourailler tout ce qui passe devant le canon mais également apprendre des sorts (un peu accessoires, cela dit en passant) et faire augmenter ses statistiques voire débloquer des compétences passives indispensables à sa survie, seule véritable touche de modernité du titre. Pour le reste, c'est du grand classique, une fois débarqué dans l'un des 5 mondes (château médiéval, base en Antarctique, zone industrielle peuplée de cyber-démons, etc.), on se fraye un chemin dans différents dédales de couloirs et suites de pièces à nettoyer avant de partir à la chasse aux clés de sécurité rouges, bleues ou dorées ou d'aller activer des interrupteurs, etc.
On connaît la chanson, et étrangement on retrouve vite les réflexes d'appui frénétique sur la touche Espace pour dénicher les passages secrets dans l'environnement mais aussi la fameuse désorientation d'antan, on se perd même pendant des dizaines de minutes sur la carte tournant et retournant avant de retrouver "cette foutue porte bleue !"... Globalement on retrouve surtout les bonnes techniques de grand-mère pour sortir vivants de rixes du 3e types avec les soldats du mal qui infestent ces labyrinthes, astuces qui consistent 90% du temps à tourner autour des sprites 2D en les arrosant de plomb. Heureusement pour nous, le moteur est moins austère que sur ses pairs, le développeur s'étant largement inspiré des relectures modernes comme GZDoom. On peut par contre regretter une IA aux fraises qui se contente de foncer tête baissée vers le joueur dès qu'elle l'a repéré.
... à E4M9
La manière la plus sûre pour éviter de perdre bêtement de la vie (et d'économiser ses précieuses munitions) consiste donc à rester planqué derrière un angle de mur et d'attendre patiemment les monstres qui viendront tendrement s'embrocher les uns après les autres sur nos armes de mêlée. Une fois qu'on a pigé ce trick, le jeu devient assez simple et à part 2 ou 3 ennemis qui peuvent tuer en un coup ou certains boss de fin de chapitre un peu pénibles, Warlock n'opposera presqu'aucune résistance au quadra qui a bouffé du démon au petit déjeuner sur son 486 au boîtier ATX jaunit par l'oeuvre du temps. Il en reste tout de même certains moments d'émerveillement, la première utilisation d'une arme mise à jour, l'arrivée dans un nouvel environnement, la découverte d'une zone cachée pleine de bonus d'XP. Mais pour le reste et c'est peut-être là qu'est son seul véritable défaut, Warlock ne se renouvelle jamais.Toujours dans l'hommage, jamais surprenant, Project Warlock est un bon jeu d'action 3D qui se paye un look et des sensations néo-rétros de bonne facture. Et si on aurait peut-être aimé y voir un peu plus de fantaisies que dans un fichier WAD honteusement pompé sur Moddb, on en a tout de même pour son argent le jeu offrant une durée de vie convenable d'une dizaine d'heures pour à peine moins que le prix d'un shareware en version complète.