TEST
HITMAN 3
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : IO Interactive
Quel destin que celui de la nouvelle saga HITMAN. D'abord lâchée par Square Enix après avoir pourtant fait une excellente première saison en 2016. Sauvée in extremis par ses pères et remontée fièrement en porte-étendard d'une certaine vision de l'infiltration dans une suite encore plus riche en 2018. On attendait donc une "grand finale" dantesque, à la hauteur du bonhomme. La fin d'une ère comme aiment à le dire ses développeurs qui sont désormais seuls maîtres à bord du paquebot. Alors allons-y gaiement, embarquons pour cette ultime croisière pour un (paquet de) cadavre(s) et prenons avec nous stylo et carnet, car il est non seulement temps de parler d'HITMAN 3, mais aussi et surtout de faire le bilan sur sa trilogie.
Ce qui est dingue avec cette relecture d'HITMAN, c'est que son gameplay n'a pas vraiment bougé en 5 ans. Bon Ok d'accord, il y a bien ici et là quelques petits ajouts comme les modes Sniper et Ghost sur le second volume. Mais le coeur du game design reste le même, de sa structure campagne/contrats au feeling clavier-souris en main, en passant par son iconique interface efficace et minimaliste. Les Danois se contentent de peaufiner leurs IAs (c'est encore visible sur ce troisième épisode), mettre à jour leur moteur Glacier et surtout de se creuser la tête pour nous sortir des bacs à sables toujours plus osés.Ce n'était finalement pas une si mauvaise idée de vendre le jeu original au format épisodique puisque ce principe collait très bien à l'idée de "packs de contenu" supplémentaires, plus que de vrais nouveaux pans de jeu. On se demandait d'ailleurs dans le test d'HITMAN 2 s'il n'aurait pas été judicieux de conserver ce format pour ses suites, histoire de faire passer la pilule auprès d'un public qui pouvait se sentir floué par si peu de nouveautés. Tant et si bien qu'on se lance dans HITMAN 3 comme dans le pass d'extension du 2. Impossible de jouer la surprise devant sa poignée de nouveaux environnements et ces sempiternels menus qui présentent l'histoire, les défis liés aux lieux visités, les Escalades et autres contrats créés par les joueurs.
Par contre on peut déjà constater que le mode "co-ompétitif" Ghost est lui aux abonnés absents. Dommage parce qu'il se prêterait pourtant bien à toute l'envie de voir les choses en grand derrière le level design de cet ultime volet. En effet, après nous avoir littéralement épatés en jouant sur tous les tableaux en 2018 avec des niveaux qui pouvaient être étriqués comme Hokkaido, favorisant l'infiltration pure (Hawke's Bay) ou une zone dégobillant de PNJs à Bombay, IOI donnent tout ce qu'ils ont dans cette nouvelle fournée de niveaux. On s'est vraisemblablement passé le mot entre les équipes qui s'occupent du Glacier et les designers. Résultat : à part le concept de conclusion sur rails (littéralement) du dernier niveau, c'est clairement le gigantisme qui prédomine.
Le grand Bond avec un chauve sournois
De Dubaï aux monts escarpés des Carpates, HITMAN 3 enchaîne ces mêmes niveaux poupées russes qui ont fait sa renommée (Sapienza et son laboratoire, Santa Fortuna, etc.), mais en très grand format. Une boite de nuit clandestine dans une centrale nucléaire désaffectée à Berlin, le centre secret de l'ICA planqué sous un quartier entier de Chongqing (coucou Kane & Lynch 2), un imposant manoir qu'on pourrait croire sorti de Skyfall... On en prend juste plein les yeux. Pour le studio, c'est non seulement un aboutissement technique, mais aussi la promesse d'intrigues encore plus poussées qu'avant. Introduites en 2016, les Opportunités permettent à l'Agent 47 de suivre des petits scénarios scriptés et d'approcher ses cibles en enfilant des déguisements originaux.Sauf qu'ici, tout est plus grand. On préfère pas tout spoiler, mais on a par exemple la possibilité de se glisser dans la peau d'un enquêteur pour élucider un mystérieux meurtre au manoir de Dartmoor comme dans un véritable jeu d'aventure, clin d'oeil à Daniel Craig dans le surprenant A Couteaux Tirés. Le Cluedo est total alors qu'on compromet les coupables en interrogeant le personnel de maison et en dénichant des indices. Et oui, on se prend au jeu en analysant la scène du crime et certaines pièces du manoir à l'aide de notre tout nouveau tout bel appareil photo connecté (le gadget gimmick de cet épisode qui sert aussi à ouvrir certaines fenêtres et conduits). Ou bien on peut aussi juste profiter de ces traits pour atteindre plus facilement notre cible, mais c'est se priver d'une petite heure de quête annexe de grande qualité. Bon, à titre personnel je préfère improviser mes assassinats, me faire moi-même mes petits challenges en me disant "tiens, et si cette fois tu allais zigouiller machin camouflé en jardinier, le seul de la carte que tu vois à l'autre bout du niveau". En gros, ce que propose déjà le mode Escalade depuis 2016.
Enfin voilà, IOI a vraiment encore l'envie de surprendre malgré les années. On le voit aussi dans un scénario qui se délie enfin avec des cinématiques très bien orchestrées et quelques moments dignes d'un virtuose comme l'assassinat en visio avec Lucas Grey à Dubaï ou ces quelques pas de tango en fin d'avant-dernier niveau avec Diana.
Assassin's greed
On parlait de l'appareil photo, mais HITMAN 3 rajoute aussi une fonctionnalité bonus, à savoir des échelles et autres portes d'accès à déverrouiller dans nos runs, histoire de s'en servir plus tard pour exploser les scores dans le mode Contrats. Il y a aussi un mode VR dédié aux PlayStation 4 et 5 que l'on n'a malheureusement pas pu tester. On espère d'ailleurs qu'il s'échappera un jour ou l'autre de l'écosystème Sony pour pouvoir nous y adonner sur PC.Après, qu'on se le dise, ce season finale n'est surement pas l'opus le plus incroyable en terme de contenu, justement parce qu'il opte pour le grand déballage, au lieu de jouer dans la finesse. Ca se retrouve également dans la difficulté globale de la saga qui n'a de cesse de baisser depuis ses débuts en 2016. Les approches des différentes cibles sont plus simples, plus accessibles que certains morceaux de la trilogie (Marrakech, le très hardcore Hokkaido, Hawke's Bay après l'arrivée d'Alma Reynard). On a aussi la désagréable impression de pouvoir toujours plus cheese le jeu et abuser de l'IA à foison dès qu'on comprend ses limites.
Puisqu'on parle des griefs, on peut aussi citer les problèmes de connexion aux serveurs d'IO Interactive qui viennent nous infliger des pop-ins de reconnexion longuettes, de temps à autre pendant les parties. Pour le reste de la partie technique, c'est un peu un sans faute. On ne peut pas reprocher grand-chose au Glacier qui affiche une tonne de PNJs et se permet en prime d'offrir quelques-uns des plus beaux effets de réflexion jamais vus (hors ray tracing), à la fois dans HITMAN 3 et dans les précédents jeux qui en bénéficient également via le legacy pack (qui offre accessoirement un contenu monstre pour ceux qui avaient fait l'impasse sur les précédents). Le casting voix du trio de tête David Bateson, Jane Perry et John Hopkins est toujours aussi délicieux. Enfin la bande originale toujours signée Niels Bye Nielsen oscille entre des thèmes récurrents et quelques envolées lyriques qui marquent bien la conclusion d'une véritable épopée, dans tous les sens du terme.
Pour conclure, je laisse la parole à Feed qui comme moi a adoré la saga et voulait revenir sur son humour particulièrement acide : Entre les situations ubuesques (un type se fait refouler, tu l'assommes, te te déguises et passes pour lui alors que tu lui ressembles à 0%), les déguisements improbables, les opportunités hilarantes et les dialogues pince-sans-rire (particulièrement tous les dialogues de 47 déguisés). C'est un humour qui fait très british et qui est très rafraîchissant dans un jeu qui pourrait être très sombre si on y réfléchit un instant.
On s'y attendait, les équipes d'IOI prouvent une nouvelle fois qu'ils ont tout compris à l'infiltration et proposent leur meilleure vision d'un tueur à gages sans compromis. HITMAN 3 est à l'image de toute la trilogie : propre, rigoureuse et dans la continuité. Qu'on aime ou qu'on n’aime pas sa formule résolument orientée vers le contenu distillé sur la longeur, le titre à quelque chose de magnétique, d'irréprochable, un objet qu'on a immédiatement envie de refaire après l'avoir terminé. C'est un petit peu le coeur serré qu'on écrit ces dernières lignes, car on doit dire au revoir à une saga qu'on a franchement adorée de bout en bout. Et alors qu'ils s'apprêtent à troquer l'ICA-19 pour le Walther PPK (Project 007), on imagine mal les Danois s'éloigner de ce besoin qui les anime d'explorer la furtivité, en tout cas on l'espère.