PREVIEW
E3 2018 : premiers Innsmouthers dans The Sinking City
par Nicaulas,
email @nicaulasfactor
Après plusieurs années à développer (entre autres) des jeux d'enquête Sherlock Holmes pour le compte de Focus, Frogwares est allé voir du côté de chez BigBen avec le dernier épisode de SH, puis pour son prochain projet, The Sinking City, cette fois-ci dans l'univers de Lovecraft. La bonne surprise c'est qu'il s'agissait d'une démo jouable.
Le jeu se déroule dans les années 1920 dans une ville fictive, en grande partie inondée sans qu'on sache pourquoi, et qui a accueilli tous les habitants d'Innsmouth, cette dernière ayant été détruite. Autant dire que l'ambiance n'est pas au beau fixe, entre humidité, grisaille et mutations. La ville n'est pas immense, mais est ouverte à l'exploration dès le départ. On s'y déplace à pied, en bateau et éventuellement via des points de voyage rapide une fois qu'on les a débloqués. Et s'il s'agit à nouveau d'un jeu d'enquête, il joue la carte de "l'open investigation", concept qu'on pourrait résumer par un mélange d'open world et de "demander au joueur de rebrancher son cerveau".L'idée c'est que les enquêtes, la principale comme la secondaire, nécessitent de se rendre dans les différents quartiers pour collecter des indices, interroger des gens ou enquêter dans des bâtiments, mais sans aucun marqueur de quête traditionnel. La démo consistait en une quête secondaire, retrouver un pêcheur disparu à la demande de son épouse. Sans rentrer dans le détail de la résolution, il fallait utiliser le témoignage de la femme et les premiers indices pour se rendre dans un cabane de pêcheur, y découvrir de nouveaux éléments qu'on essayait de comprendre en se rendant à la bibliothèque ou au journal muncipal, et ainsi de suite. Mais pour suivre ce cheminement, il fallait lire, écouter, observer et repérer les coincidences et les contradictions, sans aucune indication particulière du jeu, qui est de toute façon très épuré au niveau du HUD. Pour faire tenir la démo dans une durée raisonnable (et encore, ça a pris presque 45 minutes), il a fallu que le développeur présent m'indique la marche à suivre.
Lovecraft oblige, on a le droit à des phases d'hallucinations qui ponctuent la progression. En enquêtant dans la cabane du pêcheur (non, notre héros n'a pas de moustache), on tombe sur une scène de crime pas jolie-jolie, ce qui déclenche alors une hallucination où des bestioles mutantes dégueulasses nous attaquent. Il faut réussir à toutes les flinguer pour revenir à la normale, et le tout m'a rappelé de lointains souvenirs d'Eternal Darkness.
Et Sinking City semble réserver d'autres petites surprises. Exit la trame linéaire des Sherlock Holmes (même si je garde un très bon souvenir des résolutions libres d'enquêtes dans Crimes & Punishments), l'objectif c'est de lâcher la bride et de laisser le joueur gérer son enquête comme il l'entend. Ainsi, j'aurais pu résoudre mon enquête en me montrant beaucoup plus direct et partiel, en laissant de côté certains indices. Et la manière d'aborder les dialogues peut ouvrir ou fermer des options de résolution. En refusant que l'épouse du pêcheur nous paye avec son alliance, on l'a poussée à nous donner plus d'informations sur son mari.
Théoriquement, en menant consciencieusement mon enquête, la conclusion logique est qu'il y a anguille sous roche. Ainsi, si je rentre dans la pièce où est censé se trouver le disparu sans avoir équipé mon arme, je me fais surprendre et ligoter. Armé, je suis sur mes gardes et c'est alors un gunfight pour éliminer les ennemis qui m'ont piégé. Un stand sur l'E3 n'était clairement pas le meilleur cadre pour expérimenter ce genre de mécaniques : mieux vaut être capable de se concentrer sur les indices et de se poser les bonnes questions sur comment les interpréter. Mais l'ambition générale a de quoi faire frétiller les fans de jeux d'enquête, et j'en fais partie.
Il reste évidemment pas mal de taf : la build présentée contenait des placeholders, souffrait des soucis techniques usuels d'une build de travail, le contenu interactif était limité à l'enquête présentée, et quelques mécaniques étaient maladroites. Si on ne s'inquiète pas trop pour les placeholders ou les petits ratés de framerate ou de textures, il est probable que l'aspect général assez daté reste en place jusqu'au bout, la sortie en mars 2019 risquant d'arriver assez vite. Les moyens de Frogwares ne sont pas infinis et leurs ambitions sont sans commune mesure avec leurs précédents projets.
On ne s'attendait pas vraiment à quelque chose d'aussi radical et ambitieux chez Frogwares. La base reste celle d'un Sherlock Holmes, mais ouvrir complètement la mécanique de résolution d'enquête pour laisser le joueur maître des évènements est une idée emballante. Reste à voir si le studio aura les moyens de faire ça proprement d'ici à 2019.