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[MAJ] The King's Bird : Une poésie sans mots gris qui vole au dessus des près verts

miniblob par miniblob,  email  @ptiblob
Développeur / Editeur : Serenity Forge Graffiti Games
Support : PC
Il y a parfois un gouffre entre les intentions premières d'un créateur et le fruit de son travail. Allez savoir, Patrick Sébastien se vit peut-être comme un poète maudit et utilise la métaphore de la sardine pour exprimer la sensation d'étouffement de l'individu moderne face aux dérives liberticides de nos sociétés... Bref, quand on nous promet un jeu feel good un peu planant, il peut arriver qu'on se retrouve finalement à enfoncer très fort ses ongles dans le pad pour ne pas hurler sa colère face à une énième mort. Est-ce que le jeu en question a forcément raté son coche ? Pas vraiment, laissez-nous vous prouver que la frustration hargneuse et la tranquille béatitude sont parfois les deux facettes d'une même expérience de jeu.
Il faut dire que lorsque Serenity Forge parle des jeux qui ont influencé son travail sur The King's Bird, le développeur semble bel et bien courir deux lièvres à la fois. Quand on se réclame aussi bien de Super Meat Boy et de N+ que de Journey, il y a de quoi laisser son interlocuteur perplexe. Si les deux premiers sont devenus des figures de proue de la plate-forme bien ardue voire un brin sadique, le dernier est au contraire le symbole par excellence du titre qui se joue à la cool et sans pression. Derrière ce grand écart apparent se cache la volonté de pondre un jeu à la fois exigeant et accessible, qui nécessite un certain apprentissage mais dans lequel on finit aussi par se glisser tout en douceur ; et cet objectif se retrouve bel et bien dans le résultat final même si sa mise en œuvre s'accompagne de quelques maladresses.

Le zèle du désir

Une chose est sûre, aucun des jeux cités en exemple n'offre une narration touffue et omniprésente. On ne s'étonnera donc pas vraiment que la mise en place du semblant d'intrigue de The King's Bird tienne dans une scène d'introduction un peu expédiée et un final tout aussi minimaliste. En gros, vous y incarnez une jeune personne vivant dans une petite communauté coupée du monde, comme enfermée dans la bulle d'un champ de force. Forcément, vous rêvez de liberté, voire de virevolter dans les airs comme sait le faire le protecteur ou le geôlier de ce petit univers. Quand, par le fruit du hasard, vous vous voyez octroyer une part de ce formidable pouvoir, vous n'avez qu'une hâte : aller découvrir les alentours.C'est en explorant les ruines des anciennes cités voisines que vous allez petit à petit comprendre quels genres d'événements ont conduit votre village à être coupé du monde.



Ne vous attendez pas à un scénario franchement haletant. La trame reste ici toujours au second plan et, si le titre a des ambitions poétiques, ce n'est pas dans de longs discours qu'elles s'expriment mais plutôt dans la découverte très aérienne des différents environnements. D'ailleurs, impossible de faire l'impasse sur le style graphique très particulier qui contribue à donner au jeu une chouette personnalité : les plates-formes et le personnage sont stylisés façon ombres chinoises tandis que les arrière-plans fourmillent de détails tout en arborant une teinte dominante différente en fonction des niveaux. Le résultat est du plus bel effet et il est encore rehaussé par les musiques d'un certain Max Messenger Bouricius. Écoutées à froid, ces compositions vous sembleraient peut-être correspondre à de l'ambiant un peu générique, mais elles collent tellement bien aux paysages traversés et au rythme de votre progression qu'elles contribuent tout bêtement à la « couleur émotionnelle » de l'aventure.

Y´en a même qui disent qu´ils l´ont vu galérer

L'aventure en question se présente sous la forme de petits groupes de quatre niveaux qui se débloquent les uns après les autres via des hubs centraux. Ils sont de longueurs variables, certains délaissent même la structure linéaire traditionnelle en optant pour une chasse aux trésors un peu plus libre. Dans tous les cas, on retrouve de nombreux checkpoints qui prennent la forme de lampadaires et des collectibles optionnels qui ressemblent à de petits oiseaux lumineux. Arriver entier au bout du niveau n'est pas forcément le seul objectif, le but est aussi d'y parvenir le plus vite possible histoire de briller ensuite dans le leaderboard. La difficulté ne semble pas toujours très progressive : parfois un passage pourra vous faire franchement suer tandis que les suivants passeront crème. Mais c'est certainement lié au fait que les niveaux sont souvent construits autour d'une thématique, en gros il s'agit généralement de vous apprendre puis de vous faire travailler un mouvement ou une combinaison de mouvements bien précis.



Et oui, désolé de briser vos illusions, mais il faudra bûcher dur si vous voulez faire des étincelles dans The King's Bird. La prise en main elle-même risque de vous sembler assez déroutante au premier abord : une gâchette est dédiée au vol planée, l'autre à donner une impulsion histoire de sauter un peu plus loin ou de gagner en rapidité. Le temps de vol étant assez limité à la base, le tout est donc de réussir à prendre les bonnes trajectoires mais aussi à conserver son élan, voire à augmenter de manière régulière sa vitesse. Ce n'est déjà pas évident sur les premiers niveaux, on met souvent un bon moment à comprendre comment atteindre la prochaine corniche les premières fois où il faut ainsi optimiser son élan, mais ça se complique vraiment lorsque les surfaces recouvertes de piquants se multiplient. Cette idée qu'il faut non seulement maîtriser sa trajectoire mais aussi son rythme risque de déboussoler plus d'un habitué des jeux de plate-forme un peu old school, par contre ceux qui ont un peu dosé Dustforce devraient retrouver des sensations un peu similaires.

Envole-moi loin de ce framerate qui me colle les yeux

Mais alors, revenons un peu à nos moutons, comment The King's Bird peut-il se présenter comme un jeu planant s'il passe son temps à maltraiter le joueur ? Déjà il faut signaler qu'il fait de gros efforts d'accessibilité. Un peu comme Celeste, il propose un large éventail d'options venant faciliter la vie du joueur, ça va de la diminution de la résistance de l'air à l'invincibilité quasi totale. Bien entendu, votre score ne sera pas retenu dans les leaderboards si vous avez recours à ce genre d'aide, toutefois ça peut vous permettre de surmonter une difficulté passagère, voire d'arriver au bout de l'aventure sans pour autant s'être arraché tous les cheveux (les derniers challenges ont quelque chose d'assez inhumain !). Ensuite, même si l'apprentissage est parfois rude, les contrôles une fois maîtrisés peuvent procurer un vrai sentiment d'aisance et de fluidité. On galère, on galère, on galère, puis pouf, l'illumination arrive et on touche à un état de grâce, au moins pour un instant, et on ressent cette sensation de virevolter rapidement et avec agilité dans les airs.



Ces moments d'extase sont d'autant plus forts que la musique vient les accompagner. Concrètement, des chœurs viennent s'ajouter à la musique de base lorsque vous êtes en vol. Plus vous faites durer le plaisir dans les airs, plus vous avez la sensation vertigineuse d'être porté par ces voix. Le potentiel pour s'abîmer totalement dans le jeu est bien là, mais malheureusement un petit grain de sable vient trop souvent gripper cette belle mécanique : le framerate est parfois loin d'être optimal, et c'est un problème que des joueurs ont rencontré sur différentes configs. Même quand on n'est pas un puriste du 60 FPS constant, on a du mal à pardonner la moindre saccade sur un tel jeu. Ici, une baisse de framerate entraîne non seulement un pic de difficulté artificiel, mais il vous sort aussi rapidement du trip. Bref, c'est peut-être le seul vrai défaut qu'on reprochera à The King's Bird, mais il est sacrément handicapant. Il ne nous reste plus qu'à espérer que le jeu soit vite patché à ce niveau là pour qu'il puisse enfin atteindre les sommets qu'il mérite.

Ce n'était pas tout à fait de l’esbroufe, The King's Bird a bien les atouts pour se montrer à la fois exigeant et tripant. Malheureusement, il ne parvient pas toujours à décoller à cause d'un bête défaut technique qu'on espère vite résolu.
[MAJ] Les premiers patchs corrigent déjà en partie les soucis de framerate, pour l'instant ce n'est pas encore parfait mais c'est franchement jouable.
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