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Interviews Kifékoi [Les Artistes] : Guillaume, Senior Lighting Artist

TheCubicCat par TheCubicCat,  email
 
Plongez dans les coulisses du jeu vidéo avec notre série d'interviews de professionnels du milieu intitulée "Kifékoi?", révélant différents parcours, les compétences et les défis qui façonnent les différents métiers de cette industrie.

Aujourd'hui, c'est le moment de "mettre en lumière ce métier de l'ombre", comme dirait si bien une bonne amie à moi. Embarquons-nous dans les aventures des lighting artists, avec Guillaume, qui est allé jusqu'à s'expatrier aux États-Unis pour vivre la grande aventure chez notre regretté Ready at Dawn, récemment fermé par Meta, 20 ans après sa création. Vous pouvez suivre cette affaire chez nos confrères de Gamekult, qui en parlait début août.

Tout d’abord, peux-tu te présenter en quelques lignes, de la manière dont tu le souhaites ?

Salut, moi c'est Guillaume, j'ai 34 ans. Depuis que je suis petit, je suis passionné par les jeux vidéo. Plus tard, j'ai aussi développé une vraie passion pour le cinéma, surtout au lycée et pendant mes études supérieures. Je viens du Sud de la France, d'Avignon pour être précis, mais je vis maintenant aux États-Unis. Ça fait plus de dix ans que je bosse dans l'industrie du jeu vidéo et j'ai eu la chance de travailler avec plusieurs studios en France et en Europe. Jusqu'à récemment, j'étais chez Ready at Dawn, dans leur studio en Californie.

Comment as-tu intégré le milieu du jeu vidéo ?

J'ai intégré l'industrie du jeu vidéo de la manière la plus classique qui soit. Après avoir obtenu mon bac, j'ai cherché à intégrer des écoles spécialisées. À l'époque (2010-2011), les options n'étaient pas aussi nombreuses qu'aujourd'hui et les formations en ligne n'existaient pas encore. J'ai donc décidé de passer un an en classe préparatoire en arts. C'était une année assez généraliste et à part pour quelques matières spécifiques, ce n'était pas vraiment ce que je cherchais.

Je voulais travailler dans la CGI (NDLR : Computer Generated Imagery, un système de rendu pré-calculé généralement utilisé dans les films d'animation en 3D). Des studios comme Blur faisaient rêver tout le monde avec leurs trailers et je voulais en faire partie. Mais à la fin de cette année-là, j'ai décidé d'intégrer une école spécialisée qui offrait un cursus dédié aux jeux vidéo, donc plus du temps réel (real time) que de la CGI. Après trois ans dans cette école, j'ai eu l'opportunité, avant même de finir ma dernière année, de partir faire un stage de six mois dans le premier studio de ma carrière, en tant qu'environment artist chez Cyanide à Paris.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler dans le milieu du jeu vidéo ? Et de faire ce métier, précisément ?

Ça, c'est une grosse question. Je me souviens très bien du moment où j’ai su que je voulais travailler dans le jeu vidéo, ou au moins dans un domaine créatif lié au jeu vidéo. À 12 ans, mes parents m'ont offert ma première PlayStation, la PS One. C’est là que j’ai découvert des jeux comme Rayman 2, Crash Bandicoot et surtout le jeu qui m’a émerveillé à l’époque, Final Fantasy IX. Ce titre m’a montré que le médium du jeu vidéo pouvait raconter des histoires incroyables et les cutscenes en CGI me faisaient rêver. Avec les générations suivantes de consoles, j'ai gardé un attachement particulier à la série Final Fantasy, une passion qui continue encore aujourd’hui.

Lors de mon premier stage, il n’y avait pas encore de spécialisation poussée, du moins pas comme aujourd’hui. J’ai donc commencé en tant qu'environment artist, mais j’avais déjà envie, à ce moment-là, d’orienter ma carrière vers un rôle où je pourrais être responsable de l’aspect visuel des niveaux sur lesquels je travaillais. Comme je l’ai mentionné plus haut, durant mes années post-bac, j’ai découvert plus en profondeur le cinéma, et j’ai rapidement compris que ce qui me passionnait, c’était l’aspect artistique : la photographie de certains films, les caméras, les couleurs, comment transcrire des émotions à travers l’éclairage, les angles choisis. C’est après mon stage chez Cyanide que j’ai décidé d’apprendre en autodidacte à utiliser Unreal Engine 4 et de me spécialiser dans le lighting.


(Image : divers exemples d'éclairages permettant de susciter différentes émotions - Source : thepsychologyofphotographyscholars.weebly.com)

Quel est ton métier actuel et comment le décrirais-tu à quelqu'un qui ne travaille pas dans le milieu ?

Je suis actuellement senior lighting artist. Mon rôle consiste principalement à travailler sur l'éclairage des jeux vidéo. En phase de pré-production, j'interviens pour établir l'ambiance visuelle en testant différents éclairages, styles et palettes de couleurs.

Ensuite, pendant la production, je collabore étroitement avec les environment artists et les directeurs artistiques pour m'assurer que notre travail respecte la charte graphique et visuelle du projet. Je travaille également avec les programmeurs lorsque des fonctionnalités spécifiques liées à l'éclairage sont nécessaires.

En plus de l'éclairage, je suis souvent responsable du color grading (NDLR : le color grading, c'est la modifications des couleurs dans les lumières, les tons moyens et les ombres de l'image) et des post-process (NDLR : édition d'image pour altérer son apparence, généralement faite au moment de la post-production, donc à la toute fin, et permettant de modifier le contraste, la saturation, les niveaux de noirs et de blancs, etc) appliqués a l'image, tels que le bloom et le lens flare. Dans certains studios, on distingue les rôles de lighting artist et de cinematic lighting artist, ces derniers étant exclusivement dédiés à l'éclairage des cinématiques in-game.

Qu’est-ce que c’est, concrètement, "faire le lighting" pour une scène de jeu vidéo ?

NDLR : attention, ce passage aborde des termes un peu plus techniques et s'adresse à des personnes un peu plus à l'aise avec le vocabulaire du développement de jeux vidéo. Si vous ne comprenez rien, ne paniquez pas. Faites deux minutes de cohérence cardiaque et passez au paragraphe suivant ;D

Je pense qu'on peut dire que la création de l'éclairage pour une scène de jeu vidéo comprend plusieurs étapes.

Tout d'abord, il y a une phase appelée VizDev (visual development), où l'on collabore avec les level designers, les artistes 3D et les concept artists pour définir à quoi va ressembler le niveau. Cette étape permet de donner une idée précise du rendu final, tant sur le plan artistique (avec des retours du directeur artistique) que sur celui de la jouabilité (en travaillant avec les level designers pour s'assurer que le joueur saura quoi faire dans le niveau). C'est durant cette phase que l'on commence à définir certains choix d'éclairage qui guideront ensuite la phase de production, comme l'exposition, le tonemapping, le choix d'un éclairage dynamique ou bake (NDLR : un système d'éclairage et d'ombrage "figé" dont les informations sont stockées dans des textures).

Une fois la direction visuelle validée, on passe par plusieurs étapes (pass) d'éclairage (généralement entre deux et trois). On ne fait pas encore un éclairage final tant que les modèles 3D (assets) ou les shaders (NDLR : "matériaux" qui permettent le rendu graphique en définissant comment doivent réagir la lumière, l'ombre, la texture, la réfraction, les réflections dans le programme) ne sont pas prêts. On commence donc généralement par une première pass où l'on place les lumières principales et où l'on donne un premier jet de direction artistique pour que les autres artistes puissent travailler avec un éclairage de base qui reste correct.


(Image: l'interface d'Unreal Engine avec le placement des lumières - Source : bluevoidstudios.com)

Les pass suivantes servent à affiner davantage l'éclairage. C'est le moment où l'on commence à ajouter des light props (des éléments lumineux comme des lampes, lanternes, feux, écrans, etc) utilisés pour faciliter le placement des lumières et aider à guider le joueur. C'est aussi là que l'on se rapproche de plus en plus de la direction artistique du jeu, afin d'obtenir un rendu conforme à la charte graphique.
Du point de vue de l'optimisation, c'est à ce moment-là qu'on commence à prêter attention au nombre de lights, à décider lesquelles vont projeter des ombres et à surveiller les performances, car l'éclairage est l'un des éléments les plus coûteux en termes de ressources dans un jeu vidéo. Il est donc crucial de commencer le plus tôt possible.

La dernière pass est celle du polish, où le travail est quasiment terminé, mais où il reste quelques ajustements à faire. Cela peut concerner le détail de certaines lights ou des optimisations supplémentaires pour garantir les performances du jeu. Il est important de se rendre compte que la technologie a évolué de manière tellement rapide dans le domaine du jeu vidéo que la production d'un jeu en 2024 n'a absolument rien à voir avec celle de 2010, et encore moins avec celle des années 2000 et avant. Nous avons vu passer les lightmaps, l'éclairage dynamique basique, l'éclairage via des probes, le ray tracing, et maintenant des technologies comme Lumen et Megalight (NDLR : deux systèmes de calcul d'éclairage utilisables dans le moteur Unreal Engine), qui sont des révolutions pour beaucoup d'entre elles (lorsqu'elles sont bien utilisées et optimisées).

Dans quel(s) studio(s) et sur quel(s) projet(s) as-tu travaillé ? Est-ce qu'il y en a un qui t'a particulièrement marqué ou qui sort du lot et si oui, pourquoi ?

Au début de ma carrière, j'ai travaillé chez Cyanide en tant que stagiaire environment artist. Pendant ces six mois de stage, j'ai eu l'opportunité de contribuer à des projets tels que Styx : Master of Shadows et Blood Bowl 2. À la fin de ce stage, j'ai ressenti le besoin d'explorer d'autres horizons, ce qui m'a conduit à me lancer en freelance en tant qu'auto-entrepreneur. Durant cette période, j'ai collaboré avec divers petits studios d'architecture, dont Artforia. Ce studio travaillait à l'époque sur des projets de visites architecturales en réalité virtuelle sur Unreal Engine 4, ainsi que sur des applications en réalité augmentée sur Unity.

Après cette parenthèse dans l'architecture, j'ai réintégré l'industrie du jeu vidéo en rejoignant Kylotonn (ou KT Racing) à Paris. J'y ai travaillé sur deux projets : Tourist Trophy et V-Rally 4. En 2018, j'ai eu l'opportunité de rejoindre Ubisoft Barcelone, marquant ainsi ma première expérience professionnelle à l'étranger. J'ai participé au remaster de Assassin's Creed 3, où nous étions le studio principal, ainsi qu'à la production de Assassin's Creed Valhalla en collaboration avec Ubisoft Montréal et 15 autres studios Ubisoft.


(Image: Assassin's Creed Valhalla)

Enfin, en 2020, j'ai eu la chance de rejoindre les équipes de Ready at Dawn. Ce changement a été particulièrement marquant pour moi, car Ready at Dawn était l'un de mes studios de rêve. Je me souviens encore de mon adolescence, lorsque je jouais à Daxter sur PSP, à God of War: Chains of Olympus, et surtout à The Order: 1886, qui m'avait laissé une impression graphique inoubliable. Cette expérience a aussi été spéciale car elle marquait ma première aventure professionnelle hors d'Europe. Durant mes années chez Ready at Dawn, j'ai pu travailler sur Lone Echo 2 ainsi que sur deux autres projets malheureusement annulés.


(Image: Lone Echo 2)

D'après ton expérience en studio et en tant que freelance, quels sont les différences, avantages et inconvénients de ces deux situations selon toi ?

Tout d'abord, je tiens à préciser que mon expérience en tant que freelance remonte à assez loin, donc certaines choses ont potentiellement changé depuis (je l'espère). Le statut de freelance est assez unique, l'un de ses avantages étant la possibilité de travailler pour plusieurs entreprises simultanément. À l'époque, le statut d'auto-entrepreneur stipulait clairement qu'il était interdit de travailler pour une seule entreprise en tant que freelance, car cela pouvait être assimilé à un CDD ou CDI déguisé. Il faut comprendre qu'un employeur doit payer des charges sociales pour chaque employé en CDD ou CDI, charges qu'il ne paie pas si le travailleur est freelance (clin d'œil).

L'avantage du statut de freelance est de pouvoir se constituer un carnet de clients et d'alterner les missions (généralement entre trois et six mois), ce que j'ai fait à l'époque où je travaillais pour des studios d'architecture. Dans le domaine du jeu vidéo, la situation est un peu plus complexe en raison du temps de production plus long. J'ai donc rapidement choisi de revenir à des contrats CDD ou CDI lorsque j'ai réintégré le secteur du jeu vidéo. En termes d'avantages, avoir plusieurs clients et projets crée un sentiment de renouveau à chaque mission. On travaille constamment sur de nouveaux projets. De plus, étant donné que tu es responsable du paiement de tes taxes (mensuellement ou trimestriellement), tu peux fixer tes tarifs en fonction de tes compétences et du "vrai" prix du marché, sans dépendre d'un salaire fixe et non négociable.

Pour les inconvénients, je dirais que le principal est la gestion administrative. Il faut être méthodique et très bien organisé pour gérer une auto-entreprise, et ne pas hésiter à engager un comptable (c'est important). À mon avis (et cela n'engage que moi), le freelance dans le secteur du jeu vidéo fonctionne assez bien pour les développeurs mobiles (programmeurs) et pour les artistes travaillant sur commande. Pour ceux qui préfèrent évoluer au sein d'une entreprise et s'épanouir sur le long terme, la voie du CDI reste préférable.

Peux-tu nous parler plus en détails de tes différentes expériences d'expatrié lorsque tu es parti vivre dans d'autres pays pour travailler dans le jeu vidéo ? Quelles sont les différences, avantages et inconvénients à travailler dans un autre pays que la France, dans le domaine du jeu vidéo ?

J'ai toujours eu envie de voyager et de découvrir d'autres pays. Alors, quand l'occasion s'est présentée, j'ai tout de suite dit oui. J'ai commencé assez simplement en restant en Europe. Ma première expérience a été avec Ubisoft à Barcelone. C'était vraiment incroyable : la première fois que l'on découvre un nouveau pays, qu'on s'adapte, qu'on apprend une langue, et qu'on se débrouille seul, c'est très formateur. Chez Ubisoft, tout le monde parlait anglais, donc il n'y avait pas de problème de barrière linguistique. Nous avions également des cours d'Espagnol pour ceux qui le voulaient.

Étant donné que l'Espagne fait partie de l'Union européenne, il suffit d'avoir le papier officiel pour pouvoir travailler, être payé, et payer ses taxes (le NIE en Espagne). Tout s'est fait très rapidement et une semaine après mon arrivée, j'étais prêt à travailler. En ce qui concerne le salaire, je dirais qu'il était assez similaire à ce que je pouvais avoir en France (peut-être un peu plus), mais il correspondait bien au coût de la vie à Barcelone.

 
Lorsque j'ai eu l'opportunité de travailler aux États-Unis, les choses sérieuses ont commencé. Travailler aux États-Unis est une histoire totalement différente, avec un processus très long et stressant. Pour simplifier, il faut obtenir un visa de travail pour immigrer. La meilleure option est qu'une entreprise sponsorise votre visa. Mais pour qu'une société investisse de l'argent pour cela, il faut démontrer et prouver que vous avez les compétences nécessaires. Dans le secteur des jeux vidéo et de la tech, il y a principalement deux types de visas : le H1-B et le O-1. Le H1-B est plutôt simple à obtenir, mais il ne dure que trois ans et n'est renouvelable qu'une seule fois pour trois années supplémentaires.

Pour mon profil, Ready at Dawn a choisi de passer par un visa O-1, qui est réservé aux personnes ayant des "capacités extraordinaires". Ce visa peut être renouvelé indéfiniment, mais seulement pour une période d'un an à la fois. Ce type de visa nécessite également de fournir beaucoup de "preuves" de ses compétences (awards, lettres de référence, interviews, articles publiés, etc). Le processus est long (environ six mois) et les avocats qui s'en occupent donnent généralement un avis au début du processus pour déterminer si le candidat a des chances d'obtenir ce visa. Une fois le visa approuvé, il faut se rendre à l'ambassade des États-Unis dans son pays de résidence (les rendez-vous peuvent avoir un délai d'attente de deux à trois mois) pour un entretien avec un agent consulaire, qui décidera si vous êtes autorisé ou non à entrer sur le territoire américain pour y travailler.

Il est important de comprendre que les visas comportent deux papiers : l'autorisation de travailler pour un employeur américain et l'autorisation d'immigrer aux États-Unis, cette dernière étant accordée par l'agent consulaire à l'ambassade. À la fin du processus, on reçoit son passeport avec le visa tamponné à l'intérieur, lequel sera vérifié par les services de douane à l'arrivée dans un aéroport américain. Il est impossible de travailler aux États-Unis sans ce visa.

En ce qui concerne la rémunération, les États-Unis sont complètement à part. Elle peut facilement être deux à trois fois supérieure à celle en Europe. Cependant, il faut prendre en compte que la vie est très chère, notamment en Californie, avec des loyers élevés. Surtout, la santé et tout ce qui concerne le système de soins sont très coûteux et compliqués. On peut facilement penser être couvert alors que ce n'est pas le cas, ce qui peut poser de sérieux problèmes.

(Image : l'intérieur des locaux de Ready at Dawn)

En résumé, je dirais que travailler dans un pays européen est déjà une excellente expérience et sera facilité si vous résidez déjà en Europe. De plus avec le remote qui c'est démocratisé pendant le COVID, il est maintenant assez facile de travailler pour des studios dans le monde entier en restant chez soi en France, par exemple. Pour les États-Unis, c'est un processus long et stressant, mais qui en vaut vraiment la peine, bien que ce ne soit pas adapté à tout le monde.

Quels sont les outils (matériel, logiciels) dont tu as besoin pour travailler ?

Les principaux outils utilisés dans l'industrie incluent généralement des moteurs de jeu bien connus comme Unreal Engine 5 ou Unity. Cependant, un studio peut aussi opter pour un moteur propriétaire. Ubisoft, par exemple, en possède plusieurs, tels que Snowdrop ou Anvil. En ce qui concerne les logiciels, on utilise souvent des programmes standards comme Photoshop pour la création graphique et Da Vinci Resolve pour le color grading.


(Source : image originale sur fxhome.com)

Pour la modélisation 3D, le choix du logiciel dépend des préférences : certains préfèrent 3ds Max, tandis que d'autres optent pour Maya. En matière de versionnement (versioning), Perforce est souvent la référence (dans tous les studios où j'ai travaillé, on utilisait Perforce). Ensuite, il y a les outils de suivi de projet, comme Jira, qui sont utilisés pour suivre les tâches. Généralement, les producteurs et les responsables de projet (leads) se servent de Jira pour créer et suivre les tâches au cours des différentes étapes du développement.

Comment est-ce que tu t'insères dans le processus de création d'un jeu vidéo ?

Cela dépend des studios, mais pour ma part, j'ai toujours rejoint un studio pendant la phase de production. Toutefois, chez Ready at Dawn, j'ai également travaillé durant la pré-production. Mon rôle consistait à assister l'équipe de développement visuel (Viz-Dev) en créant différentes ambiances et en les aidant à trouver le lighting qui serait utilisé pour notre beautiful corner. Ce beautiful corner est un petit niveau incluant des assets et un éclairage presque final, conçu pour donner une idée du look final du jeu.

J'ai aussi contribué au développement de diverses fonctionnalités de notre moteur, en collaboration avec notre équipe de programmeurs, que ce soit sur notre moteur propriétaire ou sur Unreal Engine. Pendant la pré-production, des réunions sont organisées entre les différents groupes de travail (level design, moteur, Viz-Dev, etc) pour partager l'avancement de chacun. En ce qui concerne la collaboration, de manière générale, un lighting artist doit interagir avec presque toutes les équipes : concept, environnement, design, et programmation. Nous intervenons dès le début pour faire une première passe de lighting, permettant ainsi aux artistes de travailler sur de bonnes bases, et nous restons impliqués jusqu'à la fin, lorsque plus personne ne touche à rien, sauf nous, pour le polish et l'optimisation des niveaux.


(Image: Assassin's Creed Valhalla)

Travailles-tu de manière rapprochée avec d'autres corps de métier ? Si oui, lesquels ?

Comme mentionné précédemment, le lighting dépend de nombreux autres corps de métier :
  • Les concept artists nous fournissent les premiers éléments visuels. Il peut y avoir des discussions sur certains aspects (couleurs, moment de la journée, apparence générale de l'image), car un concept peut bien fonctionner en 2D, mais moins en 3D. Dans ces cas-là, nous participons aux discussions pour donner notre avis ou faire des retours.
  • Les artistes 3D et d'environnement travaillent sur les niveaux que nous allons éclairer. Nous sommes donc en contact fréquent avec eux, et dès qu'une mise à jour est disponible sur un niveau ou qu'une pass de lighting est nécessaire, ils nous en informent. Pour garantir la cohérence de l'éclairage sur un niveau entier, nous signalons également aux artistes d'environnement si un shader semble étrange, réagit mal à l'éclairage, ou si un asset présente un problème.
  • Les level designers travaillent sur la façon dont le joueur est censé se comporter dans un niveau. Nous collaborons souvent avec eux pour que l'éclairage guide le joueur vers le chemin souhaité par le level designer ou pour mettre en valeur des parties importantes du niveau.
  • L'équipe de programmeurs est notre point de contact si nous souhaitons développer une nouvelle fonctionnalité ou en améliorer une existante. Cela implique un suivi régulier avec eux et des tests des nouvelles fonctionnalités avant leur intégration définitive.

A quoi ressemble une journée de travail pour toi ?

Une journée de travail typique est assez banale. La plupart du temps, nous commençons par une réunion de l'équipe lighting, où nous faisons le point sur les projets en cours, discutons des éventuels problèmes rencontrés, et planifions nos prochaines tâches. Certains jours, nous avons aussi des réunions avec d'autres groupes de travail, comme pour moi, avec l'équipe Viz-Dev. Lors de ces réunions, nous partageons l'avancement de chacun, discutons des étapes à venir, abordons les difficultés rencontrées, ainsi que les petites victoires que nous avons eues, ce qui est toujours agréable.

Nous planifions également les prochaines étapes pour nous assurer que les échéances (deadlines) seront respectées. Ensuite, environ 80 % de ma journée est consacrée au lighting : je travaille sur l'éclairage des niveaux, j'aide mes collègues en cas de besoin, je donne des retours (feedbacks), j'avance sur mes tâches dans Jira, et je fais régulièrement un point avec mon lead pour vérifier si nous sommes dans les délais et pour voir si lui ou moi avons besoin d'assistance sur certains aspects.

Qu'est-ce que tu aimes le plus à propos de ton boulot ?

Ce que j'apprécie le plus dans mon travail, c'est avant tout l'aspect partage et collaboration avec les équipes. C'est une dimension que j'adore vraiment. Discuter avec les autres, chercher des solutions ensemble, se donner à fond pour pousser le projet au maximum, c'est très motivant. En tant que lighting artist, un des aspects les plus gratifiants, c'est d'intervenir en dernier sur un niveau. Une fois que les artistes ont terminé leur travail, nous venons peaufiner l'éclairage. C'est toujours un plaisir de voir l'enthousiasme des équipes lorsqu'elles découvrent le résultat final.

Quels sont tes jeux préférés, si tu en as ? Qu'est-ce qui t'intéresse ou te plaît le plus, dans les jeux vidéo, en tant que joueur ?

J'apprécie plusieurs types de jeux, mais je dirais que mes deux préférés sont les JRPG (comme Final Fantasy) et les jeux solo narratifs. Étant donné que j'ai peu de temps pour jouer, j'aime bien les jeux qui durent entre 30 et 35 heures. Ce que je recherche avant tout, c'est une bonne histoire et un gameplay de qualité. Je prends autant de plaisir à jouer à Stardew Valley qu'à Final Fantasy 16.

J'aime aussi découvrir des jeux différents, notamment ceux qui viennent des studios indépendants ou plus petits, en dehors des grosses productions AAA. C'est souvent là qu'on trouve des concepts de gameplay plus originaux. Il est aussi important de se tenir informé des tendances et de voir ce qui fonctionne dans l'industrie.

À quoi ressemble l’avenir du jeu vidéo, selon toi ?

C’est vraiment pas facile comme question. Le secteur traverse une grosse crise en ce moment. Les jeux coûtent hyper cher à produire. Du coup, les objectifs de vente sont énormes pour couvrir les frais de développement. Les licenciements s’enchaînent dans l’industrie et ça risque de continuer encore un moment. Je pense par contre que les studios indépendants ont une belle carte à jouer et que ce sont eux qui représentent l’avenir du jeu vidéo. Des studios qui ne dépendent pas des grosses boîtes ou des géants du secteur.

As-tu une recommandation culturelle du moment (jeu vidéo, film, musique...) ?

Je le dis à tout le monde : si vous vous intéressez au cinéma, au lighting ou aux VFX (visual effects), The Creator est un film à voir absolument, comme tous les films de Gareth Edwards d’ailleurs. C’est un réalisateur incroyable et son travail m’a énormément inspiré.


(Source : IGN.com)

Côté jeux vidéo, je joue en ce moment à Astro Bot, et c’est vraiment dingue. Ce titre rend hommage à l’univers du jeu vidéo dans son ensemble. Tu as l'impression de jouer à un jeu de quand on était petit mais mis au goût du jour.


(Source : thepixelpost.com)

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaiterais ajouter ? Un conseil ? Un message pour nos lecteurs ?

Il faut être curieux, surtout dans ce métier, ou dans n’importe quel domaine artistique. Toujours se tenir à jour, éduquer son regard, regarder plein de choses (films, séries, artworks, expos). Tout ça aide énormément à se construire une petite bibliothèque mentale qui servira dans vos créations. Ne soyez pas trop déçu de ce que vous faites. Ça m'a pris du temps pour comprendre que, pour les projets personnels, ce n’est pas grave si le résultat n’est pas à la hauteur de ce que j'avais imaginé. L’important, c’est que j'apprends des choses qui m’éviteront de refaire les mêmes erreurs sur le prochain projet. Restez toujours ouvert et prêt à être critique envers votre travail. C'est ça qui vous rendra meilleur en tant qu'artiste.
Si ce type d'article vous intéresse et que vous avez envie d'en lire plus, vous pouvez retrouver la liste complète des interviews sur l'article général de la série "Kifékoi".
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