TEST
Marvel's Guardians of the Galaxy
par billou95,
email @billou_95
Précédemment dans (un des) métaverses Marvel : douze années terrestres se sont écoulées depuis la Guerre Galactique contre les Chitauri. Après avoir vécu un temps une aventure avec la combattante Kree Ko-Rel, Peter Quill a rejoint les ravageurs et s’est fait de nouveaux ennemis avant de se créer une bande originale : les Gourdins Gardiens de la Galaxie. Accompagné par Drax Le Destructeur, la fille de Thanos Gamora et les inséparables Rocket Raccoon et Groot, il arpente la voie lactée en quête d'argent facile et de petites arnaques. Jusqu’à ce que tout ce petit monde se dise qu’il est peut-être temps de faire un gros coup avant de se caser.
Voilà comment débute le jeu de la dernière chance pour Eidos Montréal. Après une collaboration peu fructueuse avec leurs désormais collègues de Crystal Dynamics sur celui dont on ne veut plus prononcer le nom, les voilà dans la cabine de pilotage de l’autre jeu du deal entre Square Enix et Marvel Games. Et aussi improbable que cela puisse paraître en 2021, vous n’y trouverez ni jeu-sévice, ni DLCs, ni microtransactions. On a ici affaire à un AAA pur jus, littéralement comme on en fait plus. Et pour parfaire cette patine tellement 2010, alors qu’on aurait pu croire qu’il allait tout miser sur la coopération, on y dirige Star-Lord seul aux commandes de ses Inglorious Bastards dans un système de jeu qui multiplie les clins d’oeils au space opéra de référence Mass Effect. Enfin, c'est surtout un jeu qui enchaîne comme les héros qu’il singe les quiproquos scénaristiques pour ravir à la fois les fans du comic de 2008 (au hasard, la première rencontre entre les Gardiens et Adam Warlock) comme ceux qui ont découvert les héros sur le tard avec le MCU. Tout en n'oubliant pas de saupoudrer le tout de mythologie Marvel.C’est d’ailleurs une constante du jeu, nous abreuver de fun facts et mythologie gardiennesque sans que ça en soit soporifique. En ça Marvel’s Guardians of the Galaxy est un fantastique produit d’appel pour qui voudrait s’immerger dans les comics du même nom. Mais la formule portée par Eidos Montréal est surtout là pour mettre en avant l’indéniable force du jeu : ses dialogues et un certain sens de la mise en scène. Le titre enchaîne les longs moments d’exploration pantouflarde dans des zones en couloirs scriptés, le genre qu’on reprocherait à n'importe quel autre jeu. Sauf qu’ici, ça parle tout le temps. Il ne se passe pas 30 secondes sans qu’un des membres du groupe ne vienne raconter une anecdote sur son passé, les lieux visités ou faire une petite réflexion sur les choix forcément douteux de Star-Lord. Les personnages (et leurs doubleurs) en font constamment des caisses, tant et si bien qu’on a beau vouloir rendre hommage à la VO, on préfère switcher sur la VF (de qualité) pour ne pas perdre une miette de leurs débats. On y retrouve forcément un peu de l’écriture de Gunn/Perlman, du vocabulaire chiadé de Drax aux ronchonnades du rongeur de l’équipe. On se laisse donc porter, presque comme dans un jeu Telltale. D’ailleurs, de temps à autre, on nous demandera de prendre parti pour l’un ou l’autre de nos soldats d’infortune. Que ce soit pour recentrer le groupe ou pour creuser un peu plus sur des sujets qui vont plus loin que les films (la “création” de 89-P13, aka Rocket dans le demi-monde, le déchiffrage de la langue de Groot, etc.), on se passionne pour ces audio logs déguisés qui permettent d’en apprendre plus sur l’univers méconnu des Gardiens. Et parfois, on nous demandera également de faire des choix qui auront un impact plus tard dans le jeu (passer un niveau en infiltration au lieu de se taper des vagues d’ennemis successives, etc.).
Sauvés par l'ego
D’ailleurs, on retrouve à la manière d’un Telltale (tiens donc, encore eux) des petites mentions en haut de l’écran “tel personnage se souviendra de ce choix”. De retour sur le Milano, les collectibles glanés en mission déverrouillent eux de longs apartés en tête à tête avec l’un ou l’autre des Gardiens. Ici aussi, on en apprend plus sur des sujets intimes (les rites funéraires sur Katath avec Drax par exemple).Cette envie d’écriture va définitivement plus loin que le besoin d’accompagner un vulgaire jeu d’action à licence. Marvel’s Guardians of the Galaxy sait par exemple nous surprendre par des moments touchants, et on parle ici de chapitres entiers consacrés à tel ou tel personnage issu des comics (cherchez pas, on vous dévoilera rien !). On l’évoquait en début de test, le jeu a aussi un petit côté Mass Effect. On le retrouve dans la mise en scène générale, de l’arrivée sur les planètes qui ont toutes une identité propre aux échanges entre plans larges et rapprochés. Jusque dans les cinématiques réalisées avec le moteur du jeu. Mais c’est surtout dans son gameplay que le jeu fait écho au monument de BioWare. On passera rapidement sur les anecdotiques phases de rail-shooter à bord du Milano, plus posées là comme des arguments au spectaculaire qu’autre chose. Idem pour les puzzles environnementaux qui mettent en avant certains talents des Gardiens pour progresser. Mais ce sont surtout ses arènes de combat qui dévoilent un pseudo-aspect tactique qui n’est pas sans rappeler les premiers contacts avec le space opéra d’Electronic Arts.
A l’aide d’un menu contextuel, Quill peut demander à ses collègues d’exécuter tel ou tel coup spécial (3+1 au total à débloquer par héros). Si les premières heures tiennent plus de la foire d’empoigne, on va rapidement trouver des synergies entre les héros (on lance un pouvoir d’immobilisation avec Groot avant d’enchaîner les DPS avec Drax et Gamora). Le problème, c’est qu’avec un arbre de talents inexistant, on opte toujours pour les mêmes techniques de combat, ad nauseam. Et ce face à des sacs à PV de plus en plus résistants. Plus loin dans le jeu, les flingues de Star-Lord se voient bien octroyer des tirs élémentaires qui vont permettre de dézinguer les boucliers ennemis, mais ça s’arrête là.
Et puis le vrai problème de ces combats réside dans la pollution visuelle bombardée en continu à l’écran. L’UI est aussi bavarde que le jeu : des typos “FANTASTIQUE”, “INCROYABLE” et j’en passe, des icônes au-dessus de tout le monde et les pièges environnementaux à déclencher qui viennent, eux aussi, nous bloquer la vue lorsqu’on essaye de viser un ennemi. A vrai dire, on est trop souvent noyé dans un gloubi-boulga qu’on se farcit uniquement parce qu’on sait que ça va déboucher sur une énième phase narrative (Mass Effect, es-tu là ?). Et puis il y a le mode Rassemblement dont on ne pige pas bien le pourquoi du comment. Après avoir chargé une jauge, on peut en cas de coup dur (lorsque les talents des Gardiens sont tous en plein cooldown) presser L1 et R1 simultanément pour initier une pause Kit-Kat. Dans cette saynète qui fait penser à un break en plein match de basket, Star-Lord écoute les griefs des uns et des autres et doit choisir parmi deux propositions celle qui saura revigorer le groupe. Pour l’aider, le jeu met des bouts de phrase en surimpression qui sont censés donner une vague indication du “cri de guerre” à adopter. En vrai, c’est souvent nébuleux et de toute façon peu importe le choix, l’équipe est toujours boostée (comprenez remplissages des jauges de bouclier et puissance accrue). C’est surtout l’occasion de se taper du A-HA en boucle pendant le reste du combat.
The Dukes (sauf Quasar)
Si on tolère son système de combat, on est un peu plus regardants sur les bugs qui font du jeu un petit parcours du combattant par moment. Entre PNJs qui restent coincés dans les objets et ne déclenchent pas les scripts, patterns de boss aux animations bloquées ou encore ces blocs de texte et aides visuelles qui restent affichés à l’écran, on ne compte plus le nombre de fois où on a dû recharger le dernier point de contrôle. Foncièrement, rien de dramatique. GotW sauvegarde très régulièrement. Mais pour un jeu qui mise tout sur sa narration cinématique et sa mise en scène millimétrée, tomber sur un de ces bugs bloquants nous sort immédiatement du délire. Après une vingtaine d’heures de jeu, on s’inquiète souvent du chargement d’une nouvelle zone et on zieute continuellement derrière nous en espérant ne pas voir Rocket courir en boucle contre un mur…D’autre part, la technique hésitante sur console se permet des comportements caractéristiques des générations précédentes comme la gestion du LOD qui fait parfois popper des ombres à 3 mètres ou le chargement à la bourre de textures et éclairages, “à la Unreal Engine 3”. Enfin, le crève coeur, c'est quand même de devoir s’infliger la punition du mode performances à 60 FPS juste pour éviter de passer à côté des timings notamment de rechargement des armes en combat. Le mode qualité s’il ne corrige pas certaines aberrations à au moins le mérite d’afficher le jeu en 4K natif à 30 images par seconde et d’offrir une géométrie plus flatteuse sur certains objets du décor.
Pour terminer sur une note essentielle aux Gardiens de la Galaxie, la musique a évidemment son rôle dans l’histoire. Et comme Eidos a réimaginé la genèse des héros, ils ont également repensé l’Awesome Mix qui tourne dans l’iconique Walkman autoreverse de Quill. On y trouve donc cette fois-ci des titres issus du TOP 50 (entre autres Wang Chung, Tears for Fears, Blondie, Culture Club ou le Final Countdown d’EUROPE qui tombe à pic dans le jeu). Mais les Montréalais ne se sont pas arrêtés en si bon chemin et ont carrément créé un vrai faux album de hard rock Star Lord. Surtout, ils ont laissé l’ancienne gloire des plus gros titres de Sega pendant la génération Dreamcast, Richard Jacques, aux commandes d’une bande originale symphonique qui ponctue les aventures épiques de nos héros. C’est toujours cool, on y trouve parfois quelque ressasses du thème de la dernière trilogie Tomb Raider, mais qu’importe, cette BO surprise fait largement le job !
Sans aller jusqu’au petit miracle, Marvel’s Guardian of the Galaxy est LA bonne surprise de 2021 ! Un AAA sans prétention autre que de nous faire passer un bon moment en compagnie de héros qu’on connait d’une manière ou d’une autre. Un titre qui connait ses faiblesses et capitalise sur les talents du studio en matière de narration pour offrir une aventure drôle, touchante, longue et très plaisante, malgré ses bugs. On s’en amuse, mais avec ce Marvel là, Eidos Montréal est aussi un peu ce gosse qui fayote et en fait des caisses pour se faire pardonner auprès des parents après avoir fait une grosse bêtise. Alors oui, on n'oublie pas. Mais on se dit qu’il a peut-être retenu la leçon...