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NAIRI: Tower of Shirin
par billou95,
email @billou_95
Tout le monde ne peut pas s’enorgueillir d'avoir récolté 200 millions de dollars de crowdfunding. En tout cas, la petite équipe sans prétentions de HomeBearStudio et ses 8253 billets verts a réussi elle à sortir son jeu avec juste une année de retard sur le planning. Le premier projet du duo néerlandais NAIRI sous-titré Tower of Shirin tente un peu malgré lui de combler le fossé entre jeu vidéo et littérature jeunesse et quoi de mieux que la console à partager de Nintendo pour s'y exercer.
Dès les premières minutes de jeu, NAIRI fait tout pour nous mettre dans l'ambiance des débuts de soirée de notre enfance. Celle où l'on attendait sagement nos parents bien confortablement installés sous la couette, parés pour plonger dans les aventures qu'ils allaient nous narrer avant d'aller dormir. Rien ne va plus dans la cité oasis de Shirin et la petite Nairi issue d'une famille noble se retrouve obligée de fuir à la hâte pour éviter de se faire emprisonnée comme ses pauvres parents. C'est son dévoué tuteur raton-laveur Sami qui s'occupe de lui faire quitter la ville camouflée dans une caravane de marchands qui va bientôt se retrouver détroussée par une bande de matous brigands sévissant par delà le désert. A partir de là, notre héroïne va aller d'aventures en aventures, rencontrant une foule de personnages humains et animaux enturbannés mais surtout en découvrant au passage sa véritable destinée.Tous les ingrédients d'une bonne histoire sont donc là. Comme dans les contes dont il s'inspire, Tower of Shirin nous fera vivre de multiples rebondissements dans et autour de la fameuse structure au centre de la ville avec en toile de fond une mystérieuse "Grande tempête" qui gronde au loin. L'intrépide jeune fille se liera rapidement d'amitié avec le rongeur ancien malfrat repenti Rex et ensemble ils arpenteront la ville. Chacun des quartiers visités sera prétexte à découvrir une faction animale : ici un bar tenu par des canards sauvages, là une chef de gang lézard, le casting est attachant et toujours cohérent dans un univers mûrement réfléchi par ses créateurs. Et la narration n'est pas en reste avec des dialogues drôles, touchants et toujours à propos. Le jeu jouis qui plus est d'une excellente traduction dans la langue de Molière qui permet d'être suivie sans efforts par petits et grands. C'est d'autant plus agréable que ses mécaniques de jeu se prêtent bien à la coopération.
Lorsqu'on ne sociabilise pas avec les habitants de la cité, on clique frénétiquement dans un mélange des genres qui oscille entre point & click très classique et jeu de recherche d'objets, le tout sur des écrans fixes mais dessinés et animés avec soin. Il ne faudra donc pas s'étonner de faire des aller-retours entre les différents quartiers de la ville, dénicher un objet à tel endroit dans l'environnement, le combiner avec un autre pour obtenir un sésame à offrir à un des personnages, etc. Le jeu propose deux "donjons" qui offrent des mécaniques de puzzles un peu plus complexes faisant appel à la mémorisation de formes couplée à des jeux de Taquin plus ou moins obscurs. Si l'ensemble reste accessible, la toute fin du jeu que les développeurs m'ont avoué avoir refait peu avant la sortie se révèle assez frustrante avec des puzzles assez alambiqués et surtout des soi-disant astuces qui mettent le joueur sur de fausses pistes plus qu'autre chose.
Mais allez, ces légères prises de tête seront vite oubliées devant la mignonceté de la direction artistique du jeu qui là encore fait écho aux grands livres cartonnés de notre enfance. Il n'y a qu'à regarder les copies d'écran qui agrémentent cet article pour s'en persuader : NAIRI est vraiment magnifique ! L'expression de la fillette comme celle de ses interlocuteurs sont retranscrites en un bel éventail d'illustrations réalisées à la main par You Miichi, toutes plus adorables les unes que les autres. Les décors fourmillent de détails et de petites animations, les scènes cinématiques si elles sont animées en image par image sont toujours très soignées et si vous en voulez encore plus, les développeurs ont caché un peu partout dans le jeu des pièces d'or qui servent de monnaie d'échange pour déverrouiller des croquis préparatifs supplémentaires dans les tréfonds du souk de l'oasis. Enfin, notez que le programmeur est aussi musicien à ses heures perdues et il compose ici une bande originale aux accents orientaux minimaliste mais efficace.
Du côté de la technique, cette version Switch utilise astucieusement la grande variété de contrôles offerte par la machine : qu'on se serve de son doigt pour attraper et tapoter sur l'écran tactile, des Joy-cons ou pourquoi pas en pointant les manettes vers l'écran pour s'en servir "à la Wii" comme curseur de souris, le jeu sait s'adapter à tout les publics. On notera juste que le réglage en automatique de la luminosité dans les options de la console peut faire passer à côté de certains éléments cliquables sur le petit écran LCD, forcément. On vous conseille donc de forcer la luminosité en mobilité. Non, le seul véritable souci avec NAIRI, c'est qu'on en vient rapidement au bout (comptez 5 à 6 heures) et qu'il se termine par un cliffhanger qui ne laisse aucun doute sur le souhait des deux développeurs, soit continuer l'aventure après un premier "pilote" introductif. Dur donc de se dire qu'il faudra attendre pour avoir une réponse à toutes les questions posées en fin d'épisode.
Comme une "histoire d'avant aller dormir", NAIRI: Tower of Shirin se déguste seul avec ses souvenirs de jeunesse ou en famille enroulés sous une couette bien chaude. HomeBearStudio a su créer un univers dans lequel humains et animaux antropomorphes cohabitent et où on a envie de se balader. On regrette juste que ce premier volume n'offre finalement que peu de réponses aux questions posées en tout début d'aventure et qu'il ne faille espérer que les ventes soient au rendez-vous pour connaître la fin de l'histoire.