TEST
Deliver Us the Moon / Deliver Us Mars : Le test deux en un
Il ne vous aura pas échappé que le climat part un peu en sucette. L'humanité exploite les ressources terrestres sans vergogne et au mépris des besoins des générations futures. Du coup, le postulat de départ de Deliver us the Moon (le 1) et Deliver us Mars (le 2), c'est que ça va continuer, que la Terre va ressembler de plus en plus à un désert et qu'on va devoir trouver de l'énergie ailleurs. Heureusement pour l'humanité vidéo-ludique, un ingénieur vient de trouver comment convertir l'Helium3 lunaire en énergie et la transférer à distance à la Terre. Alors ? problème résolu ?
Dans ces deux Deliver Us, l'accent est mis sur la famille Johanson. Dans le un, en toile de fond, puisque le père, Isaac Johanson a inventé la MPT, la Transmission d'Energie par Micro-ondes, qui a permis à l'humanité de continuer à prospérer même à court de ressources terrestres. Seulement, si le système fonctionnait, le transfert d'énergie Lune-Terre s'est soudainement arrêté, obligeant la terre a rationner l'électricité. Malgré cela, la WSA, la World Space Agency, réussit à finaliser une fusée et à envoyer un homme sur la lune pour rétablir la liaison. C'est tout l'enjeu de Deliver us the Moon.Deliver us Mars se passe lui 10 ans plus tard. La situation terrestre ne s'est guère améliorée et on a appris que le-dit Isaac Johanson a réussi le miracle de créer 3 arches qui pourraient sauver l'humanité si on pouvait les ramener de Mars. Dans ce 2e opus, on jouera alors le rôle de Kathy Johanson, la fille cadette, d'Isaac, plongée dans l'astronautique depuis sa naissance et qui, devenue astronaute, arrive à se faire enrôler dans la mission pour récupérer les arches de son père.
Les 2 jeux ont donc une histoire commune et si elle n'est qu'effleurée dans le 1, le 2 fait la lumière sur bien des éléments restés en suspens dans le un. Il faut dire que presque tout a été amélioré dans le deuxième jeu : fini l'astronaute casqué mystérieux sans voix et sans visage du 1, le 2 permet d'incarner la fille de l'ingénieur et de mettre aussi un visage sur d'autres personnages suivis uniquement par des enregistrements audio dans le un. Les 2 jeux usent et abusent aussi parfois de flashbacks. Si ce ne sont que des enregistrements audio et vidéo de silhouettes reproduisant les gestes des personnages lors des évènements mémorisés par des robots témoins dans le un, on retouve certes ce système dasn le 2, mais aussi de rééls flashbacks interactifs de Kathy et de sa vie sur Terre avant le départ de son père pour la Lune. On suit ainsi tout à la fois la petite mais tragique histoire de la famille Johanson et celle grande et toute aussi tragique de l'avenir de l'humanité ne tenant plus qu'à un fil et cette double échelle donne une certaine force au jeu.
Une force narrative complétée d'assez belle façon par une force visuelle et sonore. En effet les environnements hard-science sont criants de réalisme (même si on n'échappe pas à des éléments purement vidéo-ludiques) passant de couloirs confinés à des stations au sol ou dans l'espace immenses et détaillées. Mention spéciale au level design exploitant habilement tous les recoins et la verticalité des lieux (plus dans le 2) sans jamais nous perdre pour autant, les jeux étant quasi linéaires. On louera également l'effort d'avoir traduit toutes les affiches du jeu, que ce soient les consignes de sécurité ou les plans des niveaux affichés aux murs et d'avoir doublé intégralement les 2 jeux en un français impeccable. Et du côté audio justement, on ne s'en rend pas compte tout de suite mais la musique s'adapte à merveille à la situation et sait se diversifier passant de la balade à la guitare sèche en zone sécurisée à la musique symphonique dans les situations épiques.
Du côté du gameplay, il y en a un peu pour tous les gôuts : déplacements en zero-G, énigmes, puzzles, plate-formes, escalade dans le 2 et même quelques rares QTE dans des scènes d'action à grand spectacle. Les 2 jeux sont en effet des aventures interactives au scenario catastrophe qui vont nous plonger le temps de 6 et 10 heures respectivement dans un environnement inconnu toujours potentiellement mortel a essayer de réparer les erreurs et les actes destructeurs du passé. Je reste pour ma part assez impressionné par le fait que tout ce que fait le jeu, il le fait remarquablement bien. Que ce soit les déplacements à gravité réduite ou ceux sans gravité avec 6 degrés de liberté, les rares déplacements sous l'eau, les déplacements en rover, le contrôle de drone dans des conduites, les quelques phases de plateformes et même les cessions d'escalades dont la mécanique de placement des bras marchent au final très très bien alors que ça aurait pu donner des résultats catastrophiques.
On louera aussi l'absence quasi totale de bugs de ces 2 expériences. Sur le un, qui a été enrichi d'effets RTX, il y a visiblement eu quelques ratés d'optimisation, car si effectivement le jeu tourne impeccablement tous les effets à fonds sur une RTX4070 dans les premiers niveaux du jeu, j'ai eu de grosses saccades dès le milieu du jeu dans des lieux abondamment vitrés, qui ont disparu sitôt les réflexions RTX désactivées.
Dans le deuxième, pas de RTX mais les réflexions sont plutôt bonnes malgré tout mais ici, j'ai vu pas mal de problème de "culling" dès la moitié du jeu, affichant brièvement des languettes verticales du décors enneigé lors de la rotation un peu rapide de la tête sur le côté de l'écran avant que la teinte sombre du lieu obscur ne vienne les recouvrir. Rien de catastrophique cependant.
Non, si on devait trouver quelques points négatifs, on pourrait surtout regretter les contrôles en QWERTY non réassignables du un, les sauts ratés si on n'est pas au dessus du bords du un (le 2 permet de s'accrocher au rebord si on saute un peu en dessous), ainsi que la lourdeur de mise en marche du personnage dans ce premier jeu qui le rend pénible à déplacer, même si c'est sans doute plus réaliste, ce qui a été corrigé dans le 2. Le un se veut aussi trop narratif et interrompt un peu trop souvent le joueur dans sa progression pour expliquer les évènements survenus sur les lieux visités tandis que le 2 arrive à les espacer un peu mieux. Par contre, les deux jeux aiment à nous distribuer les flashback dans le désordre, ce qui n'est pas toujours facile à suivre, même si je comprends l'intention de garder une certaine confusion et un certain suspense pour les moments où le joueur réussit à replacer tous les évènements dans l'ordre. Regret aussi pour le mélange des points de vue : TPS à pieds ou en rover, mais FPS en zero-G, puis carrément externe dans les cut-scènes.
Enfin on sent que les développeurs ont fait de leur mieux mais les visages du 2 sont assez moyens. Si celui de l'héroine, Kathy a été plus travaillé, ceux de ses compagnons sont parfois assez difficiles à lire et entretiennent sans le vouloir mais peut-être est-ce aussi bien, une ambiguité sur les intentions de chacun. Car les 2 jeux ont pour eux une ambiance particulièrement soignée qui va se tendre au fil de nos avancées et de nos découvertes. Si l'environnement lui-même est souvent dangereux, que ce soit le vide, l'atmosphère irrespirable, les habituels câbles électriques, on ne sait jamais non plus à qui se fier et plus l'aventure avance et plus on comprend que les intentions des uns et des autres n'étaient pas aussi nobles et professionnelles qu'on aurait pu l'attendre d'équipages spatiaux triés sur le volet, entretenant un climat pesant jusqu'à la toute fin des 2 jeux.
KeokeN Interactive n'est peut-être pas un studio connu et reconnu, mais leurs jeux transpirent un amour de l'espace, de l'astronautique et de ces lieux dangereux construits par l'homme pour assouvir sa soif de découverte, ou celle de colonisation et d'exploitation. Les deux jeux sont d'ailleurs très similaires sur les thèmes de fond abordés. De fait, si vous avez fait le premier, le deuxième sera un peu redite, même si il est bien meilleur sur tous les plans. Si vous n'en avez fait aucun, foncez, soit sur les deux, soit au moins sur le deuxième. Peu de jeux arrivent à communiquer aussi bien des sensations de tranquillité mêlée de danger mortel, des émotions poignantes, et une réflexion sur les bonnes ou les mauvaises raisons qui guident les actes de chacun.