TEST
Frostpunk : Chill City -2000°C
par Fougère,
email @JeSuisUneFouger
Développeur / Editeur : 11 bit studios
Support : PC
Le froid inspire le jeu vidéo. Que ce soit à travers le fun, comme dans SSX, la survie, comme Don’t Starve ou l’aventure, comme Tintin au Tibet, la neige plaît aux joueurs. Frostpunk vient s’ajouter à cette longue lignée de jeux qui font grelotter.
Développé et publié par 11 Bit Studios, les Polonais derrière This War of Mine, Frostpunk vous met à la tête d’un groupe de réfugiés Britanniques dans une réalité alternative où un âge glaciaire s’abat sur le monde. Pendant que tout le monde se chauffe au charbon et utilise des machines à vapeur. Un univers steampunk à -40°C. Frostpunk. Vous l’avez ? Bref, tout cette petite troupe gelée se rassemble autour d'un immense générateur de chaleur qui carbure au charbon, et tente de survivre le plus longtemps possible sous votre direction.Au final, Frostpunk est un city builder avec les options météos bloquées sur « hiver éternel ». Vous allez donc devoir héberger votre population d’esquimaux de l’extrême, les nourrir, leur filer du travail, construire des infirmeries pour les maintenir en bonne santé, et ainsi de suite. Le jeu propose 3 scénarios qui modifient le style de jeu et le déroulement de la partie, mais l’objectif est le même : réussir à maintenir en vie vos citoyens pendant que les températures chutent de plus en plus. Il faudra réussir à jongler entre la production de ressources et le confort de la population pour maintenir un équilibre précaire, qui peut basculer à n’importe quel moment ! Sauf qu’ici, les coups du sort sont scriptés.
Mais commençons par le début : la mandale graphique. En termes de direction artistique, faire un jeu autour de la neige, c’est toujours un peu risqué. Quand la majorité de l’écran est recouvert d’un truc blanc uni qui se dépose partout, c’est difficile de faire des folies visuelles qui vont flatter la rétine. Du coup, ils se sont rabattus sur la modélisation et le son, qui vont vous transporter instantanément dans le cratère qui va servir d’abri à votre communauté. Entre le vent, la glace sur l’écran, la neige qui se déforme sous les pas des humains ou qui fond quand vous posez du chauffage quelque part, on frissonne en permanence. Le jeu est magnifique, surtout que regarder sa ville s’activer en mode avance rapide, avec les effets accélérés d’une chute de neige, a un petit côté relaxant. Une fois remis de nos émotions, on attaque le vif du sujet : la construction. Ici, pas de grille carrée bien propre qu’on voit partout, vous êtes dans un cratère, la grille de construction est donc divisée en cercles concentriques. C’est un peu déroutant au début, mais on prend rapidement le coup de main et on comprend qu’optimiser le placement des différents bâtiments est vital, parce que la place est limitée mais surtout à cause de la chaleur. Le générateur à charbon étant placé au centre de la zone, plus vous construisez loin, moins les bâtiments seront chauffés. À mesure que la partie progresse, la zone de chaleur s’étend et gagne en intensité pour contrer les températures en chute libre, mais vous allez rapidement devoir placer des générateurs annexes si vous voulez pourvoir chauffer tout le monde. Si les habitations et les usines sont trop froides, elles s’arrêteront de fonctionner. Pendant ce temps, vous allez vous retrouver soit avec une population en colère sur les bras, ou une bande de dépressifs incapables de mettre un pied devant l’autre. Ces 2 mécaniques sont représentées par une jauge d’espoir, que vous voudrez remplir, et une jauge de mécontentement, que vous essayerez de vider.
Toutes vos actions dans le jeu auront une influence sur ces jauges : la construction d’un cimetière redonnera de l’espoir aux gens, mais les faire bosser 24h sans s’arrêter fera grimper le mécontentement. Le jeu est une constante course en avant, où les conditions météos vont vous forcer à prendre des décisions drastiques pour assurer la survie de votre ville. On commence doucement, avec une poignée de réfugiés qui vont devoir rassembler les maigres ressources de la zone de départ, présentes sous la forme de tas de débris à déblayer pour dégager de l’espace de construction. Il y a 4 compteurs à surveiller : le bois, le métal, la nourriture et le charbon. Les 2 premiers servent à construire des bâtiments, la nourriture aura besoin d’être transformée en repas mais c’est le charbon qui va accaparer votre attention. Car la journée, vos petits bonhommes (bonnes femmes et petits enfants si besoin, pas de sexisme ou de pitié par -40°C) vont pelleter du charbon et maintenir le générateur en état de marche. Mais la nuit, pendant que tout ce petit monde pionce, il faut quand même chauffer votre ville, donc avoir assez de charbon pour tenir jusqu’au démarrage de la journée. Avec les températures qui se rafraîchissent et les améliorations de votre générateur qui vont le faire consommer plus, la réserve de charbon nécessaire pour tenir jusqu’au petit matin va devenir de plus en plus importante. Doigt, engrenages, vous saisissez un peu l’idée ? Bref, une fois vos premières maisons posées et votre population envoyée à la mine pour récolter du combustible, vous allez pouvoir déployer un ballon d’observation qui va vous donner accès à la carte du monde. Des points d’intérêts répartis un peu partout servent de destination à vos expéditions, qui reviendront soit avec des ressources, soit avec des réfugiés. Puis vous allez avoir accès à l’arbre technologique, qui permet de construire des bâtiments plus avancés ou qui débloque des améliorations pour ceux qui existent déjà. Enfin, on a les lois qui sont des bonus qui se débloquent à intervalle fixe, et qui permettent soit de construire de nouveaux bâtiments, soit de modifier (pour le meilleur ou le pire) ceux qui existent déjà. On parlait d’un cimetière plus haut, l’autre option étant de conserver les cadavres dans le froid pour pouvoir extraire des organes plus tard. Je vous laisse deviner ce que votre population appréciera le plus. En jouant avec tous ces outils, vous devrez accomplir les objectifs que le jeu vous imposera, jusqu’à l’épreuve finale, le grand Blanc.
Mange tes grands morts
Le pan du jeu qui fonctionne le moins bien, c’est le pathos. La communication autour du titre nous promettait des torrents de larmes, mais le style de jeu et ses mécaniques enrayent toute tentative d’attachement à ses petits survivants. Très rapidement, on occulte complètement le côté moral de la situation, et on n’hésite pas à imposer des conditions de vie de plus en plus drastiques à ses réfugiés. Les enfants vont pelleter du charbon, on ajoute de la sciure dans la soupe pour allonger les rations et on organise des combats en arène pour distraire la population : tant que les sacro-saintes jauges vont dans la direction voulue, on œuvre pour le bien de la colonie, donc tout est justifiable. On est loin des situations dramatiques qui serraient les cœurs les plus accrochés qu’on peut retrouver dans This War of Mine (et son DLC The Little Ones). Enfin, le genre du city building amenait avec lui l’espoir de parties longues, difficiles, avec des rebondissements dans tous les sens. Un mode bac à sable quoi. Eh bien que nenni, les 3 scénarios présents se bouclent en une dizaine d’heures, et ont une rejouabilité nulle, puisque les mêmes évènements arriveront exactement au même moment. Les parties sont scriptées de bout en bout, ce qui permet au moins de bien pouvoir se préparer si on n’arrive pas à tenir jusqu’au bout, mais quand on voit la main qui fait pencher la balance, ça tue un peu la magie de la découverte et l’émotion qui va avec.Frostpunk est un bon petit jeu. Il vous occupera agréablement le temps d’un week-end, en attendant que les développeurs ajoutent de nouveaux scénarios. D’après la roadmap publiée récemment, il y aurait même un mode sandbox prévu, à une date indéterminée. Une bonne raison pour relancer le jeu dans quelques mois.