Prey
Tommy en a marre. Il en a marre de vivre dans cette foutue réserve. Il en a marre de devoir supporter le discours de son grand-père sur ces conneries d'héritage Cherokee. Il en a marre des poivrots qui tentent de draguer sa nana, la serveuse du bar. Il en a marre de ne pas être capable de lui avouer ses sentiments.
Vous êtes Tommy, mécano indien (pardon : Native American) de son état, un bon anti-héros comme on n'en fait plus. Son aventure débute dans le bistrot tenu par Jen, sa copine, alors que le jukebox crache un vieux Judas Priest. Il tente de convaincre tant bien que mal Jen de quitter cette foutue réserve, mais la garce semble bien décidée à ne pas partir, trop attachée qu'elle est à ses racines. Deux clients avinés commencent à devenir un peu trop entreprenants envers la jeune fille, et notre Tommy va les calmer bien vite à grands coups de clef à molette. Mais la petite vie de Tommy bascule soudain lorsqu'un vaisseau extraterrestre fait subitement irruption dans le ciel et aspire le bar et ses occupants, alors que le jukebox se met à jouer Don't fear the reaper de Blue Oyster Cult : lumières vertes, désintégration d'une partie du décor, corps s'élevant dans l'espace : cette scène d'intro a une classe folle, et on se dit qu'on est parti pour vivre une grande aventure.
Attack of the giant pussy from outer space
Une fois dans le mystérieux vaisseau extraterrestre, Tommy, Jen, le grand-père et des centaines d'autres humains se retrouvent sanglés et tractés vers une destination inconnue mais qu'on devine peu enviable. Toutefois, une explosion vient interrompre le trajet de notre héros, qui va partir alors à la recherche de sa copine à travers le vaisseau extraterrestre.
Un vaisseau au design plutôt excellent : mi-métallique, mi-organique, vous vous baladerez dans des couloirs ressemblant à des boyaux, et les portes qui s'ouvrent devant vous évoqueront bien souvent divers orifices du corps humain ; des orifices qui ne manqueront pas de vous déverser quantité de fluides corporels à la tronche. Prey se pare d'une esthétique scato-sexuelle complètement revendiquée, et on marche. D'autant que les ennemis que vous croiserez tout au long de votre périple, si ils ne sont pas très nombreux, sont eux aussi bien torturés, bien plus que les Stroggs de Quake 4 : humains difformes, robots-pieuvres directement issus de Matrix, araignées géantes, il y a de quoi faire. Les armes ne sont pas en reste : là encore, leur look mi-vivant mi-machine fait mouche. On regrettera juste qu'elles soient peu nombreuses, bien que toutes pourvues d'un tir secondaire.
Malheureusement, même avec toutes ces bonnes idées, le jeu n'arrive pas encore à se démarquer suffisamment d'un point de vue visuel de Doom 3, auquel il emprunte le moteur. Les effets de lumière du Doom Engine n'impressionnent plus autant (et sont de toute façon beaucoup moins mis en avant que dans le titre de id Software), et l'ensemble souffre une fois de plus d'un syndrôme jeu-couloir beaucoup trop prononcé. Quelques salles un peu plus vastes tenteront de corriger le tir vers la fin du jeu, mais en vain.
À quoi ça sert que Newton il se décarcasse
Heureusement, Prey a d'autres atouts dans sa manche pour se différencier de la concurrence, et pas des moindres. Ainsi, les portails se révèlent tout simplement bluffants. Leur principe risque d'être assez compliqué à expliquer : au beau milieu d'une pièce, vous pouvez trouver une ouverture circulaire pointant vers un autre point de la carte. Mais attention, vous ne voyez pas une vieille texture à la con, non non : c'est bien le bout de map en lui-même que vous apercevez, et vous pouvez balancer une grenade à travers l'ouverture et la voir exploser à l'intérieur. Dit comme ça, effectivement ça ne donne rien, et les images fixes ne rendent pas non plus justice à cette trouvaille absolument géniale : il faut vraiment tester par soi-même.
Deuxième nouveauté du jeu : la gravité complètement changeante. Au début de l'aventure, vous pourrez ainsi voir des aliens marcher sur ce qui vous semble être le plafond ou les murs. Mais bien vite vous aurez vous-même la possibilité de vous mettre la tête en bas, que ce soit au moyen des "murs adhésifs", ou carrément à l'aide d'un interrupteur changeant la gravité d'une pièce. C'est complètement barré, mais plutôt rigolo. On aura aussi l'occasion de se balader sur des sortes de mini-planètes, elles aussi dotées de leur propre gravité, permettant d'en faire tranquillement le tour.
Autre innovation : la possibilité de quitter son corps et de se balader dans les niveaux avec son esprit. Malheureusement, cette idée, plutôt bonne en soi, est à l'origine d'un des plus gros défauts du jeu, sur lequel on reviendra plus tard. On regrettera aussi qu'elle soit un peu sous-exploitée, puisque lors de ces expériences extra-corporelles, on se contentera de traverser les mêmes environnements, avec éventuellement la possibilité d'emprunter des "ponts spirituels", dont on cherche encore à justifier l'existence, pour atteindre des points inaccessibles avec votre enveloppe charnelle.
Les gars de Human Head ont bien bossé leur concept, et nous proposent donc quelques petites énigmes basées sur toutes ces mécaniques de gameplay, certes plutôt sympas, mais malheureusement d'une simplicité enfantine, et il n'y a pratiquement aucune chance que vous restiez bloqués face à l'une d'entre elles, à moins que la chaleur torride n'ait fait fondre votre dernier neurone.
Godmode ON
Hélas, Prey souffre de vilains défauts qui l'empêchent de devenir un jeu vraiment incontournable. Tout d'abord, il est court : certes, on a l'habitude des jeux qui se finissent à peine commencés, mais vraiment, sept-huit heures de jeu, c'est très court. Les combats se révèlent également dans l'ensemble bien mollassons, ce qui pour un FPS est quand même plutôt dommageable : les ennemis sont peu nombreux et pas super aggressifs, et vu la linéarité des environnements, ne disposent jamais de possibilités pour se planquer ou contourner le joueur.
Mais surtout, et c'est probablement le plus grave, le jeu est d'une facilité déconcertante, à cause justement de ce mode fantôme. Lorsque vous vous faites tuer, vous ne mourrez pas vraiment : vous êtes transporté sur un petit plateau rocheux, autour duquel tournent des fantômes. Dégommez-en quelques-uns à l'aide de votre arc pour remplir votre jauge de vie, et hop, vous ressucitez à l'endroit de votre pseudo-mort. "Mais alors, ça veut dire qu'on ne peut jamais perdre", vous demandez-vous, incrédule. Et bien oui, aussi incroyable que ça paraisse. Le challenge, déjà pas bien élevé à la base, se retrouve d'un coup complètement anéanti par cette fausse bonne idée, alors que les développeurs auraient sûrement pu s'inspirer de la notion d'univers parallèles du vieux Soul Reaver, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant à jouer.
On regrettera aussi que les environnements traversés, même si ils sont réussis, ne se renouvellent pas outre mesure ; en même temps, en huit heures de jeu, on n'a pas vraiment le temps de se lasser. Autre point à montrer du doigt : alors que l'on s'attendait à un jeu un minimum humoristique, comme pouvait le laisser penser la fabuleuse scène d'ouverture, on se retrouve finalement face à un titre très "premier degré", et les touches d'humour sont rares, pour ne pas dire inexistantes. Le scénario, si il n'est pas toujours mis en avant, se prend quand même un peu trop au sérieux, sans parler de quelques aspects difficilement explicables, comme ces mystérieux fantômes d'enfants : dans un jeu où on se fait littéralement chier et vomir dessus, un côté un peu plus "grosse rigolade et humour gras" à la Duke Nukem aurait très certainement eu sa place.
Les screenshots sont tirés de la version PC du jeu, mais sur Xbox 360, c'est kif-kif.