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Hitman Absolution

Valanthyr par Valanthyr,  email
Il aura fallu six longues années à IO Interactive, créateur Danois de la franchise Hitman qui s'est vite imposée comme une référence en matière d'infiltration à la troisième personne, pour se décider à ajouter un nouveau chapitre aux tribulations de l'impavide assassin au code barre. Les trailers promotionnels du jeu ont soufflé le chaud et le froid, alternant entre l'outrageusement pétaradant qui a littéralement refroidi tous les amateurs d'exécution millimétrée, et une mise en avant plus rassurante de la multiplicité des approches et de l'importance de l'observation et de la discrétion. Après un Kane & Lynch 2 plutôt décevant, fallait-il craindre qu'IO rate encore sa cible ?

Contrat sans histoire, histoire sans contrats


On ne présente plus 47, tueur hors pairs et unique succès de l'expérience de clonage réalisée par l'ICA, l'agence clandestine de mercenaires qui l'emploie. Alors que les contrats de l'imperturbable tueur à gage servaient auparavant de toile de fond à des déplacements toujours très exotiques, l'histoire qu'IO nous conte dans Absolution est cette fois véritablement centrale, au point que la narration imposera systématiquement thème et enchaînement des 20 chapitres que compte le titre. Habituellement chasseur sans scrupules, 47 va vite devenir une proie en fuite, moins soucié de sa survie que de tenir une mystérieuse promesse. Un peu trop Hollywoodienne pour être honnête, la trame scénaristique est assez décousue et on relèvera ici et là quelques contradictions et des raccourcis narratifs discutables. La mise en scène soignée des cutscenes parviendra toutefois à nous faire rentrer dans cette histoire rocambolesque, remplie de personnages ultra-violents et pour la plupart totalement dérangés.



La décision de mettre la narration au cœur de cet épisode illustre la volonté de dépoussiérer la licence et de la soumettre aux tendances actuelles. On sera d'ailleurs surpris par quelques niveaux totalement atypiques qu'on s'attendrait plus à trouver dans un Max Payne que dans un Hitman, tant l'action semble ici artificielle et décalée, mais ils confèrent une dynamique à l'ensemble qui accompagne finalement plutôt bien les changements de gameplay auxquels les développeurs Danois ont procédé. Reste tout de même que cette prise d'otage de l'esprit de la série par une narration surchauffée ne va pas se passer sans dommages collatéraux, à commencer par la disparition fréquente des contrats.


Réglage de la lunette


Difficile de ne pas par couvrir de louanges les créateurs du Glacier 2, le moteur de rendu interne développé par IO et dont la seconde itération est graphiquement remarquable. Sublimé par une direction artistique exceptionnelle de bout en bout, le jeu jongle adroitement entre les extérieurs très ensoleillés du Dakota du Sud et la grisaille des nuits pluvieuses de Chicago, réussissant à capturer des ambiances particulièrement marquantes et collant parfaitement à la narration. Mention spéciale à un système de gestion de foule totalement bluffant et qui a d'ailleurs fait l'objet d'une feature de gameplay un peu bancale mais qui a le mérite de varier un peu les séquences d'exfiltration.



Tout cela a malheureusement un prix, et si les nombreuses options graphiques permettront à chacun d'ajuster la beauté du jeu à sa configuration, certains niveaux restent particulièrement gourmands en ressources. Conséquence probable de la qualité et la richesse des environnements, les niveaux sont souvent scindés en lieux plus modestes en taille et moins ouverts que ceux de Blood Money, défaut partiellement lissé par l'omniprésence de solutions multiples pour aller d'un endroit à un autre.

La musique, d'un classicisme sombre, reste dans l'esprit des prouesses antérieures de Jesper Kyd et s'accorde très bien à l'ambiance du titre : on appréciera notamment le retour du thème de l'Ave Maria, plus que jamais utilisé à bon escient. Les bruitages ambiants sont de bonne facture, élément important dans un jeu d'infiltration puisqu'ils livrent parfois d'importants indices sur l'entourage direct de 47. On peut également saluer le travail des acteurs, dont le doublage de qualité parvient à donner corps aux gardes blasés tout comme aux personnages principaux, très contrastés et aux emportements colériques parfois un peu forcés dans la mise en scène.


Autre temps, autres meurtres


La première mission consiste à infiltrer la somptueuse propriété de Diana Burnwood, cadre de l'agence soupçonnée de trahison interne, et à l'abattre sans autre forme de procès. Lors de ce niveau qui sert de tutoriel, une voix off nous présente un à un les éléments de gameplay de ce nouvel opus : diversion, exécution silencieuse, dissimulation des corps ou de 47 dans les conteneurs, déguisement récupérés sur les victimes et utilisation des armes. On y apprend également à se mettre à couvert, activité centrale dans ce titre, ainsi que le fonctionnement du témoin de détection : lorsqu'on entre dans le champ de vision d'un PNJ, un indicateur visuel apparaît au centre de l'écran (soutenu par un indicateur sonore), signalant la direction de celui qui est en passe de nous repérer et le temps qu'il nous reste pour briser sa ligne de vue avant qu'il nous ait réellement détecté. Avec l'adjonction de gardes supplémentaires, c'est d'ailleurs l'un des leviers que les développeurs ont utilisés pour régler les différents niveaux de difficulté du jeu, la durée avant d'être détecté étant notablement plus courte en difficile, jusqu'à devenir quasiment inexistante dans les modes expert et puriste.



Jusque là, tout était du déjà vu sous une forme ou une autre dans les précédents volets, mais on va également nous présenter deux nouveautés qui vont changer assez radicalement notre expérience de joueur : l'instinct et le scoring. L'instinct est matérialisé par une jauge en bas à droite de l'écran et confère à 47 d'insolents pouvoirs : vision à travers les murs et matérialisation au sol du trajet des PNJ hostiles, mode de sélection rapide pour tirs sur cibles multiples et enfin un artifice, d'ailleurs bien peu réaliste, permettant de passer inaperçu auprès des PNJ affublés du même déguisement que l'assassin et qui le suspecteraient immédiatement sans cela. Que les puristes qui crient déjà à la trahison soient rassurés : ces actions consomment l'instinct en continu pendant toute la durée d'utilisation, et comme dans les modes de difficulté élevés on n'a que de très rares occasions d'en récupérer, on n'utilise finalement aucune de ces compétences.

Quant au scoring, qui occupe le coin supérieur gauche de l'interface, il remplace l'ancien système des coupures de presse qui résumaient la qualité de notre prestation en fin de mission. On peut le consulter sous forme détaillée dans un des onglets de gestion de la mission, et vérifier à tout moment les points gagnés pour avoir rempli un objectif, ou au contraire ceux qu'on a perdus pour avoir été repéré ou encore avoir tué un civil. Sa présence dans l'interface (sauf dans le dernier mode de difficulté où cette dernière est réduite au réticule de visée) en irritera certains, mais pour ceux qui veulent essayer de débloquer les améliorations de compétences liées au score de chaque mission, il permet de savoir un peu mieux où on se situe.


Cibles mouvantes


Soulignons également que le système de sauvegarde a été revu. Dans Blood Money, suivant la difficulté choisie on avait le droit à un certain nombre de sauvegardes au cours du niveau, et on décidait soi-même où et quand on allait utiliser chaque emplacement. IO a opté pour un système de points de contrôle imposés, parfois faciles à trouver, parfois bien cachés, et dont le nombre se réduit à mesure que le mode de difficulté augmente. Dans les modes de difficulté élevés, inutile de dire que si on vise la discrétion totale on va devoir recommencer jusqu'à la nausée, d'autant qu'on est obligé d'entendre à chaque fois le même dialogue préalable au positionnement définitif des PNJ qui discutaient avant qu'on s'approche d'eux. Cette absence de sauvegardes manuelles rallonge artificiellement la durée de la campagne pour ceux qui visent l'excellence, ajoutant au passage autant d'irritation que de frustration.



On sent bien que les développeurs ont voulu moderniser Hitman, et force est d'avouer que la tâche était ardue : licence exigeante qui a attiré et fidélisé de nombreux fans en sublimant leur désir de rechercher l'exécution parfaite, elle est finalement bien éloignée des critères de vente actuels et il fallait réussir le prodige d'intéresser une nouvelle génération de joueurs qui n'a pas connu les épisodes précédents sans pour autant trahir l'esprit de la série. Les développeurs sont toujours dans la recherche de ce compromis fugace et font appel à tous les outils dont ils disposent : narration, rythme des missions, cutscences, level design, multiplicité de résolution des objectifs de mission, nombreux défis secondaires, difficulté à la carte.

Que ressort-il de cette savante cuisine ? Un jeu qui fait malheureusement un peu tout le temps le grand écart entre rentre-dedans et finesse, et qui semble avoir du mal à trouver son rythme. La faute probablement à la recrudescence des niveaux qui servent la narration au détriment du gameplay, comme ces longues maps où le seul but est d'atteindre la sortie en déjouant les bataillons entiers de mercenaires sur le qui-vive. La qualité des missions est également assez variable, tant niveau intérêt que niveau level design : un bon quart d'entre elles sont absolument excellentes, mais certaines sont moins prenantes ou trop directives et on a hâte de passer à la suivante.


47, agent contractuel


S'il y a une chose qui a été particulièrement soignée dans Hitman: Absolution, c'est la durée de vie et la rejouabilité. La profusion des défis optionnels dans chaque mission nous invitera à rejouer encore et encore les niveaux qu'on a appréciés pour tâcher de découvrir tous les objets, toutes les exécutions uniques propres au lieu ou au contexte, endosser tous les déguisements ou au contraire conserver fièrement son costume de 47 de bout en bout. La campagne à elle seule doit durer entre 20 et 50 heures, suivant le mode de difficulté choisi, et il faut probablement compter le double au moins pour valider tous les défis. Rassurons à ce propos ceux qui aiment la difficulté : Absolution en a à revendre et même avec une connaissance parfaite d'un niveau, le mode puriste restera un challenge extrêmement relevé.



Au-delà de la campagne, la véritable rejouabilité se situe très clairement dans ce qu'on appelle parfois abusivement le mode multi-joueurs, à savoir les Contrats. Alors que de nombreux jeux intègrent plus ou moins adroitement une composante sociale souvent artificielle et vite oubliée, les développeurs Danois on décidé de permettre au joueur de créer un contrat qu'il pourra envoyer ensuite à ses amis et naturellement partager avec la communauté.

Le processus de création est très bien pensé : on sélectionne le niveau de son choix et tout en le jouant, on désigne de 1 à 3 cibles qui peuvent naturellement être différentes des éventuelles cibles du mode campagne. L'arme et le déguisement qu'on a utilisés pour exécuter chaque cible deviennent des objectifs optionnels que les autres joueurs devront tenter de remplir. Si on a réussi à faire le niveau sans avoir été découvert, sans s'être déguisé, sans avoir tué qui que ce soit hormis les cibles ou encore sans avoir mis un seul tir à côté, ceux qui joueront le contrat auront un bonus s'ils y parviennent également. À la clef, on touchera une prime en fonction des objectifs remplis, qui nous permettra de faire évoluer notre armement ou encore de débloquer les armes et déguisements qu'on n'aura pas réussi à trouver dans la campagne. Mettant à profit la créativité des joueurs et permettant à ceux qui trouvent le jeu trop orienté infiltration/action de proposer des challenges typiquement dans l'esprit de la série, les contrats vont même permettre de donner un peu de sens à ces cartes d'exfiltration rigides et sans grand intérêt.



Contrat réalisé en mode expert, avec les conditions les plus exigeantes (pas repéré, pas de déguisement, silencieux, aucune trace). Les problèmes de framerate sont dus à la capture en 1080p.

Jeu testé à partir d'une clé Steam fournie par l'éditeur
IO ayant tenté de réorienter sa licence phare dans le sens du vent, à savoir plus de narration, d'action et d'infiltration, la modernisation de Hitman fera inévitablement grincer des dents. Bridée par une narration très dirigiste et pas toujours très heureuse, la campagne est de qualité inégale, alternant entre des missions particulièrement inspirées qui nous font revivre les sensations irremplaçables d'une exécution impeccable, et des niveaux moins intéressants où 47 ne fait que chercher à échapper à ceux qui le traquent. En plus d'une rejouabilité exceptionnelle, l'inattendu et très réussi mode Contrats permet heureusement de faire passer au second plan les faiblesses du titre en donnant à chacun la possibilité de créer et partager ses propres contrats, invitant les passionnés du tueur au code barre à fixer des objectifs improbables dans les niveaux de leur choix.

SCREENSHOTS

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