Dante's Inferno
Dante's Inferno, c'est l'histoire d'un mec qui, lors d'une virée entre potes, a trempé sa nouille là où il n'aurait pas dû, et qui ensuite rentre chez lui pour voir sa meuf partir dans les bras d'un grand black. Il va donc se farcir un à un tous les étages de la cité pour aller récupérer sa donzelle et dans la foulée péter les dents du mec qui la lui a piqué. Si vous voulez la version non-caricaturale, vous remplacez "virée entre potes" par "croisade", "grand black" par "Lucifer", "cité" par "Enfer" et "tremper sa nouille" par... ah ben non, ça, ça change pas.
Dante's Inferno est l'adaptation vidéoludique de la Divine Comédie, et plus précisément de son premier acte, la descente aux Enfers de Dante. Ce background a au moins le mérite d'être franchement original, et permet aux designers de s'en donner à cœur joie. La représentation des neuf cercles de l'Enfer est en effet l'un des gros points forts du jeu, et les neuf "niveaux" que comprend le jeu sauront vous mettre plus d'une fois mal à l'aise : lacs de sang en ébullition dans lesquels des mains tentent de vous attirer, montagnes de corps damnés se lamentant, rivières de lave, traversée du Styx, perspective sur de gigantesques et sinistres environnements, tout est vraiment travaillé et sur ce plan il n'y a pas grand chose à redire, on avance dans le jeu sans sentiment de redite. Allez, on pourra quand même critiquer les deux derniers cercles bien bâclés (une arène grise toute moche copiée-collée dix fois de suite ? Sérieusement ?), mais comme c'est sûrement à ce moment-là que les petits gars de Visceral ont appris qu'ils allaient pointer au chômage, on ne peut pas trop leur en vouloir d'avoir salopé le boulot sur la fin. Les ennemis ne sont pas en reste et vous croiserez sur votre chemin un sacré paquet d'atrocités : bébés faucheurs, donzelles avec une espèce de grande tentacule qui leur pousse entre les jambes, gros tas de graisse qui vous vomiront et défèqueront sur la tronche... Amis du bon goût, passez votre chemin.
La partie technique parvient à soutenir le design sans soucis : le moteur est solide et si techniquement il n'y a rien d'extraordinaire et qu'il vaut mieux éviter d'aller coller son nez sur les personnages, l'ensemble reste tout à fait plaisant et tourne à la perfection, sans jamais accuser le moindre ralentissement. On pourra en revanche pointer du doigt une caméra qui ne permet pas toujours de se situer idéalement par rapport au décor. La bande-son n'est pas en reste : les bruitages d'ambiance notamment parviennent à renforcer l'aspect malsain de cet univers, les musiques donnent un petit cachet de grandiose quand le besoin s'en fait sentir, et les voix... ah, les voix... Disons que pour que le jeu conserve un minimum de crédibilité, il vous faudra passer la console en anglais. Dante's Inferno comporte de nombreuses scènes cinématiques : certaines sont réalisées avec le moteur du jeu, d'autres sont en CG et sont réellement magnifiques, et les flashbacks sont représentés sous forme de petits dessins animés tout laids qui viennent un peu plomber l'ambiance. Vraiment EA, il va falloir arrêter ce genre de chose, on vous l'avait déjà dit à la sortie de Mirror's Edge.
Maintenant qu'on a vu ce qu'il y avait à voir, penchons-nous sur ce qu'il y a à jouer. Il serait sûrement cruel de parler de copie carbone ou de plagiat de God of War, mais ne pas voir la montagne de similarités entre le titre de Visceral et celui de Sony serait faire preuve d'une sacré dose de mauvaise foi. Tout, absolument tout semble repris des aventures de Kratos : la maniabilité, le timing des coups, les combinaisons de touches pour déclencher les combos, les QTE lors des mises à morts des ennemis, les sources de vie et de mana, la collecte d'âmes, et j'en oublie sûrement, on ne peut pas dire que les gens de Visceral se soient vraiment creusés la tête très longtemps sur tous ces points. Alors bien sûr, quitte à copier, autant le faire sur le premier de la classe, mais il aurait quand même été bienvenu de tenter de camoufler un peu son méfait.
Bon, soyons honnêtes, le jeu propose quand même quelques petites idées originales, et notamment une évolution du personnage plutôt bien pensée. Les pouvoirs à débloquer sont répartis sur deux "arbres", l'un Sacré, l'autre Impie, chacun découpé en sept niveaux. Pour débloquer ces niveaux, vous pourrez, au moment de mettre à mort un ennemi, choisir de le punir ou de l'absoudre de ses pêchés. Selon votre choix, vous gagnerez des points de Sacré ou d'Impie, qui permettront de débloquer un par un les niveaux sur l'arbre correspondant. Une fois un niveau débloqué, vous pouvez investir les âmes collectées sur les ennemis dans les pouvoirs de cet étage, certains n'étant accessibles qu'en ayant acheté un autre pouvoir au préalable. On trouve dans cet arbre un peu de tout, nouveaux combos, augmentation des jauges de vie ou de mana, nouveaux sorts ou améliorations de ceux-ci. Vous croiserez lors de votre périple des damnés célèbres, que vous pourrez là aussi choisir d'absoudre ou de punir. Dans le premier cas, il vous faudra vous coltiner une sorte de mini rythm game sans musique tout naze afin de tenter de récupérer un maximum d'âmes. Certes, ça change un peu du bourrinage de tronches, mais ce n'est quand même pas très heureux.
Côté équipement, Dante a à sa disposition une faux, piquée à la Mort lui-même, qui permettra de faire le ménage en virevoltant et en tranchant les membres des rangs adverses, mais également la croix de Béatrice, qui fera office d'arme à projectiles, bien pratique pour tenir les excités à distance ou dégommer une saloperie de volatile. Et c'est tout. Certes, au fur et à mesure de votre progression, vous débloquerez de nouvelles attaques et de nouveaux combos dévastateurs, mais deux armes, c'est quand même un peu léger pour un beat 'em all. Et il ne faut pas trop compter sur la magie, tant les quelques sorts que Dante récupèrera lors de son périple sont globalement tout mollassons.
C'est d'ailleurs ce qu'on peut dans l'ensemble reprocher à ce Dante's Inferno. Mou n'est peut-être pas le terme qui convient réellement, car le jeu propose finalement de bonnes bagarres et des affrontements contre des boss parfois vraiment impressionnants (notamment Minos ou Cerbère) et une bonne dose d'ultra-violence avec des démembrements, des corps coupés en deux et litres de sang (ou tout autre fluide corporel assimilé) déversés. Les phases de plateforme ou les quelques "énigmes" avec de très gros guillemets permettent de se reposer un peu les doigts, même si l'on peut s'interroger sur la présence de leviers à tirer ou à tourner en Enfer.
Non, finalement, ce qu'on peut reprocher à Dante's Inferno, c'est peut-être un petit manque d'envergure, d'envie d'aller jusqu'au bout. Certes, la partie visuelle assure le spectacle avec une vision tout à fait originale de l'Enfer, mais la construction des niveaux reste finalement très plan-plan. Les boss sont souvent impressionnants mais les troufions de base ont un peu trop tendance à tous se ressembler d'un cercle à un autre. Et surtout, Dante est finalement l'un des personnages les moins charismatiques qu'on ait eu l'occasion de diriger dans un jeu vidéo, sûrement à égalité avec Isaac Clarke de Dead Space (des problèmes pour créer des héros accrocheurs, messieurs de Visceral ?) : on parle d'un type qui colle une fessée à la Mort, qui va descendre un à un les neuf cercles de l'Enfer et affronter une armée de démons, mais au final on a l'impression de diriger un môme pleurnichard qui ne cesse de répéter qu'il ne comprend pas. Sans en faire un héros aussi badass, poseur et fort en gueule qu'un autre Dante, celui de Devil May Cry, on n'aurait quand même pas été contre le fait d'incarner un personnage un peu moins impersonnel.