Paradise
Situé dans l'Afrique profonde, la Mauranie est en plein déclin. On raconte que les rebelles sont aux portes de Madargane, la capitale, et que le Roi Rodon s'est enfui dans le Coffre Noir, sombre vaisseau qui sillonne la Mauranie de long en large sur le fleuve Maurane. D'autres rumeurs prétendent que la fille du Roi aurait quitté Genève en avion pour retrouver son père, mais que cet avion a été abattu, et avec lui tout l'espoir de redressement d'une nation sombrée dans la terreur.
C'est dans ce contexte politique que se réveille Ann Smith, l'héroïne du jeu, dans le harem du Prince de Madargane. Amnésique, elle ignore ce qui l'a conduit en Mauranie, et va tenter de trouver un moyen pour rentrer chez elle, à Genève. Pourtant, le chemin du retour n'est pas nécessairement celui qu'on croit...
Chouette, un nouveau Sokal!
A l'instar de Syberia ou Still Life, Paradise utilise un système de point'n click classique, avec un personnage en 3D se déplaçant dans des décors précalculés. Comme d'habitude, les décors sont somptueux, avec des effets de lumière réussis. Les objets ramassés sont stockés dans l'inventaire accessible avec le bouton droit, mais Ann Smith ne possède pas de GSM comme c'était le cas de Kate Walker (sinon, l'amnésie aurait été guérie tout de suite, et il n'y aurait pas eu d'aventure). Ici aussi le curseur change de forme selon les actions possibles (utiliser, parler, prendre, zoomer ou quitter l'écran), comme dans la plupart des jeux d'aventures.
Malheureusement, la réalisation technique laisse à désirer. En effet, il peut arriver que le curseur prenne un peu de temps avant de changer de forme, ou qu'il change de forme alors qu'il n'existe rien d'intéressant à cet endroit de l'écran, ce qui rend les phases de découverte d'environnement assez fastidieuses. On pense avoir loupé un objet intéressant, pour se rendre compte ensuite qu'il se trouve dans le coin opposé de l'écran. De plus, tous les individus rencontrés semblent être des fantômes: on peut parfaitement passer à travers eux sans qu'ils se fâchent. L'avantage est évidemment que personne ne se fait marcher sur les pieds.
Ann, ma soeur Ann, ne vois-tu rien venir ?
Développée en même temps sur PC et en BD, l'histoire de Paradise nous permet de suivre les aventures d'Ann Smith, à la recherche de son identité dans un pays d'Afrique entre rêve et réalité.
Si l'univers de la BD est bien présenté, celui du jeu vidéo aurait pu gagner en profondeur, surtout lorsqu'on sait que Sokal est capable d'immerger le joueur dans son jeu (Syberia en est pour moi le meilleur exemple). Cela est dû principalement pour deux raisons. D'abord, le caractère des différents personnages aurait gagné à être plus prononcé (souvenez vous par exemple du volubile aubergiste de Syberia, voire d'Oscar, l'automate). Dans Paradise, les personnages se font plus discrets sur leur vie personnelle, et on sent que certains dialogues de la BD ont été découpés spécialement pour le jeu, ce qui leur enlève leur saveur originelle.
Ensuite, certains éléments du scénario ont été modifiés pour le jeu (mais pas tous), ce qui donne lieu à quelques anachronismes : dans la BD, l'héroïne a été retrouvée avec un sac à dos dans lequel elle transportait un passeport, sur lequel était inscrit le nom 'Ann Smith', habitant à Genève. Le prince du Harem fait alors le parallèle entre cette Ann Smith, et une exploratrice du début du siècle ayant écrit 'The Lost Paradise of Maurania', relatant son voyage en Mauranie. Dans le jeu, il n'est plus question de passeport, mais l'héroïne a été retrouvée transportant un bouquin intitulé 'The Lost Paradise of Maurania'. Là, on lui dit que comme elle est amnésique, elle n'aura qu'à s'appeler comme sur son livre... soit. Mais là où le bât blesse, c'est que plus tard dans le jeu, elle suppliera le prince du Harem de la faire rentrer chez elle, à Genève, alors qu'il n'est dit nulle part qu'elle habite cette ville. Il y a plusieurs passages comme ça dans le jeu, qui ne seront peut-être pas remarqués par tout le monde, mais qui font mal quand on connaît le travail de qualité habituellement fourni par l'équipe de Sokal.
Le jeu souffre également de quelques bugs. Il m'a fallu reprendre le jeu par deux fois suite à une sauvegarde corrompue, et j'ai aussi eu des « freeze » en quittant le jeu. A l'heure où j'écris ces lignes, un patch est en cours de validation finale, mais je n'ai pas encore pu l'avoir entre les mains pour savoir ce qu'il apporte comme modifications au jeu.
Pourtant, Paradise n'est pas un mauvais jeu. Le scénario est intéressant, les graphismes somptueux, et les énigmes suffisamment variées. De plus, le jeu contient des éléments innovant pour le genre : par exemple, lors des discussions, si l'on parle de sujets qui fâchent l'interlocuteur, ce dernier peut décider de couper court à la conversation, et il faudra attendre quelques temps avant de pouvoir lui adresser la parole à nouveau. De plus, certaines scènes permettent de suivre les pérégrinations d'un léopard noir. Comme il s'agit d'un animal sauvage, on ne peut pas le diriger, mais il est possible de l'inciter à se déplacer dans une certaine direction. Ces séquences se déroulent entièrement en 3D, et proposent de parcourir les décors sous un autre angle.