TEST
Crow Country
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : SFB Games Limited
Une PlayStation dans une chambre uniquement éclairée par le tube cathodique d'une petite TV 36cm posée à même le sol et la nuit devant soi, voilà les tout meilleurs ingrédients d'une bonne soirée d'horreur à la fin des années 90. Il n'en fallait effectivement pas plus pour se délecter de ceux qui ont défini le survival-horror. Et alors que le genre ne s'est jamais aussi bien porté qu'aujourd'hui, à grand renfort de licences liftées en 4K avec un rendu ultra-réaliste, certains développeurs plus modestes font le choix du retour aux sources. Et c'est le cas de SFB Games qu'on attendait, mais alors pas du tout sur ce terrain-là.
SFB, pour The Super Flash Bros. car ils ont commencé par développer des titres en Flash, c'est le petit nom des londoniens derrière l'un des jeux de lancement de la Switch, le très sympa Snipperclips. Etonnant donc de les voir revenir aujourd'hui avec un jeu de flippe dans la veine de Resident Evil ou Silent Hill avec une dégaine à faire rougir les environnements pré-calculés de Final Fantasy VII. C'est pourtant ce qui vous attend avec Crow Country. L'histoire se déroule en 1990 dans le parc d'attraction éponyme, pas loin d'Atlanta. Oh, le parc a fermé ses portes depuis un moment après que son gérant, Edward Crow ait mystérieusement disparu, mais ce n'est pas la première fois que le parc fait parler de lui, entre accidents à répétition et rumeurs inquiétantes. Des mystères assez important pour que le bureau local ne dépêche l'agent spécial Mara Forest sur place pour enquêter sur la disparition de Crow. Et voilà comment entame le jeu. Après un petit tour rapide par le coffre de votre voiture pour récupérer quelques munitions et un passage en revue des contrôles avant de s'enfoncer dans le parc, pas de doute, l'hommage est palpable.
Déjà, visuellement, le jeu se paye un look à première vue méchamment daté. Les décors semblent tous avoir été pré-rendus pendant des heures sur une station Silicon Graphics d'époque. On y reconnait également l'aspérité, les éclairages cradingues, le grain, le flou et l'aliasing prononcé caractéristique. Le modèle de l'héroïne a lui probablement presque autant de polygones que Tifa ou Twinsen, avec ses gros bras cylindriques en trois parties qui "clippent" comme il faut. Mais ô miracle, dès qu'on tourne la caméra isométrique, on se rend compte que l'environnement n'est pas statique et que tous les objets sont bien en vraie 3D. Et c'est une petite prouesse d'avoir bidouillé plusieurs filtres pour arriver à ce résultat ultra-convaincant du début à la fin de l'aventure. A de rares moments, la caméra se permet quelques effets de travelling qui nous rappellent qu'on est bien devant un jeu de 2024, mais dans l'ensemble, ça ressemble bien à nos souvenirs de PS1. L'ambiance sonore est, elle aussi, soignée et fidèle aux banques de sons de l'époque. La bande originale signée Ockeroid est elle minimaliste, mais fait le job.
Mais pour en revenir à son gameplay, c'est lorsqu'on doit viser pour la première fois qu'on retrouve, peut-être avec un peu d'effroi, le système de visée de feu-Resident Evil repris tel quel. Vous savez, la mise en joue qui fige notre personnage et nous demande d'ajuster la visée à l'aide du stick droit avec, en guise de retour visuel dans l'espace, le point rouge de l'accessoire de visé laser qui vient lécher les modèles des ennemis. Oui, vous aussi, ça vous fait hérisser le poil et vous avez raison. Surtout que de base, les contrôles tank sont mappés façon PS1 : R1 pour mettre en joue, bouton de droite pour tirer, bouton de gauche pour lancer une grenade, aie ! Heureusement pour nous, on peut opter pour des contrôles modernes en allant sélectionner un second schéma dans les options. Mais le délire jusqu'au-boutiste des développeurs va assez loin. Par contre, bonne nouvelle, on n'a pas à aller courir après des tampons encreurs pour sauvegarder. Il suffit de trouver l'un des nombreux feux de camp dans le parc, et non, les ennemis ne réapparaissent pas après avoir sauvegardé. D'ailleurs parlons du bestiaire.
Si les différentes zones à thème du parc (bateau hanté, cimetière, zones de service, etc.) permettront de rencontrer une poignée de PNJs, elles se rempliront petit à petit de créatures horrifiques. D'abord, probablement d'anciens clients d'apparence humaine, puis des homoncules et enfin amas de chair démembrés, plus on avancera dans cet enfer. Le jeu ne nous oblige pas à tuer tout le monde, et de toute façon, le nombre limité de munitions et un système de santé à la Resident Evil forcent à la retenue. Par contre, il va régulièrement rajouter des créatures dans les lieux déjà visités, au fur et à mesure de l'avancée du scénario. Heureusement, les couloirs sont assez larges pour qu'on puisse éviter les monstres, tout en slalomant entre les différents pièges présents dans l'environnement. En ça, le jeu n'est jamais vraiment difficile (à part lorsqu'on doit viser la tête en urgence) ni véritablement flippant. Il joue plus sur le malaise ambiant, de ces créatures difformes et leurs cris sourds et de ce parc à thème hanté aux attractions assez cheap et dégueulasses qui renforcent ce sentiment d'oppression.
C'est surtout un jeu qui rythme exploration et puzzles. Et de ce côté-là, Crow Country a tout compris à ce que faisaient bien ses aînés. Dans le plus pur style des années 90, on va se retrouver rapidement avec un inventaire plein d'objets d'apparence banale qui combinés avec l'environnement déverrouilleront l'accès à d'autres objets ou clés nécessaires pour avancer. La progression est assez fluide et à quelques exceptions près, on ne reste jamais bloqué très longtemps, mais on a toujours une sensation d'accomplissement après avoir trouvé la solution à l'une des énigmes du jeu. Il en est d'ailleurs truffé, dont un bon paquet pas indispensable pour terminer l'aventure. On est d'ailleurs surpris de voir le nombre d'armes et accessoires totalement optionnels cachés derrière des casse-têtes. La carte étant ouverte par nature, il est parfaitement possible d'obtenir le 100% avant de terminer le jeu. Le scénario principal est lui finalement assez classique (hommage, vous avez dit hommage) et le twist final est assez attendu après les 6 à 7 heures qu'il faut pour arriver au bout.
Les développeurs ont même prévu un new game plus comprenant de nouveaux objets déverrouillés en fonction d'un système de notation en fin de partie, mais aussi un mode de jeu Exploration qui enlève tout danger en supprimant les créatures du jeu, et plus récemment un mode Murder of Crows qui rajoute plus de difficulté et moins de ressources, pour vous laisser profiter de l'aventure à votre rythme.
Crow Country est un jeu de douce flippette pour ceux qui ont grandi avec les premiers survival-horror et qui veulent se faire un petit trip rétro le temps d'un week-end. Là où il surprend plus le joueur, c'est dans sa retranscription parfaite du look & feel de l'époque, et tant pis si sa prise en main peut dérouter pendant les premières minutes. Pour le reste, si on met de côté une histoire qui se raconte plus par ce qui se passe autour de l'héroïne que par ce que ce qu'elle a à raconter, ses énigmes sont très satisfaisantes et ne vous prennent jamais vraiment par la main. Une belle petite surprise.