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Famicom Detective Club : Hakuto tiré
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : Nintendo Mages Inc.
Support : Switch
Alors qu'on découvrait les premières grosses cartouches de la NES européenne, Nintendo passait déjà à la vitesse supérieure avec son Famicom Disk System et une flopée de titres à petits budgets qui déboulaient les uns après les autres sur l'adaptateur disquettes japonais. Parmi eux, une série allait scotcher le public nippon au fond de son canapé et confirmer les carrières de Satoru Okada et Yoshio Sakamoto, l'iconique duo de la division R&D1 à l'origine d'un certain Metroid deux ans plus tôt. Inspirés par le murder mystery de Yuji Horii et les fims d'horreur de l'époque, ils sortent coup sur coup Famicom Detective Club: The Missing Heir en 1988 et sa préquelle Famicom Detective Club: The Girl Who Stands Behind l'année suivante.
Il faudra attendre 2004 et le romhack anglais basé sur la réédition Super Famicom de The Girl Who Stands Behind pour enfin découvrir la série en occident. Famicom Detective Club revient donc de loin est on s'étonne encore de voir débarquer aujourd'hui les deux épisodes retravaillés, plus visual novel que jamais sur Switch ! Complémentaires et pourtant différents sur quelques aspects, les deux titres sont tout d'abord l'occasion de se replonger dans le Japon de la fin des années 80. Un archipel sur lequel le téléphone à déjà une allure futuriste avec son répondeur, une époque à laquelle se côtoient éléments de modernité (les congélateurs à l'extérieur des appartements) et traditions ancestrales. Ce Japon des cigales assourdissantes par un soleil de plomb qu'on s'est imaginés à travers les mangas et animes de notre enfance.Une image d'Epinal qui est magistralement retranscrite dans cette réédition. Exit les yeux de biches exagérés et des improbables extravagances capillaires qui peuplent la majorité des visual novel qui inondent le marché PC depuis plus d'une décennie, on est ici face à un rendu réaliste complètement raccord avec le produit originel, simplement refait à neuf.
Après Root Film sorti il y a peu, on apprécie à nouveau un rendu plus mature, presque dans l'esprit des productions de Makoto Shinkai. Les artistes de Mages Inc. ont fait un super boulot sur les couleurs, les nombreux éclairages et toutes ces saynètes qui ne manquent pas de détails dans leur texture et de petites animations très légères. Ici le vent qui déplace les nuages en arrière-plan, là une voiture qui traverse la scène en fond pendant qu'on interroge un suspect, une mimique ou un personnage qui cligne des yeux. Famicom Detective Club est un visual novel qui parait plein de vie, face aux artworks figés de ses concurrents. L'autre bon point qui se remarque immédiatement, c'est l'ambiance sonore totalement dans le ton des thrillers japonais qui a également été retravaillée. Mages nous offre aussi la possibilité de switcher entre leur réorchestration de la musique et des effets spéciaux, les versions de 88/89 et celle de la Super Famicom. Un petit détail qui plaira à tous ceux qui ont déjà fait le jeu auparavant.
Malgré tout, avec une partie sonore assez efficace qui va de pair avec ces visuels remis au gout du jour, il serait dommage de ne pas profiter de l'expérience telle que voulue par son développeur. Enfin, pour terminer sur l'enrobage, on constate avec plaisir que les seuls doublages disponibles sont en japonais et ici aussi ils sont de grande qualité. On reconnait aisément de nombreuses voix connues des productions nippones (Megumi Ogata et Yuko Minaguchi pour ne citer qu'elles) qui jouent ici leur rôle à la perfection. Et quels rôles ! Famicom Detective Club: The Missing Heir nous place dans la peau d'un (très) jeune détective amnésique enquêtant sur le décès de la PDG d'une grande firme nationale, juste après qu'elle ait rédigé son testament...
A la manière d'un Arabesque, on retrouvera évidemment une troupe de vautours plus suspects les uns que les autres qui se déchirent autour de son héritage. The Girl Who Stands Behind quant à lui nous fera lui vivre la toute première enquête du héros dans une préquelle entre meurtres sordides et légendes urbaines horrifiques autour d'un lycée. Et puisqu'on entre maintenant dans le vif du sujet, il est temps de vous faire une petite confession : oui, je me suis beaucoup trop souvent ennuyé devant les visual novel auxquels j'ai touché ces dernières années.
Jusqu'à présent, je trouvais leurs histoires creuses, mal amenées, sans véritables enjeux. Et pourtant, à part pester contre les quelques défauts inhérents à son système de jeu et dont on reparlera plus tard, je n'ai pas décroché de la petite quinzaine d'heures bien tassée entre les deux scénarios ficelés par Yoshio Sakamoto. Respectée depuis sa sortie pour la qualité de son écriture, il faut bien avouer que la licence Famicom Detective Club ne démérite pas, même lorsqu'on la découvre 35 ans plus tard. Non seulement les jeux regorgent de rebondissements en tous genres qui font que l'on se surprend, surtout dans la préquelle, à découvrir un détail de l'histoire qu'on n’avait pas vu venir à la toute fin du jeu, mais les personnages sont crédibles et bien dirigés par leur auteur.
Les jeux sont organisés en chapitres et globalement, à part regarder les saynètes et lire des tonnes de texte, on ne fera pas grand-chose d'autre que de cliquer sur des boutons pour interpeller tel ou tel protagoniste dans la scène, lui poser des questions pour en débloquer d'autres, fouiller les lieux, attraper ou montrer tel ou tel objet ou encore utiliser son flair de détective pour spéculer sur les coupables.
Bon allez j'exagère un peu, le premier volume vous fera quand même jouer à la devinette de temps à autre et osera un brin de folie avec une phase de dungeon crawler miniature plus tard dans la partie. De son côté, la préquelle vous proposera une poignée d'embranchements scénaristiques qui permettront à la manière d'un Telltale d'établir votre profil psychologique en fin de partie. Il a beau avoir revêtu ses plus beaux atours, Famicom Detective Club reste un murder mystery dans le plus pur style japonais. Et ça va malheureusement avec les casseroles que se traine le genre. On n’a pas passé deux heures sans se retrouver à cliquer un peu au hasard sur toutes les options disponibles pour faire avancer l'histoire parce que la logique des développeurs originaux défiait la cohésion d'un dialogue entre deux êtres humains. Le système de jeu pousse le vice jusqu'à parfois nous obliger à répéter 2 ou 3 fois la même action à la suite, ou une et une autre spécifiquement juste en suivant pour débloquer la suite de l'histoire.
Des errements d'époque qu'on aurait bien aimés voir corrigés par ce remake. Malgré tout, le jeu à ce quelque chose qui nous invite toujours à aller plus loin dans l'investigation. Et puis il y a la relation spéciale entre le héros et son assistante Ayumi Tachibana, ces rebondissements a volonté et des petits clins d'oeil entre les deux jeux (essayez d'appeler le numéro de téléphone de l'avocat du premier jeu dans la préquelle pour voir...) qui font qu'on y revient encore, même après avoir soufflé pendant de longues minutes devant le même dialogue.
Enfin, ce double pack (en Europe uniquement, les jeux sont vendus séparément aux US) trouve parfaitement sa place sur la transportable de Nintendo puisqu'on peut sauvegarder sa partie quasiment n'importe quand et profiter de ses graphismes haute-définition sans bavure, que l'on soit en docké ou sur le petit écran en mode portable. Il faudra toutefois passer la barrière de la langue anglaise puisque le jeu n'est malheureusement pas traduit en français.
Si son scénario n'a pas pris une ride en 35 ans, Famicom Detective Club à de quoi faire grincer des dents les allergiques aux menus austères et aux systèmes de jeu parfois épineux, vestiges d'une époque en partie révolue. Par contre, il est intouchable sur tout le reste : de sa partie audiovisuelle absolument inattaquable à des aventures palpitantes et bien écrites. En passant par un certain instantané du Japon de la fin des années 80 qui rappellera des souvenirs à tous ceux qui l'ont vécu par procuration, le mercredi après-midi devant leur poste de télévision. Deux morceaux d'histoire remis au goût du jour en somme, et qu'on espère un jour suivi de potentielles suites, toujours écrites par leur papa de coeur.