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Ground Zeroes, quand le marketing dépasse la fiction

Damien par Damien,  email  @damien_furst
 
« Je pense que si les joueurs des anciens MGS se plongent immédiatement dans ce nouveau système qu’est l’open world, ils trouveront ça perturbant ». Derrière cette déclaration d’Hideo Kojima se cache donc l’explication officielle de ce Metal Gear Solid Ground Zeroes, prologue du véritable cinquième épisode qui sortira certainement l’année prochaine. Il s’agit donc de présenter en douceur ce nouveau gameplay, mais en échange d’une trentaine d’euros. Sérieusement ?
La vie est un éternel recommencement. Pour Hideo Kojima, cette expression semble s’appliquer encore plus qu’à tout un chacun. Censé laisser Metal Gear à ses comparses de chez Konami, le célèbre game designer japonais ne parvient pas à abandonner la licence qui a fait de lui l’une des icônes du jeu vidéo. Une licence qui commence à vieillir sérieusement, comme en témoigne le poussif Metal Gear Solid 4, sorti en 2008 sur Playstation 3. Avec The Phantom Pain, Hideo veut montrer qu’il n’est pas has been. Alors forcément, comme tous les jeux d’aujourd’hui, le bougre a jugé bon d’orienter la structure de son titre vers de l’open world, en essayant de revoir en profondeur toutes les mécaniques auxquelles on était habitué.



La question se doit alors d’être posée. Monsieur Kojima est-il sincère lorsqu’il justifie Ground Zeroes par cette nouvelle approche du gameplay ? Ce Ground Zeroes est-il le fruit d’un créateur souhaitant effectivement présenter au monde sa nouvelle oeuvre de façon détournée ? Ou bien s’agit-il plutôt du résultat d’un brainstorming marketo-financier, visant à générer des revenus avec un produit non-fini ? Si on peut difficilement répondre à cette question, on peut en tout cas juger le jeu pour ce qu’il est : une fantastique arnaque.

Chloe, do you copy?


Ground Zeroes se déroule en 1975, neuf ans avant les événements qui suivront dans The Phantom Pain. Le joueur incarne Big Boss, le papounet du célèbre Solid Snake. L’intrigue se situe donc en pleine guerre froide, et nous emmène au coeur d’une base militaire située à Cuba. Votre mission consiste à secourir Paz Ortega, un agent triple détenant des informations cruciales, et Chico, un enfant-soldat qui a visiblement bien morflé. Présenté comme ça, le postulat scénaristique peut sembler extrêmement simple pour du Kojima, mais rassurez-vous, à moins d’être un fanboy, vous allez rapidement être perdu parmi les différents protagonistes et tous les termes pompeux inhérents à la série : Mother Base, Skull Face, CIPHER, XOF, FOX, Militaires Sans Frontières et j’en passe. Heureusement, l’Internet est là.
 
Quant au jeu en lui-même, si on peut bel et bien lui octroyer que ce rafraichissement de gameplay lui fait le plus grand bien, il faut avant tout souligner ses moult défauts. On commencera par l’intelligence artificielle, colonne vertébrale pour une aventure qui se présente avec la baseline « tactical espionage operations ». Ne cherchez ici rien d’exceptionnel, puisque les comportements aberrants sont légion. L’un des exemples qui m’a le plus frappé est celui de la protection automatique derrière un élément du décor. Plaquez-vous contre un mur, et vous deviendrez instantanément invisible, même si votre arme dépasse allègrement. Décollez-vous de quelques centimètres à peine, et votre couverture sera grillée. Il m’est également arrivé, à plusieurs reprises, de voir gambader quelques gardes dans la joie et la bonne humeur à quelques mètres à peine de corps sanguinolents, sans qu’ils ne s’arrêtent ne serait-ce qu’une seule seconde pour vérifier le pouls de leur copains agonisants.

Avant, j’étais Snake, mais ça c’était avant


Toujours au registre des aspects « infiltration ? Mon cul ! », le système de gestion des alertes sent le vieux comme dans l'appartement de mémé. Déclenchez l’alerte, puis cachez-vous ou exterminez les deux-trois bambins qui vous embêtent. L’alarme s’estompera ensuite, et les autres gardes, pourtant alertés, reprendront leurs rondes usuelles, comme si de rien n’était. Il même possible d’aller un cran au-dessus au niveau de l’ « espionnage », en s’installant par exemple sur des canons anti-aériens. Le jeu se transforme subitement en un bordel sans nom où vous allez pouvoir déglinguer tout ce qui bouge… Avant de retourner vous cacher sur la pointe des pieds. Ce Ground Zeroes est peut-être par ailleurs le premier MGS dans lequel Snake dégage un sentiment de toute puissance assez déroutant. Car une fois les contrôles assimilés, se sortir de situations d’apparence mal engagées est en fait assez aisé, grâce notamment à une résistance aux balles mal équilibrée. Le jeu prend néanmoins bien plus d’épaisseur en mode Difficile, mais il faudra d’abord le terminer en Normal pour y avoir accès…

Le côté « open world » si cher à Kojima est toutefois à ranger au rayon des initiatives à saluer. Le jeu en ressort plus souple et moins dirigiste qu’à l’époque. Un même objectif peut ainsi s’accomplir de différentes manières, et on prend finalement plus de plaisir à appréhender chaque situation. 
D’ailleurs, Ground Zeroes est agréable à parcourir, grâce à une jouabilité au poil et des possibilités qui semblent vastes. Les éléments listés plus haut, s’ils rendent le jeu irréaliste, ont la contrepartie de lui offrir une grande accessibilité. Une notion accentuée par deux nouveautés tout à fait symptomatiques. La première est le marquage des ennemis, réalisable lorsque Snake dégaine ses jumelles. En restant quelques secondes sur un ennemi ou un point d’intérêt de la map, celui-ci sera sauvegardé à la fois sur la carte et dans le jeu. Pour peu qu’on prenne le temps de bien scruter chaque détail de la base, on ne sera donc pas vraiment surpris par un ennemi qui se promène, puisque son marquage le rend détectable absolument partout. Quant au second ajout, il s’agit d’un bullet time de quelques secondes, déclenché automatiquement dès qu’un garde vous détecte. Vous avez donc un court laps de temps pour le neutraliser, avant qu’il n’alerte le reste des troupes. 

30€, le zeroes de trop


Le gros problème de Ground Zeroes est finalement à chercher du côté de sa durée de vie. Une base militaire pas franchement grande, une mission basique, et quelques défis supplémentaires, voici ce qui résume le contenu du titre. Comptez entre deux et trois heures pour boucler l’intrigue la première fois, et ajoutez une nouvelle fois deux à trois heures supplémentaires pour compléter en grande partie les missions annexes. Chercher la complétion à 100 % nécessitera bien plus, mais celle-ci est particulièrement inintéressante. Pour 30 €, on se situe ni plus ni moins dans une arnaque commerciale pure et simple, à faire pâlir Julien Courbet et sa ribambelle d’avocats. Un tel contenu ne mérite pas plus qu’une dizaine d’euros. Et c’est au final le sentiment qui persiste après avoir bouclé le jeu. On a la franche impression de s’être pris quelque chose de piquant dans un orifice habituellement traité avec bien plus de délicatesse.



Visuellement, Ground Zeroes a été présenté comme un vrai jeu « next-gen ». Pourtant, le résultat de cette version Xbox One a de quoi laisser perplexe. On a plus l’impression de se retrouver devant un jeu old-gen upgradé que devant une expérience graphique à la hauteur des supports nouvelle génération. Le bât blesse particulièrement lors de certaines missions annexes, qui se déroulent de jour (à l’inverse de la mission principale qui se passe en pleine nuit et sous la pluie). L’aliasing vient s’associer à un surprenant clipping ainsi qu’à des textures parfois limites. Ajoutez à cela d’autres détails fort malvenus, comme l’absence de débris lorsqu’un véhicule explose, et vous obtenez là un moteur graphique qui a tout d’une version bêta.
Pas forcément mauvais mais très loin du standard de qualité auquel il prétend, Metal Gear Solid Ground Zeroes est une expérience bien trop courte, qui ne peut soutenir son prix complètement infondé de 30 €. Les fans de la première heure y trouveront peut-être leur compte (et encore), mais les autres peuvent passer leur chemin et attendre bien tranquillement Phantom Pain, pour peu que l’ambition de Kojima et son équipe soit drastiquement revue à la hausse. 
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