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Un Rédacteur Factornews vous demande :

ARTICLE

Prise Chaude : Tu ne tueras point

Rozzo par Rozzo,  email
 
Ma dernière prise chaude portait sur l’Acte de Tuer, dans laquelle je m’étais un peu questionné, verre de vin dans une main, cigare dans l’autre, lunettes « pour faire intellectuel » au nez sur le sens de cet acte et sa signification dans notre médium favori. Cette fois, pour marquer le retour de la rubrique, et aussi parce qu’on est nombreux à avoir passé une (voire deux) année merdique, je vais essayer d’aborder un thème puissant, un thème sur lequel se sont bâties des sectes à l’échelle mondiale, un thème sur lequel se sont envoyés des hectolitres d’eau bénite : aujourd’hui, on va parler d’Amour de notre prochain, et comment celui-ci va influencer notre manière de jouer.
« Prise chaude », ça veut dire « hot take » en langage Twitter. Plutôt que de réserver nos réflexions à ce réseau social inconfortable, nous avons préféré vous les partager ici, sans contrainte de forme, une manière de marcher dans les traces de notre Hellpé national, qui s’y était risqué avec son article sur No Man’s Sky. Ça ne va pas forcément quelque part, mais ça nous permet de déplacer le débat chez nous. N’hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez ! 

En tant que joueur, dans les titres qui me proposent d’incarner un personnage déjà existant, je « signe » un pacte avec celui-ci dans lequel je m’engage à le personnifier au plus juste vis-à-vis de sa personnalité, ses traits de caractères et émotions. Et quelquefois, ça frise un peu la maniaquerie. Tenez, par exemple, lorsque j’écrabouille un piéton dans une mission de Grand Theft Auto, je relance au dernier checkpoint. Franklin, ou plutôt mon Franklin, est un génie de la conduite, il n’écrase pas des gens parce qu’il a trop serré à droite dans un virage. Comme un violoncelliste qui suit une partition à la lettre, la moindre fausse note sur la narration que j’élabore casse l’harmonie de la relation avec mon personnage et me force à reprendre à zéro. (Paf, d’un coup vous les sentez non, l’odeur du vin et du cigare ?



Lors de la fameuse scène de l’aéroport de Call of Duty : MW2, j’avais tiré, et tiré et tiré… en l’air pour faire semblant, mais jamais sur la foule. En effet je pense que c’est ce qu’aurait fait mon soldat Arnold Sylvester Willis. Sauver l’Amérique, okay, mais pas en tuant des civils. Que les méchants Russes se rendent compte que j’étais un traître m’a du coup paru assez normal. Ouille. Dommage d’ailleurs que la fin de la séquence ne soit pas modulée par ça d’ailleurs : tirer sur le foule vous amène quand même à vous prendre une balle dans le front, en plus d’avoir des remords. 

Press « X » to save the world


Diriger un personnage avec lequel on se sent raccord, c’est une chose. Mais qu’en est-il lorsque le jeu me laisse le choix de qui être ? Là, c’est la débandade mes amis. Irrémédiablement, de manière systématique, je ne parviens pas à faire le mal. Impossible pour moi. Dans la vie je suis quelqu’un de bien (d’après ma maman), même s’il m’arrive de traverser quand le petit bonhomme est rouge et de crier au volant (on est français après tout). Je me souviens avoir tenté d’être un homme mauvais dans Fable. J’ai tenu environ 15 minutes. Au premier dilemme moral du jeu (très manichéen, Peter Molyneux si tu m’entends, de la nuance, un peu de nuance !), j’ai abandonné mes oripeaux de méchant à la faveur du bien commun. J’avais même terminé Fable II en faisant le choix de sacrifier ma famille pour sauver le monde. Un chic type. 



J’ai fait de mon commandant Shepard dans la trilogie Mass Effect un parangon absolu du Bien avec un « B » majuscule, une espèce d’élu de bonté et de justes sentiments. Je pense avoir eu une aventure la plus parfaite possible. Jamais un mot au-dessus de l’autre, toujours bonjour, toujours bonsoir, une forme de mesure et de rigueur permanente. Lorsque les Moissonneurs sont arrivés, tout le monde était prêt et droit dans ses bottes. J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer de cette manière, mais est-ce que ça a rendu mon Héros intéressant ? Pas forcément : Les personnages qui font le bien sont généralement beaucoup plus lisses, avec moins d’aspérités que ceux qui ont des fêlures et commettent des erreurs. Mon Shepard, c’était en quelque sorte Jake Sully dans Avatar. (Je vous laisse sentir la goguenardise de cette assertion, pendant que je vous offre une autre cigarette.)

Jesus Christ Danton


Ce vice « du bien », je l’ai poussé jusque dans MGSV, qui propose tout un arsenal de matériel létal. Je n’en ai utilisé qu’à peine un dixième : Exit les quadruples lance-roquettes, bonjour le fusil à gomme qui assomme. C’est la mécanique de recrutement qui m’a empêché de mettre à mort autrui. Si tous les soldats pouvaient potentiellement rejoindre l’armée de Big Boss, ça veut dire qu’aucun n’était fondamentalement mauvais... et donc aucun ne méritait le trépas. C’est bien l’un des « pouvoirs » non avouable que nous offre le jeu vidéo. En tant que démiurges (bouffée de cigare) de nos propres univers, nous savourons ce plaisir étrange de pouvoir le moduler à notre image, d’exercer notre droit de vie ou de mort sur son environnement et ses habitants. 



J’ai fait exactement la même chose dans tous les Deus Ex. J’ai fait tout Deus Ex 1 muni de la matraque pour ne jamais abattre la moindre personne, j’ai recommencé plusieurs fois la scène de l’appartement pour réussir à sauver mon frère. Rebelote dans Human Revolution et Mankind Divided où j’ai fait toute l’expérience armé de mon taser et de prises de « Kung-FuTuriste » douces pour le pouls mais violentes pour les cervicales.
 
D’où le questionnement que si la possibilité de faire des runs « propres » dans ces œuvres existe, elle n’est pas forcément le chemin le plus optimal en termes de plaisir de jeu. En effet, les développeurs travaillent avec acharnement à ce que nous, joueurs, ayons à notre disposition un éventail complet d’outils, à même de renouveler l’amusement au fur et à mesure de son déroulement. 
Ces outils, dont les procédés non létaux ne sont qu’une fraction, sont là pour nous octroyer des solutions variées et plaisantes aux problèmes que nous posent le game design et le level-design. Du coup, je me suis souvent retrouvé au moment des crédits avec d’un côté la satisfaction d’avoir fait « le bien » en ne tuant personne, et en même temps l’étrange sensation d’être passé à côté de certains aspects de l’expérience. 

Ce qui est intéressant, c’est que visiblement cette opposition entre la liberté offerte au joueur et l’existence des principes moraux qui peuvent la limiter (remise des lunettes sur le nez) semble aussi concerner les designers, notamment chez nos amis d’Arkane Studio.

Libéré, Délivré


Visiblement portés par la vague des « jeux à conséquence », lorsque Arkane sort Dishonored en 2012, le titre héberge tout un panel de concepts à même d’offrir des répercussions aux actes des joueurs, via le système de Chaos. 



Au sein de Dunwall, chaque mort d’un civil, chaque exécution d’un garde va faire grimper une jauge qui va influencer le déroulement de la partie et son dénouement. Ainsi, tuez beaucoup de personnes, et l’Outsider vous parlera plus durement, il y aura plus de rats et de macchabées dans les rues, les dessins d’Emily seront plus sombres. La fin du jeu dépend directement du nombre de cadavres que vous allez laisser derrière vous. 

Le problème dans tout ça, c’est que fondamentalement, le caractère systémique du gameplay de Dishonored 1 et 2 brille le plus lorsque l’on utilise tous les outils à notre disposition, et donc que l’on assassine en vire-voletant de toit en toit, que l’on fige le temps pour que les gardes se prennent leurs propres balles, etc. Je serais curieux de savoir si cette ambition de forcer à rendre le bien moins fun était une volonté de design dans le titre, toujours est-il qu’objectivement, c’est moins divertissant. 



En plus de statistiques de fin de niveau montrant le nombre de cadavres qu’on a laissés derrière soi, combien de détections on a subi, Dishonored embarque avec lui un succès à débloquer qui enferme un peu plus l’expérience : « Mains Propres », succès qui impose de faire tout le jeu sans tuer personne. Dans la même veine, développé par Arkane Austin cette fois, Prey propose une aventure qui est modulée par nos actions et nos choix, avec un final qui va changer du tout en tout en fonction de ceux-ci. 

Là, on arrive au moment ou vous posez votre cigarette sur le cendrier pour m’interpeller, d’un ton railleur « Mais enfin, cher Rozzo, permettez-moi de glisser deux choses : d’une, vos lunettes retombent de votre nez, de deux, le conflit entre la morale et le fun n’existe que dans votre cerveau, les outils sont à disposition du joueur et c’est à lui de les utiliser, ou non ! ». Ce à quoi je vous répondrais d’un ton qui est celui des joutes de l’esprit que si la satisfaction est différente et le plaisir que l’on en retire également, la suite des pérégrinations d’Arkane dans ces territoires témoigne d’une certaine prise de conscience.

Avec la sortie de Death Of The Outsiders, Arkane paraît changer son fusil d’épaule en ôtant purement le système de Chaos spécifique à la série, alors que rien ne semble justifier narrativement cette mutation (Billie Lurk est une machine à tuer identique à Corvo/Emily et les enjeux des missions sont similaires). Le Succès « Mains Propres » est maintenant appliqué a une seule mission, plutôt qu’au jeu en entier. Affranchi de ce système à la fois juge et bourreau forçant le joueur à choisir entre une expérience totale et une bonne fin, Death Of The Outsiders permet de plus expérimenter, et offre paradoxalement plus de lattitude sur comment aborder chaque objectif. A ce titre, le pouvoir unique de Billie, à savoir sa capacité à prendre l’apparence d’un ennemi est une très bonne réponse à notre problématique. 



Enfin, avec Deathloop, sous la direction de Dinga Bakaba, Arkane semble s’affranchir de la direction imposée par la vision d’Harvey Smith et Raphael Colantonio, en libérant le déroulement de l’aventure de toute conséquence. Colt et le joueur étant piégés dans un loop qui va tout remettre à zéro le lendemain, rien n’a d’importance, et tout devient possible. Libéré de tout système de Chaos, de toute morale, on est libre, toujours, à chaque instant de s’amuser avec les systèmes de jeu, de les tordre à loisir. Sur une manche, on peut se laisser aller à tout traverser tel un fantôme, de l’autre, on peut s’encanailler (On arrive à la fin de la bouteille là) à tout défourailler en glissade. Pour un zigoto comme moi, cette délivrance morale m’a permis, pour la première fois, de pleinement profiter de tout ce qu’un produit Arkane peut offrir de systémique. 

Au final, à la manière dont From Software a épuré sa formule avec Sekiro, Arkane a, jeu après jeu, assaini ses systèmes pour mieux laisser les joueurs gérer leur « style » ainsi que leur compas moral. Et pour un joueur comme moi, c’est libérateur. Cependant, la manière dont Arkane a « éludé » cette question des conséquences aux actes, reste malgré tout une manière élégante de décaler quelque peu toute la problématique. En commençant cet article, je ne me suis pas rendu a quel point celui-ci et ma précédente prise sur l’Acte de Tuer étaient liés, car au final ces deux thèmes, à un an d’intervalle, semble nourrir une idée plus large qui est celle du choix et des conséquences, dimension ô combien importante dans notre passion commune.
 
Je crois que je pourrais encore déblatérer des heures durant sur ce sujet, mais tout d’abord je ne voudrais pas prendre plus de votre temps, ensuite le vin vient à manquer, et finalement, au bout de quelques heures les fauteuils font un peu mal au cul. Je vais vous laisser le soin de trouver une conclusion à toute cette déclamation, de mon côté une partie de polo m’attend avec le troisième âge du Rottary Club. Merci aux membres de Factornews qui offrent un peu de leur argent chaque mois, c’est grâce à votre salaire qu’on a pu me payer Deathloop, le cigare, et la bouteille, et donc cet article. Si vous avez détesté ma prose, n’hésitez pas à donner encore plus d’argent : pour 200 € de plus par mois, promis, j’arrête mes tirades maladroites.
 

Commentaires

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Connard
 
Je suis un peu pareil concernant les RPG. Malgré le fait que ce soient des jeux de rôles, je joue toujours le même rôle : le mien :x
J'imagine que c'est un peu pareil pour tout le monde mais, parfois, j'me dis que ça pourrait être sympa de tenter de jouer un rôle différent (sans forcément parler de pure méchanceté contre pure bonté) mais ce n'est pas naturel et je m'en rend compte souvent trop tard. Ca doit être plus facile de tester ces expériences pour les acteurs et les vieux joueurs de jeux de rôles papier :P
Après, c'est pas un vrai problème non plus, c'est juste que nos expérience peuvent parfois être limitée à notre vision préexistante du monde. Le multijoueur peut probablement aider à ça, en donnant la possibilité de fixer une dynamique de groupe (comme pour un jeu du genre Divinity: Original Sin, par exemple) et en tenant d'autres choses grâce au besoin de communiquer avec les autres et donc formaliser d'une certaine façon nos interactions avec le jeu et son contenu.

A propos de l'utilisation de la boucle temporelle pour annuler les dilemmes moraux, Jacob Geller a fait une super vidéo !
hohun
 
Je me faisais justement la remarque l'autre jour que mon style de jeu avait évolué en même temps que ma façon de penser, et témoigne d'une certaine perte d'idéal.

Quand j'étais ado, je faisais des persos qui étaient la bonté incarnée, et effectivement les gameplays étaient soit plus difficiles, soit moins gratifiants. La notion de fun sans arrière-pensée amenait mécaniquement à un style de jeu violent ou à tout le moins négatif dans une certaine mesure. Et il y a la frustration supplémentaire de mal interpréter un dialogue et de fournir une réponse que tu penses "bonne" mais qui déclenche un conflit de façon inattendue.

Maintenant je joue le crevard absolu : j'essaie de satisfaire gentils comme méchants pour rafler un max de récompenses, et si on me bave trop sur les rouleaux, c'est bastos dans la nuque. MOUHAHAHAH. Ben ouais, incarner un héros qui doit vaincre les forces du mal dans un JV c'est déjà un complexe de Dieu en soi, alors pourquoi ne pas aller au bout de la démarche ?
carwin
 
Ca serait-y pas la théorie du en même temps ? Hohun, tu es macroniste ! :D
gwaltis
 
En général, au début d'un jeu (ou d'un film), le pan-pan-boum-boum me parait ridicule, qui voudrait vivre dans un tel monde où un héros tue définitivement des dizaines d'adversaires alors qu'ils sont juste des obstacles à un moment T ?

Puis au fur et à mesure de la progression, la découverte de la suite devient une récompense plus urgente que la crédibilité du monde. Plutôt que de réfléchir à comment passer un niveau sans violence, foncer dans le tas demande moins de charge mentale (surtout que je joue en difficulté facile, rapport au besoin de progresser au plus vite dans un minimum de temps).

Il faut dire que tuer tous les adversaires a généralement peu de conséquences négatives. J'aimerais bien que le héros se retrouve avec un mandat d'arrêt pour tuerie de masse et soit incité à jouer en mode Mains Propres sans quoi il raterait les meilleurs niveaux.
kirk.roundhouse
 
J'avais beaucoup aimé Spec Ops the line, pour l'auto critique du simulateur de meurtre et du point de vue du joueur qu'il y avait derrière.

Sinon moi, je tue, je tue, je tue.
Dans les jeux qui me laissent le choix, je joue fufu, mais je tue.
Dans les MMO, je faisais de l'anti jeu et du PK.
Je me rappelle avoir eu les réputations esclavagiste, star du porno, et tueur d'enfants dans fallout 2.

Je suis profondément misanthrope dans les univers virtuels.
Mais complètement à l'opposé dans la vie réelle.
hohun
 
carwin a écrit :
Ca serait-y pas la théorie du en même temps ? Hohun, tu es macroniste ! :D


Tout à fait vrai, mais à l'inverse de LREM, je sais limiter mon trouduculisme aux JV !
Anglemort
 
J'arriverai difficilement à jouer un personnage totalement à l'opposé de ma personnalité, j'ai tenté d'être un ultralibéral sur mon deuxième run de Disco Elysium c'était rigolo mais vraiment pas facile de garder la ligne. Alors que le jeu est très bien écrit.

Parce que je crois que le gros problème c'est que souvent les choix "mauvais" sont mal écrits, souvent je les trouve complètement gratuits voir incohérents avec la trame de l'histoire. Sauver le monde en étant en même temps la pire enflure sur terre ? Paye ta logique.

Du coup pour ne pas jouer un chevalier blanc systématiquement, parce que oui c'est chiant, j'essaye de jouer des persos gris, pas fondamentalement méchants mais pas parfaits non plus.
Là je joue à Torment: Tides of Numenera, mon personnage est orgueilleux et impulsif, ça peut le pousser à faire des erreurs et ça change d'un perso précédent qui n'était que logique et observation.
ma V dans Cyberpunk 2077 était brutale et égoïste, c'était raccord à son passé de street kid où elle a appris à survivre avant tout, mais elle avait quand même un bon fond. Et puis d'abord achever les Scavengers c'est pas vraiment une mauvaise action.
Rouge
 
Même chose que toi Rozzo, même problématique, même constat.
J'aurais plusieurs pistes de réflexion qui méritent l'apport d'un sommelier certifié et d'une bonne cave mais globalement :

1 - D'après mon auto analyse, si je veux faire le bien dans les jeux c'est probablement parce qu'on vit dans un monde de merde sans aucune possibilité d'y remédier efficacement à l'échelle individuelle. Du coup, lorsque la narration s'y prête je préfère les solutions qui arrangent tout le monde et qui améliorent le bien commun, façon optimum de Pareto (verre de vin levé et clin d'oeil appuyé).

2 - Je joue la plupart du temps fufu - non, en fait, je joue tout le temps en furtif et dans tous les jeuxoù c'est possible - et il se trouve que c'est aussi ce mode de jeux qui permet la neutralisation des ennemis sans les tuer...

2 bis - j'ai pour habitude de faire une seule run par rpg (à l'exception des TES) du coup j'ai tendance à être perfectionniste : je vise la fin / le déroulé / qui me satisfait le plus d'un point de vu moral - quitte à passer à côté d'autres expériences. Pour une raison qui m'échappe, la "bonne fin" est aussi souvent la plus laborieuse, voire la moins fun, ce qui achève de me convaincre de ne pas relancer le jeux pour faire "d'autres choix". Pourquoi ne pas imaginer un jeu où c'est compliqué et chiant d'être un connard et facile et fun d'être un type bien ? (ça me fait penser à undertale qu'il faudrait que je relance).

3 - J'aurais tendance à penser que le jeu vidéo est LE médium par le truchement duquel notre société contemporaine pacifiée assouvit ses désirs de violence. C'est l’exutoire par excellence en quelque sorte (air satisfait en remuant le verre). D'où - mais pas que - le succès des jeux qui la mettent en scène, et le marronnier du JT de tf1 sur le triptyque violence/jeuxvidéo/adolescent (air pensif). En fin de compte, proposer plusieurs manières de tuer, si possible de manière gore (suivez mon regard ;) ), c'est s'assurer de répondre à la demande du plus grand nombre. Pour les bisounours comme nous malheureusement, les choix sont très contraints (quand ils existent).

4 - Pourtant il y aurait matière à proposer des gameplay variés, drôles et intéressants sans que l'issue soit toujours la mort : l'empoisonnement au laxatif, au somnifère, au paralysant, aux champignons hallucinogènes, à la mdma, et à tout un tas de drogues diverses. Rendre muet, rendre sourd, rendre aveugle. Assommer, embourber, invalider, noyer, effrayer. Provoquer des accidents, des inondations, des incendies, des glissades. La plupart seraient d'ailleurs vachement plus cohérents et immersifs que de buter les gens les uns après les autres sans provoquer d'alerte générale (je pense à tous les Farcry like et aux jeux "d'infiltration"). En tout cas moi - et mon moi perfectionniste encore plus - ça me ferait vraiment marrer de monter mon petit plan machiavélique d'intoxication générale au laxatif doublée d'une bonne glissade générale de sourds aveugles et muets.

EDIT :
Anglemort a écrit :
Parce que je crois que le gros problème c'est que souvent les choix "mauvais" sont mal écrits, souvent je les trouve complètement gratuits voir incohérents avec la trame de l'histoire. Sauver le monde en étant en même temps la pire enflure sur terre ? Paye ta logique.


Tellement vrai
Sarakyel
 
Rozzo a écrit :
Je serais curieux de savoir si cette ambition de forcer à rendre le bien moins fun était une volonté de design dans le titre, toujours est-il qu’objectivement, c’est moins divertissant.


Ah, ça, je connais la réponse !

En tout début de pré-prod, quand c'était pas encore Dishonored mais un jeu dans l'univers de Blade Runner, on a eu beaucoup de discussions autour de Bioshock (une partie de l'équipe d'Arkane Lyon était en train de boucler Bioshock 2). On était un certain nombre à déplorer que le choix de tuer ou sauver les little sisters était purement moral, sans aucune véritable incidence sur le monde ou le gameplay. Du coup l'idée de base derrière Disho quand c'est devenu une nouvelle IP à part entière, c'était de prendre le côté consensuel de Bioshock à contrepied, et de filer des pouvoirs de plus en plus OP au joueur uniquement à condition qu'il accepte de faire des trucs moralement tordus. Y'avait un peu un côté expérimentation sociale dans cette volonté de tendre un miroir au joueur en lui demandant "et toi, tu es prêt à aller jusqu'où pour devenir encore plus badass" ? D'ailleurs à l'origine, l'Outsider était carrément une figure de démon tentateur, et pour débloquer de nouveaux pouvoirs il fallait "moissoner" des âmes (en tuant des NPCs innoncents) et les lui ramener. Le premier pouvoir filé gratos ("comme un dealer qui file une première dose" dixit Raf) c'était pas forcément Blink, le joueur pouvait le choisir. Je me souviens très bien de notre Vertical Slice (première grosse démo de gameplay interne) dans laquelle il fallait trouver et buter une pauvre servante dans la Dunwall Tower pour lui arracher son âme... C'était tellement plus glauque que le jeu qu'on a sorti au final ! (Putain, c'était y'a déjà 12 ans, ça nous rajeunit pas.)

Enfin bon, tout ça n'a pas duré longtemps, tout le monde s'est vite rendu compte que le gameplay pour le joueur "intègre" allait être chiant et répétitif, donc finalement il a été décidé de "modéliser la moralité" à travers le Chaos System, et de laisser les joueurs faire les combos armes/pouvoirs qu'ils veulent sans pour autant les culpabiliser derrière s'ils évitent la grosse boucherie. Déjà à l'époque Dinga avait bien poussé de ce côté là. Du coup je trouve qu'entre les moves type non-lethal takedowns, les armes genre arbalète à carreaux anesthésiants et les pouvoirs comme Possession, il y'a quand même moyen de bien s'éclater avec de belles scènes d'action épiques même sur des playthroughs non-létaux. Avis perso hein. ;)
hohun
 
Mec, je sais pas quel rôle tu as chez Arkane, mais en tout cas merci pour vos jeux, qui sont pour moi des petits chefs-d'œuvre et donnent envie de continuer à croire aux AAA.
Sarakyel
 
Haha, merci mais chez Arkane ça fait déjà quelques années que je n'ai plus qu'un rôle d'ex-employé ! ;)
Skizomeuh
 
Superbe article, merci Rozzo!

Sarakyel a écrit :
Rozzo a écrit :
Je serais curieux de savoir si cette ambition de forcer à rendre le bien moins fun était une volonté de design dans le titre, toujours est-il qu’objectivement, c’est moins divertissant.


Ah, ça, je connais la réponse !

En tout début de pré-prod, quand c'était pas encore Dishonored mais un jeu dans l'univers de Blade Runner, on a eu beaucoup de discussions autour de Bioshock (une partie de l'équipe d'Arkane Lyon était en train de boucler Bioshock 2). On était un certain nombre à déplorer que le choix de tuer ou sauver les little sisters était purement moral, sans aucune véritable incidence sur le monde ou le gameplay. Du coup l'idée de base derrière Disho quand c'est devenu une nouvelle IP à part entière, c'était de prendre le côté consensuel de Bioshock à contrepied, et de filer des pouvoirs de plus en plus OP au joueur uniquement à condition qu'il accepte de faire des trucs moralement tordus. Y'avait un peu un côté expérimentation sociale dans cette volonté de tendre un miroir au joueur en lui demandant "et toi, tu es prêt à aller jusqu'où pour devenir encore plus badass" ? D'ailleurs à l'origine, l'Outsider était carrément une figure de démon tentateur, et pour débloquer de nouveaux pouvoirs il fallait "moissoner" des âmes (en tuant des NPCs innoncents) et les lui ramener. Le premier pouvoir filé gratos ("comme un dealer qui file une première dose" dixit Raf) c'était pas forcément Blink, le joueur pouvait le choisir. Je me souviens très bien de notre Vertical Slice (première grosse démo de gameplay interne) dans laquelle il fallait trouver et buter une pauvre servante dans la Dunwall Tower pour lui arracher son âme... C'était tellement plus glauque que le jeu qu'on a sorti au final ! (Putain, c'était y'a déjà 12 ans, ça nous rajeunit pas.)

Enfin bon, tout ça n'a pas duré longtemps, tout le monde s'est vite rendu compte que le gameplay pour le joueur "intègre" allait être chiant et répétitif, donc finalement il a été décidé de "modéliser la moralité" à travers le Chaos System, et de laisser les joueurs faire les combos armes/pouvoirs qu'ils veulent sans pour autant les culpabiliser derrière s'ils évitent la grosse boucherie. Déjà à l'époque Dinga avait bien poussé de ce côté là. Du coup je trouve qu'entre les moves type non-lethal takedowns, les armes genre arbalète à carreaux anesthésiants et les pouvoirs comme Possession, il y'a quand même moyen de bien s'éclater avec de belles scènes d'action épiques même sur des playthroughs non-létaux. Avis perso hein. ;)


Arkane >>> all pour moi.

Also : "dans l'univers de Blade Runner" *boner*
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