PREVIEW
Observation
par billou95,
email @billou_95
Développeur / Editeur : Devolver Digital No Code
On ne le répètera jamais assez, pour causer jeu vidéo avec des développeurs résidants au Royaume-Uni, il ne faut pas avoir peur de se mouiller un peu, quitte à traverser un "channel" froid et tempétueux et affronter le climat souvent hostile des îles britanniques. Alors quand on nous a proposé d’aller tailler le bout de gras et jouer au prochain jeu de No Code, les créateurs de Stories Untold, on a sauté sur l'occasion. Aussi avons-nous bravé les éléments jusqu'à Glasgow, patrie de Simple Minds (et du Single Malt) pour découvrir la première heure d'Observation sur les terres de ses géniteurs.
Fondu au noir, résidus de conversations parasitées à peine audibles, puis plus rien à part la faible lumière du soleil qui vient balayer l'intérieur d'un module spatial laissant apparaitre puis disparaitre un capharnaüm à chaque rotation incontrôlée. Observation commence comme tout bon thriller, par un élément perturbateur. Sauf qu'ici, on ne sait pas trop ce qui vient de se passer. Ce qui est sûr c'est que le docteur Emma Fisher reprend conscience après avoir perdu conscience quelques minutes et qu'elle n'arrive plus à communiquer, ni avec Houston, ni même avec l'équipage de l'Observation, la station spatiale internationale en orbite basse autour de la Terre. Elle décide donc de rebooter SAM (Systems Administration & Maintenance), l'intelligence artificielle qui gère tout le petit monde informatisé de l'avant-poste et c'est là qu'on prend enfin les rênes de l'aventure.
Après nous avoir redonné les droits d'administration, on va petit à petit reprendre le contrôle de ce beau bordel, module par module en utilisant les différentes caméras de vidéosurveillance à bord. Notre première tâche est de vérifier la pression et l'état de la coque sur le module EAS-09 pour que notre gentille humaine puisse accéder à l'anneau principal. Ce faisant, on se familiarise avec les contrôles rudimentaires du jeu. On dirige le curseur sur chaque interface avec le stick gauche de la manette et on active les fonctionnalités accessibles ou on répond à l'aide de notre synthétiseur vocal à Emma avec le bouton A. Il est aussi possible de demander à Emma de nous répéter ce qu'elle souhaite nous voir effectuer avec le bouton X. Dès les premières minutes, on retrouve la patte graphique hard sci-fi de McKellan qui nous met aux commandes d'interfaces brutes, mais terriblement sexy avec toujours des petits bips, effets sonores et chargements saccadés de données techniques "à la Minitel" de circonstance...
Les amateurs de design d'interfaces qui comme moi ont un amour inconditionnel pour l'outil de retouche photo de Blade Runner ou les écrans en 16 couleurs de 2001 et Aliens seront aux anges. Rapidement tout se complique, SAM semble souffrir de bugs, d'étranges formes géométriques apparaissent rapidement à l'écran suivies de glitches visuels et des mots "BRING HER" qui reviennent en boucle en surimpression d'apparentes photos d'un lieu parfaitement inconnu. Suite à un nouveau blackout et après avoir récupéré l'accès aux fonctions motrices des caméras de la station, il est désormais possible d'interagir avec différents éléments en zoomant dessus et en changeant d'angle de caméra si besoin est. SAM peut ainsi lire des documents et utiliser de nouvelles interfaces système. Il convient désormais de désactiver la sécurité des SAS pour permettre à Emma de rejoindre les autres pods.
Pour cela le jeu nous demande d'abord d'appairer l'IA avec ces sous-systèmes via des combinaisons simples de 3 touches aléatoires. On peut maintenant ouvrir ou verrouiller des blocs entiers. Les minutes se suivent et ne se ressemblent pas. Une alarme retentit, un feu s'est déclaré quelque part. Il faut donc ouvrir la carte de la station et s'y balader en "sautant" de caméra en caméra jusqu'à trouver la source du problème, puis créer un couloir sécurisé afin qu'Emma puisse aller l'éteindre. Je vous passe les détails, mais on se retrouve bientôt à faire joujou avec une interface inconnue dont on doit comprendre immédiatement le fonctionnement pendant que le docteur nous dicte en hurlant par-dessus des sirènes stridentes un code de sécurité à entrer à toute vitesse. Bien entendu, si on se trompe, on ne manque pas de se faire crier dessus.
Après avoir réglé des problèmes en cascade, il est temps de découvrir le dramatique pourquoi de cette situation : Observation a quitté l'orbite terrestre. Non seulement elle a voyagé jusqu'à proximité des anneaux de Saturne, mais c'est SAM qui en aurait été l'initiateur, à priori contre son gré ! Trente minutes se sont écoulées et il est enfin temps pour No Code de dérouler le générique d'introduction de son thriller interstellaire, ce qui nous laisse quelques instants de répit. S'en suivra la découverte d'un nouveau gameplay 6DOF alors qu'on dirige des sphères en zéro-g, objets qui permettront de fouiller les PCs portables et autres systèmes à la recherche de données (enregistrements audio, schémas techniques permettant de déverrouiller manuellement des portes, etc.). Avant d'en finir avec un passage scénarisé dont on vous laissera vous délecter à sa sortie, le jeu nous a également demandé de nous creuser la tête devant le mécanisme de démarrage d'un réacteur à fusion, rien que ça.
C'est une constante depuis Stories Untold, une fois la logique de chaque puzzle assimilée, on clique sur des boutons et on tourne des potards virtuels à l'aide de contrôles simples sur des interfaces volontairement abruptes pour résoudre des problèmes complexes. Le studio a toutefois voulu diversifier son offre avec de nombreuses activités annexes accessibles entre les moments de climax dans l'aventure, pour que les joueurs les plus curieux puissent assouvir leur soif de documentation sur l'environnement ou les différentes assignations des membres d'équipage. On nous a également parlé de choix impactant légèrement le devenir de l'héroïne sans que cela ait une influence binaire sur la conclusion de l'histoire. Aussi, on imagine que l'exploration des modules chinois et russes sera propice à nous noyer sous des systèmes locaux aux alphabets exotiques. Ainsi, Observation est bien plus ambitieux que son aîné.
Il abandonne les interfaces textuelles pour se laisser apprivoiser par les joueurs consoles, mais aussi, et surtout pour autoriser plus de liberté aux designers qui peuvent désormais laisser parler leur virtuosité dans des énigmes élaborées, quitte à brouiller les pistes pour nous faire douter dans les moments de stress. Et justement, que dire de la narration de l'ensemble qui nous happe comme jamais dans une aventure menée tambour battant et que l'on quitte précocement avec plus de questions que de réponses. La partie sonore dirigée par Omar Khan est ici aussi un véritable délice, de la recherche autour des effets d'interfaces à la bande originale minimaliste en passant par la voix de Kezia Burrows. Enfin, techniquement, à l'exception de l'inertie des drones pas encore satisfaisante, mais qui est toujours en cours de réglages, c'est du tout bon, le jeu regorgeant d'éclairages localisés qui rendent chaque module unique et de parasites vidéo qui viennent griller tout en subtilité l'image des caméras.
Premier contact réussi pour Observation qui fait délicieusement monter la mayonnaise avec son concept du 2001: L'Odyssée de l'Espace inversé. L'exercice du huis clos extra-terrestre n'est pas une nouveauté dans le jeu vidéo (Tacoma, Event[0], Alien Isolation... évidemment), mais il semble être diablement bien orchestré. Le nouveau No Code ne nous laisse qu'avec une seule vraie inquiétude à savoir sa durée de vie, on croise donc les doigts pour que le trip spatial des Écossais dure un peu plus longtemps que leur précédent court-métrage.