TEST
Meet Your Maker
Développeur / Editeur : Behaviour Interactive
Ici, entre gens de bon goût, on a toujours suivi d’un œil attentif les jeux qui proposent de l’UGC. Attention, on ne parle pas de la chaîne de cinémas (Ces endroits où avant on se réunissait pour regarder un film et dont les vestiges sont encores visibles), mais de User Generated Content, ou Contenu Généré par l’Utilisateur. Promis, c'est plus fun, simple, et moins barbare que son nom le suggère !
L’UGC, c’est avant tout une promesse, celle du développeur. Celui-ci s’engage, non pas à livrer une expérience de jeu, mais plutôt à fournir aux joueurs les outils pour que ceux-ci créent leurs propres aventures. On pense notamment à l’éditeur de niveau de Far Cry 5, ou bien plus récemment l’Unreal Editor pour Fortnite, ou encore Roblox, Dreams (qui va d’ailleurs bientôt fermer ses portes…), etc. Bref, des jeux-services dans le sens le plus pur du terme, qui offrent des moyens pour que les gens trifouillent, s’amusent, tordent le contenu à leur guise. Sans entrer dans la manipulation de « vrais » moteurs, ils sont ce qui se rapproche le plus de la création de jeu vidéo, et ce, dans un environnement contrôlé et simple à l’usage. En somme, le sujet est très vaste et mériterait un dossier complet. Après la belle trajectoire de Dead By Deadlight, Behaviour Interactive semble s’imposer, peu à peu, comme l’un des maîtres du multijoueur asymétrique. Depuis son annonce en août 2022, on était curieux de voir le développeur, plutôt habitué au Slasher, s’essayer au genre roi du FPS. Mis à part l’idée d’un gameplay à deux échelons et quelques skins, il n’y a rien qui rapproche Meet Your Maker et Dead By Daylight. Si l’on devait le résumer simplement, « MYM » est le résultat de la collision entre Mario Maker et Doom. Au premier, il prend le gameplay à deux facettes (construction/exploration de niveaux). Au second, il en emprunte la perspective, la brutalité et l’état d’esprit. Ce savant mélange entre les styles promet beaucoup, et on était impatient de voir si le titre parvenait à tenir debout avec un héritage pareil.
Pillage
Le premier contact avec le jeu se fait dans le mode Raid, que l’on peut qualifier de côté « joueur » de l’expérience. Ici, en vue à la première personne, armé d’un harpon et d’un grappin, on va partir à l’assaut des forteresses créées par nos comparses. L’objectif est simple : s’emparer de leur matériel génétique, leur MatGen, et s’évader vivant avec. Sauf qu’entre celui-ci et vous, se trouve une série de salles et de couloirs remplis d’ennemis et de pièges en tous genres. Alors que globalement le moindre dégât suffit à vous tuer et à vous faire recommencer de la case départ, très vite, on rentre dans une espèce de parano digne des meilleures parties de Donjons & Dragons, celle où l’on se retrouve à inspecter chaque mur, chaque aspérité, chaque recoin de peur de mettre le pied sur une volée de piques. Une fois le Matgen récupéré, certains pièges vont s’activer sur le trajet du retour, garantissant une tension dans les deux sens et en fonction de la difficulté de l’endroit, on va recevoir un certain nombre de ressources à dépenser entre différents marchands, pour améliorer tantôt notre personnage, tantôt l’aspect construction.Et si de prime abord le kit d’objets de chantier pouvait sembler limité (on y reviendra), on ne cesse d’être surpris par l’inventivité et le machiavélisme des bâtisseurs. Les contrôles étant réactifs et précis, on s’amuse rapidement à virevolter de mur en mur avec le grappin, et la sensation d’exploration se révèle vite grisante. Mieux encore, si la pression de jouer en solo se retrouve trop lourde à supporter, on peut inviter un ami pour se faire brûler/écrabouiller/trouer à deux, ce qui simplifie les tentatives grâce à la résurrection et rend le jeu moins âpre. Bref, sur cet aspect, malgré la difficulté apparente, très vite, on prend ses marques et l’expérience de jeu emprunte une autre direction. On se prend à rire du sadisme de certains constructeurs, on salue les chouettes idées de mise en scène, les petits coups par derrière qu’on embrasse. On apprend, on retient, et sans même s’en rendre compte, on est déjà un peu architecte, nous aussi.
Construction
L’autre versant, celui qui fait son originalité, c’est le mode Construction. Dans celui-ci, on va, avec des outils simples à prendre en main, créer ses propres abattoirs à joueurs rivaux. Pour que les niveaux restent toujours faisables, quelques contraintes sont imposées. Tout d’abord, chaque « forteresse » possède un budget précis à ne pas dépasser pour pouvoir la mettre en ligne. Chaque bloc, piège, ou monstre va coûter une certaine somme et puiser dans cette réserve. De plus, le titre oblige à avoir un chemin clair et praticable entre l’entrée de la forteresse et le MatGen, ce précieux objet dont on doit s’emparer en mode Raid.Avec ces quelques contraintes, on va pouvoir placer toutes sortes d’éléments pour modeler notre espace comme on l’entend, afin de définir des trajets de joueur, qu’on va garnir de traquenards et d’adversaires. S’il y en a une petite dizaine pour le moment, chacun possède plusieurs modificateurs à attacher changeant son usage, et leur variété en fait nos meilleurs alliés pour terrasser quiconque va pénétrer notre antre.
La simplicité d’utilisation du mode construction et la facilité avec laquelle on va s’amuser dedans sont les grandes forces du titre. Inspiré par les niveaux qu’on parcourt et par des envies un tantinet sadiques, on se trouve vite à passer du temps à modeler notre forteresse, à s’imaginer le joueur, à placer des flammes et des blocs invisibles quand il s’y attendra le moins.
Une fois activée, la forteresse va se retrouver sur les serveurs, classé en trois niveaux de difficulté selon sa dangerosité : Normal, Dangereux ou Brutal qui donneront chacun un nombre incrémental de récompenses. Le petit plus du jeu, c’est que tous les assauts des joueurs sont enregistrés et visionnables. Comme un vrai développeur de jeu vidéo en un sens, on peut regarder les playtests de nos maps, voir les endroits trop simples, les failles dans nos broyeurs de chair, et les corriger à la volée dans le mode Construction. Une forteresse qui fonctionne assez bien peut être améliorée en mode « Prestige », ce qui nous permet d’avoir plus de budget de construction et de visibilité.
Pour le moment, le portrait dressé ici est élogieux. C’était sans compter sur des choix de designs dans cette dichotomie de jeu « Pillage-Construction » qui la font passer d’une boucle vertueuse à un cercle vicieux, pour ne pas dire insidieux.
Une boucle (presque) parfaite
Si le plaisir de jeu est indéniable, celui-ci se retrouve terni par des démarches de design au mieux hasardeuses. Tout d’abord, l’achat d’une parcelle pour construire une forteresse nécessite une ressource que l’on ne récupère qu’en pillant les forteresses des autres joueurs. C’est un choix compréhensible et essentiel pour s'assurer que les joueurs s’impliquent dans les deux aspects du titre. De plus, ceux-ci n’ont rien à perdre en mettant en ligne leurs niveaux : aucune ressource n’est perdue lorsqu’un opposant traverse sans mourir votre niveau, s’empare du MatGen, et repart en pleine forme. Dans un cas comme dans l’autre, que l’on attaque ou que l’on se fasse attaquer, on n’a, finalement, rien à perdre.Malheureusement, une fois qu’une forteresse a épuisé sa durée de vie, celle-ci se désactive. Le joueur se retrouve donc face à deux choix : soit en créer une nouvelle en dépensant des ressources durement gagnées en raid, soit la faire monter en niveau « Prestige » pour un coût, lui aussi en ressources. Une fois de plus, la décision se comprend. La dérive dans ce système, celle qui a cassé la boucle pour votre serviteur, n’est pas dans la raison d’être de ces décisions, mais plutôt dans l’économie au sein desquelles elles s’inscrivent.
Tout d’abord, le coût de mise en ligne et d’entretien des forteresses semble trop important pour être tenable à moins de jouer beaucoup au jeu. Pour avoir trois forteresses en ligne et pour ne serait-ce que les maintenir, il aura fallu jouer au moins 5h par jour en mode Raid, sachant que le jeu permet d’en avoir jusqu’à 5. Ensuite, et c’est peut-être là le pire, la durée de vie des forteresses, n’est pas en nombre de tentatives, mais en temps réel, s’étalant généralement de 6 à 12 h. Du coup, on n’a aucune garantie que quelqu’un va venir jouer dessus. Dépenser du temps pour ouvrir son niveau à d’autres joueurs, et voir qu’à peine une poignée de personnes l’a visitée laisse un goût amer en bouche.
Meet Your Maker possède, au fond, tout pour plaire. Son gameplay en vue à la première personne est réactif et efficace, l’exploration des niveaux créés par d’autres joueurs est pleine de tension, et le jeu en coopération promet de belles tranches de rigolade. De l’autre côté, son éditeur de niveaux est fort bien construit et permet, si l’on y consacre un minimum de temps, de s’improviser maître du mal. Son système de replay, jouissif, permet à la fois de savourer les morts de nos adversaires sur nos pièges et de corriger les zones « faibles » de nos forteresses. Quel dommage que tout cela soit gâché par une économie sur laquelle flotte le spectre d’une volonté de rétention pleine d’avidité !