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Un Rédacteur Factornews vous demande :

ARTICLE

Interview avec Exaheva, directrice artistique sur Wednesdays

Fougère par Fougère,  email  @JeSuisUneFouger
 
En plus de notre test de Wednesdays, nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec Exaheva, sa directrice artistique. On parle de BD, de Wednesdays et du processus de création d'un projet aussi particulier.

Bonjour Exaheva ! Avant d’entrer dans le vif du sujet, est-ce que tu pourrais te présenter toi et ton parcours ? T’es active sur Internet depuis quelques années, donc t’as eu le temps de faire plein de petits projets.


Exaheva : Ouep, et même pas que des petits projets ! Je m'appelle Exaheva et je suis principalement dessinatrice de bandes dessinées mais je suis un peu multi-casquette. J’ai sorti une BD papier en quatre tomes qui s’appelle Mekka Niki, éditée chez Les Humanoïdes Associés, et en parallèle, j’ai aussi sorti une bande dessinée numérique sur Steam, Still Heroes. C’est une BD interactive qui se lit uniquement sur écran, qui va jouer avec l’aspect numérique du support. Je fais aussi de la musique à côté. Bref, je fais plein de choses.


D’ailleurs, en me penchant sur ton travail, j’ai vu que tu avais fait plein de petits comics interactifs très courts ?


Exaheva : Exactement. C’est quelque chose qui m'intéressait déjà pendant mes études. Donc, j’ai créé plein de petites expériences interactives en BD, qui ont mené à Still Heroes dans un plus long format. Mais c’est aussi une des raisons qui font que Pierre Corbinais, l’écrivain de Wednesdays, m’a contacté pour travailler sur le projet.

Tu me fais une super transition pour ma prochaine question : dans une des interviews que Pierre a donnée, il dit que c’est toi qui a suggéré d’utiliser deux styles graphiques très différents (BD dessinée à la main et pixel art). Ça veut dire que tu as rejoint le projet super tôt ?


Exaheva : Oui, effectivement. À la base, Pierre avait fait un petit prototype sur Ink, avec des dessins en “bonhomme bâton”. Il m’a contacté pour qu’on travaille sur une scène complète à présenter à ARTE pour trouver le financement du reste du projet, en 2022. On ne savait pas à quoi allait ressembler le reste du jeu, aucune autre scène ni la partie gestion du parc n’avaient été réalisées.

Donc tu as participé à réaliser le prototype qui a servi à financer le reste du jeu, concrètement ?


Exaheva : C’est ça. Pierre avait déjà un plan, il savait très bien ce qu’il voulait faire comme jeu, il avait écrit les scènes et les dialogues étaient très avancés. C’est lui qui a décidé qu’on utiliserait la première scène que le joueur voit, avec la grand-mère, pour le pitch à ARTE. C’est aussi la scène dont on s’est servi pour faire beaucoup de tests visuels, de recherche sur la DA (NDLR : Direction Artistique), etc.

Je vais sauter quelques questions, mais ta réponse me donne une ouverture : d'où est venue l’idée de remplacer les visages par des cubes ? Est-ce que c’était présent dès le début ou bien c’est venu pendant la production ?


Exaheva : Ça, c’était une idée de Pierre au départ et c’était dans le pitch original. Ses éléments de départ étaient : une histoire qui parle d’inceste, et ceux qui ont été affectés ont des têtes remplacées par des cubes. Par contre, j’ai eu comme mission de créer les cubes, afin qu’on puisse les différencier les uns des autres. Ils devaient à la fois correspondre à leur personnalité, et aussi un peu à leur manière de digérer ce trauma.

Pierre a expliqué en interview qu’il  a eu l’idée initiale parce qu’il était concerné par le problème, tout comme Christophe, le programmeur sur le jeu. Mais qu’est-ce qui t’a convaincue toi de t’embarquer sur le projet ? Est-ce qu’il a eu besoin de te le vendre, vu le sujet ?


Exaheva : J’ai dû pas mal réfléchir avant de m’engager, et j’ai beaucoup hésité à cause du sujet traité. Comme je ne suis pas concernée comme peut l’être Pierre, je me demandais si j’était prête à porter cette idée. J’appréhendais aussi la manière dont les gens allaient la recevoir, et puis petit à petit, j’ai réalisé que pour tout ce qui est lié à la question de la représentation des scènes un peu sensibles, je pouvais faire confiance à Pierre. Il a ce vécu, cette sensibilité, et je le connaissais longtemps avant qu’il me contacte pour travailler sur Wednesdays. Je savais qu’il était capable de traiter ça avec beaucoup de précautions, de douceur et de prévenance. En plus, ça faisait longtemps qu’on avait envie de faire un jeu ensemble. L’occasion était superbe, donc j’ai dit oui. Et j’ai voulu donner au projet tout mon savoir-faire, sur la mise en scène, la direction artistique, le design, etc.

Tu mentionnais que Pierre et toi vous connaissiez d’avant, et comme j’ai fait mes petites recherches, je me suis demandé comment t’avais vécu le fait de voir le compte Twitter de l’Oujevipo reprendre vie pour parler de ton travail ?


Exaheva : Ça m'a fait plaisir ! Surtout que j’ai connu Pierre quand il a parlé de mon travail sur l’Oujevipo en 2011. C’était donc il y a longtemps. Mais on a gardé le contact, il était intéressé par mon travail et il a suivi le développement de Still Heroes d’assez prêt. Donc, ça m’a fait très plaisir qu’il me propose de travailler avec lui, surtout sur ce projet très personnel qui était son premier “gros” projet à lui.

En parlant de ça, vous étiez cinq-six personnes à travailler sur Wednesdays ?


On a été six sur la grosse majorité du projet et une septième personne s’est ajoutée à la fin pour aider à la programmation.

Et pour toi, c’était la première fois que tu travaillais dans une équipe aussi “grosse” ?


Exaheva : Oui, exactement. On a travaillé ensemble pendant un an, un an et demi, et j’ai trouvé ça super, j’ai beaucoup aimé. Ça fait dix ans que je travaille avec un dessinateur qui s’apelle Felix Laurent, avec qui j’ai fait la série Mekka Niki, donc j’ai l’habitude du travail collaboratif. Sur Wednesdays, ça s’est super bien passé parce que tout le monde était très au point, savait ce qu’il fallait faire, était efficace, donc tout a très bien roulé. De mon côté, j’ai surtout travaillé avec Pierre directement. Je faisais partie d’une équipe, et voir tout le monde progresser sur ses parties créait une émulsion très agréable, mais on ne se marchait pas sur les pieds.

Donc tu n’as pas eu besoin de particulièrement te coordonner avec Nico Nowak, qui s’occupait de la partie pixel art ?


Exaheva : Non, pas vraiment. Comme tu le disais au début, Pierre voulait une personne sur la partie "parc" et une autre sur la partie “scènes de vie”, mais toutes les deux dans un style BD propre. Mais je lui ai expliqué qu'avoir deux paradigmes différents qui se recoupent au niveau du style, ça n’allait pas aider à la compréhension immédiate de la situation : on joue un joueur qui joue à un jeu et se remémore des souvenirs pendant sa partie. Réussir à faire comprendre ce degré de narration au joueur avec deux styles de BD différents était difficile, là où une séparation pixel art / BD dessinée à la main était beaucoup plus évidente. C’est là qu'on a pensé à Nico, dont je connaissais le travail de loin. Et on n'a pas beaucoup travaillé ensemble. Le seul point sur lequel on s’est accordé, c’est sur la gamme de couleurs limitée qu’on a utilisée pour la bichromie et qui faisait le liant entre le parc et les scènes.

T’as fait de la BD, des comics interactifs, des jeux vidéo. Qu’est-ce qui te ferait travailler sur un medium plutôt que l’autre ?


Exaheva : Ils ont tous des forces et des faiblesses, mais pour moi le gros problème du numérique interactif, c’est le temps de travail et la complexité de la mise en place. Pour faire un jeu de deux heures, il a fallu une équipe de six personnes à presque plein temps pendant plus d’un an, là où une BD, c’est un projet que tu peux mener facilement en solo. C’est beaucoup plus simple, ça demande moins d’argent et il y a moins de problèmes pour faire une BD papier. J’adore les jeux vidéo, mais je ne sais pas si j’aurais le courage de diriger un jeu moi-même. Pour Still Heroes par exemple, un pote s’est occupé de la programmation pendant que je prenais en charge du reste du projet. Eh bien, c’était déjà long et compliqué, en plus d’être difficile à faire financer. Ça a renforcé le côté agréable de travailler en équipe sur Wednesdays, avec Pierre ou Florent qui géraient tout l'administratif, ça m’a permis de me concentrer sur mon travail.

Du coup, tu ne serais pas contre travailler sur des projets du genre de Wednesdsays, mais pas en tant que Lead ?


Exaheva : Si, mais il faudrait que je sois en Lead avec d'autres gens, je ne veux pas être seule à la tête d’une équipe. Porter un projet, je trouve ça trop chronophage, et je déteste avoir l’impression de perdre du temps quand je suis sur quelque chose de pas créatif. Mais j’ai conscience que ça fait partie des contraintes de ce genre de projets, et qu’il y a besoin de gens pour s’en occuper.


En parlant de contraintes, le fait que tu ne puisses pas limiter le type d’écran où le jeu serait joué (ordinateur, Steam Deck, télévision) a été un élément important dans ton travail et celui de Nico en terme de format ?


Exaheva : Pas tellement. On visait le PC de base et on n'a toujours pas prévu de portage sur d'autres plateformes pour le moment, je crois. On est partis sur une résolution classique, et je me suis dit “pas grave, il y aura des barres si des gens y jouent sur du widescreen”. Et comme c’est du dessin à la main en 2D, je n'avais pas énormément de marge de manoeuvre pour l'adapter à plein de formats d'écran, contrairement à ce qui se serait passé si on avait travaillé dans un environnement 3D.

Et pour terminer, Pierre a clairement exprimé sa volonté de faire un jeu très simple à prendre en main. Est-ce que ça a eu un impact sur ton processus créatif ?


Exaheva : Pas vraiment, mais c’est parce que ce sont des questions que je me posais déjà en faisant de la BD. S’assurer que le spectateur puisse comprendre une scène en un coup d'œil est très important, donc mon plus gros challenge, ça a été le design des personnages. Réussir à les reconnaître, et surtout à savoir grossièrement quels âges ils ont dans les différents souvenirs. Surtout quand le visage est remplacé par un cube, que le jeu n’est pas chronologique et qu’il y a beaucoup de personnages différents. C’était ardu, et c’est ce qui m’a le plus fait réfléchir. J’ai même embêté Pierre avec ça. En lui demandant d’ajouter des petits bouts de dialogues, je pouvais être sûr que le joueur avait d'autres références, et qu’il pouvait faire le lien entre les différents personnages à mesure qu’ils grandissent.
Merci à Exaheva d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. On vous encourage tous à aller lire notre test de Wednesdays et même à jouer au jeu !
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