ACTU
Pour Denuvo faisceaux / Pour Denuvo soleils
par CBL,
email @CBL_Factor
Le piratage des jeux sur ordinateur a quasiment coincidé avec leur création. Sur Amiga 500, les choses ont pris une ampleur délirante. Parlez d'X-Copy à n'importe qui ayant possédé un Amiga 500 et vous le verrez probablement faire un large sourire. Les développeurs ont donc commencé à implémenter des protections pour leurs jeux.
Certains ont utilisé des solutions matérielles en demandant au joueur de consulter le manuel à une certaine page ou d'utiliser un accessoire spécial comme la fameuse roue de Secret Of Monkey Island. D'autres ont utilisé des solutions logicielles comme Copylock. Dans les deux cas, ces protections étaient cassées par des groupes comme Razor 1911. Ces groupes adoraient signer leurs versions pirates en ajoutant une petite intro. Certaines intros sont devenues tellement évoluées qu'elles ont fini par devenir des applications à part entière donnant ainsi naissance aux démos.
La guerre entre les pirates et les éditeurs s'est nettement intensifiée avec l'arrivée des jeux sur CD-Rom. Des petits malins se sont rapidement rendus compte qu'on pouvait faire la même chose qu'avec les disquettes à savoir copier tout le CD sur le disque dur puis se passer totalement du CD. Les jeux ont donc commencé à vérifier la présence du CD dans le lecteur via des moyens rudimentaires. Peu après, les éditeurs se sont alors mis à imposer les clés CD. C'était surtout utile pour les jeux en ligne : des serveurs comme le Won.net de Valve vérifiaient l'unicité d'une clé sur Internet.
Pour le commun des jeux, c'était totalement inutile. La plupart du temps, le master d'un jeu n'était pas vraiment lié à sa clé mais contenait juste un algorithme qui vérifiait la validité de cette dernière. Les clés sont devenues de plus en plus longues afin que la rétroingénierie sur ces algo soit de plus en plus dure mais en contrepartie les processeurs devenaient aussi de plus en plus rapides... Le piratage a pris une tournure industrielle grâce à deux élements : la démocratisation des graveurs de CD-Rom et celle des connexions Internet haut débit.
Des studios comme Stardock ont fini par abandonner totalement les protections en réalisant qu'il valait mieux perdre quelques exemplaires d'un jeu que de se fâcher avec ses fans. Pendant ce temps, l'escalade a continué avec l'apparition des DRM, le plus connu étant SecuRom. Le principe consiste à activer un jeu authentifié par sa clé CD sur un serveur distant. Le nombre d'activations est limité et il faut utiliser un outil pour pouvoir récupérer une activation. Bien entendu, si sa connexion Internet tombe ou que le serveur est en rade, on est marron, ce qui absurde pour un jeu solo copié à partir d'un disque physique original. Certains DRM sont encore plus vicieux et vérifient le jeu à chaque lancement voir en permanence pendant que le jeu tourne. Le piratage n'était pas la cible unique des DRM : le marché de l'occasion était aussi visé. Comme les magasins ne pouvaient pas savoir si un jeu avait été désactivé ou non, ils ont progressivement arrêté de reprendre les jeux protégés de cette manière.
Le marché de l'occasion a donc quasiment disparu mais les pirates restent actifs. Les jeux avec DRM finissent invariablement par être crackés et pourtant la protection est assez balaise. Elle consiste à générer un exécutable propre à chaque utilisateur et à le lier à son compte. L'exécutable vérifie alors que le client (Steam par exemple) est lancé et connecté au bon compte (même en mode offline). La solution pour les éditeurs s'appelle Denuvo. Développé par des anciens de SecuRom, Denuvo empéche le debugging, la modification et la rétroingénierie des exécutables d'un jeu. Le but est de protéger les fameux DRMs. Sans DRM, Denuvo ne sert à rien. C'est un peu une protection de protection.
Des jeux récents l'utilisent. FIFA 13 a mis 13 jours à être cracké. Il en a fallu 46 pour FIFA 14. FIFA 15 n'a toujours pas été cracké après près de 90 jours. Lords Of The Fallen résiste toujours. Dragon Age Inquisition est tombé en un mois. Personne ne sait exactement comment la protection fonctionne. On a supposé pendant un temps que la protection passait son temps à s'auto-réécrire mais ce n'est pas le cas. Il est maintenant suggéré que la protection utilise un cryptage à base de clé de 64 bits générée à partir du matos présent sur la bécane. Paradoxalement, le succès récent de Denuvo est aussi un problème : plus une protection est populaire chez les éditeurs et plus il y aura de monde pour essayer de la casser. L'avantage de la solution de Denuvo est qu'ils peuvent facilement améliorer leur protection en utilisant par exemple une clé de 128 bits. On avait l'habitude de dire que l'important n'est pas tant qu'une protection soit inviolable mais qu'elle tienne au moins pour le lancement du jeu, là où les ventes les plus importantes se font. La distribution numérique et les soldes massives ont changé la donne car les jeux ne disparaissent plus vraiment des rayons. Ce que les éditeurs appellent le "back catalogue" se vend très bien.
L'autre moyen de protéger son jeu tout en s'en mettant plein les poches au passage est de vendre du DLC. A chaque fois que les éditeurs sortent du DLC, ils reprennent un peu d'avance sur les pirates quand ils ne laissent tout simplement pas tomber quand le contenu est trop fréquent. L'autre solution est le free to play. Le jeu de base est déjà "gratuit" et tout repose sur des échanges clients/serveurs pour acheter du contenu. On aurait pu penser que les MMO étaient à l'abri du piratage mais les pirates sont allés jusqu'à créer des serveurs non-officiels pour World Of Warcraft par exemple afin de jouer sans payer l'abonnement. Déporter une partie des calculs sur le cloud (Titanfall) ou sauvegarder les parties uniquement côté serveur (Diablo 3) est aussi une solution mais impose d'être tout le temps connecté ce qui est triste pour un titre qui peut être joué en solo. On pourrait aussi mentionner le streaming où le piratage est impossible vu que l'utilisateur n'a accès qu'à un flux vidéo.
Mais au final le piratage sur PC est en voie d'extinction principalement grâce à Steam. L'abondance du catalogue, les nombreux aspects pratiques du client et les soldes quasi-permanentes font que les joueurs ne ressentent plus le besoin de pirater. Avec l'explosion du nombre de jeux et la multiplication des studios de dev indies, les éditeurs ont maintenant un ennemi bien pire que le piratage et l'occasion : la concurrence féroce.
Les années 80
Certains ont utilisé des solutions matérielles en demandant au joueur de consulter le manuel à une certaine page ou d'utiliser un accessoire spécial comme la fameuse roue de Secret Of Monkey Island. D'autres ont utilisé des solutions logicielles comme Copylock. Dans les deux cas, ces protections étaient cassées par des groupes comme Razor 1911. Ces groupes adoraient signer leurs versions pirates en ajoutant une petite intro. Certaines intros sont devenues tellement évoluées qu'elles ont fini par devenir des applications à part entière donnant ainsi naissance aux démos.
La guerre entre les pirates et les éditeurs s'est nettement intensifiée avec l'arrivée des jeux sur CD-Rom. Des petits malins se sont rapidement rendus compte qu'on pouvait faire la même chose qu'avec les disquettes à savoir copier tout le CD sur le disque dur puis se passer totalement du CD. Les jeux ont donc commencé à vérifier la présence du CD dans le lecteur via des moyens rudimentaires. Peu après, les éditeurs se sont alors mis à imposer les clés CD. C'était surtout utile pour les jeux en ligne : des serveurs comme le Won.net de Valve vérifiaient l'unicité d'une clé sur Internet.
Les années 90
Pour le commun des jeux, c'était totalement inutile. La plupart du temps, le master d'un jeu n'était pas vraiment lié à sa clé mais contenait juste un algorithme qui vérifiait la validité de cette dernière. Les clés sont devenues de plus en plus longues afin que la rétroingénierie sur ces algo soit de plus en plus dure mais en contrepartie les processeurs devenaient aussi de plus en plus rapides... Le piratage a pris une tournure industrielle grâce à deux élements : la démocratisation des graveurs de CD-Rom et celle des connexions Internet haut débit.
Dans le premier cas, je ne saisis toujours pourquoi les graveurs de CD (puis de DVD) ont été vendus au grand public, parfois par les mêmes entreprises (type Sony) qui luttaient contre le piratage. Les connexions haut débit ont permis de partager des CD puis des DVD entiers sous forme d'images disque. Les protections ont donc commencé à vérifier que non seulement il y avait un disque dans le lecteur mais qu'en plus ce n'était pas une copie ou une image montée. Ainsi sont nés les SecuRom, les Tagès, les SafeDisc, les StarForce... Les grands perdants de cette bataille entre les pirates et les éditeurs étaient les joueurs honnêtes car toutes ces protections causaient des soucis pour lancer des jeux achetés légalement. Cela allait des clés CD mal imprimées à des jeux qui refusaient de se lancer car la protection n'était pas compatible avec leur environnement matériel et/ou logiciel.
Les années 2000
Des studios comme Stardock ont fini par abandonner totalement les protections en réalisant qu'il valait mieux perdre quelques exemplaires d'un jeu que de se fâcher avec ses fans. Pendant ce temps, l'escalade a continué avec l'apparition des DRM, le plus connu étant SecuRom. Le principe consiste à activer un jeu authentifié par sa clé CD sur un serveur distant. Le nombre d'activations est limité et il faut utiliser un outil pour pouvoir récupérer une activation. Bien entendu, si sa connexion Internet tombe ou que le serveur est en rade, on est marron, ce qui absurde pour un jeu solo copié à partir d'un disque physique original. Certains DRM sont encore plus vicieux et vérifient le jeu à chaque lancement voir en permanence pendant que le jeu tourne. Le piratage n'était pas la cible unique des DRM : le marché de l'occasion était aussi visé. Comme les magasins ne pouvaient pas savoir si un jeu avait été désactivé ou non, ils ont progressivement arrêté de reprendre les jeux protégés de cette manière.
L'évolution finale du DRM a été principalement guidée par la distribution numérique. En plus de devoir activer un jeu en ligne, la clé CD ainsi activée devenait liée pour toujours à un compte utilisateur. Ainsi sont nés Uplay, Steam et Origin. Comme pour Stardock, des distributeurs comme Good Old Games ou Humble Bundle ont fait de l'absence de DRM dans leurs jeux un argument marketing. On note qu'aucun des ces distributeurs n'autorise la revente de jeux numériques. Une des rares sociétés à avoir tenté le coup est Green Man Gaming qui permet de refourguer les titres dont on ne veut plus en échange d'un crédit utilisable pour acheter d'autres jeux GMG. A condition que les titres en question n'aient pas besoin d'être activés sur Uplay, Steam ou Origin... On rappelle aussi qu'un bon paquet de jeux Steam ne contient pas de DRM. Contrairement à la légende, utiliser Steamworks n'impose pas d'utiliser le DRM de Steamworks.
Les années 2010
Le marché de l'occasion a donc quasiment disparu mais les pirates restent actifs. Les jeux avec DRM finissent invariablement par être crackés et pourtant la protection est assez balaise. Elle consiste à générer un exécutable propre à chaque utilisateur et à le lier à son compte. L'exécutable vérifie alors que le client (Steam par exemple) est lancé et connecté au bon compte (même en mode offline). La solution pour les éditeurs s'appelle Denuvo. Développé par des anciens de SecuRom, Denuvo empéche le debugging, la modification et la rétroingénierie des exécutables d'un jeu. Le but est de protéger les fameux DRMs. Sans DRM, Denuvo ne sert à rien. C'est un peu une protection de protection.
Des jeux récents l'utilisent. FIFA 13 a mis 13 jours à être cracké. Il en a fallu 46 pour FIFA 14. FIFA 15 n'a toujours pas été cracké après près de 90 jours. Lords Of The Fallen résiste toujours. Dragon Age Inquisition est tombé en un mois. Personne ne sait exactement comment la protection fonctionne. On a supposé pendant un temps que la protection passait son temps à s'auto-réécrire mais ce n'est pas le cas. Il est maintenant suggéré que la protection utilise un cryptage à base de clé de 64 bits générée à partir du matos présent sur la bécane. Paradoxalement, le succès récent de Denuvo est aussi un problème : plus une protection est populaire chez les éditeurs et plus il y aura de monde pour essayer de la casser. L'avantage de la solution de Denuvo est qu'ils peuvent facilement améliorer leur protection en utilisant par exemple une clé de 128 bits. On avait l'habitude de dire que l'important n'est pas tant qu'une protection soit inviolable mais qu'elle tienne au moins pour le lancement du jeu, là où les ventes les plus importantes se font. La distribution numérique et les soldes massives ont changé la donne car les jeux ne disparaissent plus vraiment des rayons. Ce que les éditeurs appellent le "back catalogue" se vend très bien.
L'autre moyen de protéger son jeu tout en s'en mettant plein les poches au passage est de vendre du DLC. A chaque fois que les éditeurs sortent du DLC, ils reprennent un peu d'avance sur les pirates quand ils ne laissent tout simplement pas tomber quand le contenu est trop fréquent. L'autre solution est le free to play. Le jeu de base est déjà "gratuit" et tout repose sur des échanges clients/serveurs pour acheter du contenu. On aurait pu penser que les MMO étaient à l'abri du piratage mais les pirates sont allés jusqu'à créer des serveurs non-officiels pour World Of Warcraft par exemple afin de jouer sans payer l'abonnement. Déporter une partie des calculs sur le cloud (Titanfall) ou sauvegarder les parties uniquement côté serveur (Diablo 3) est aussi une solution mais impose d'être tout le temps connecté ce qui est triste pour un titre qui peut être joué en solo. On pourrait aussi mentionner le streaming où le piratage est impossible vu que l'utilisateur n'a accès qu'à un flux vidéo.
Mais au final le piratage sur PC est en voie d'extinction principalement grâce à Steam. L'abondance du catalogue, les nombreux aspects pratiques du client et les soldes quasi-permanentes font que les joueurs ne ressentent plus le besoin de pirater. Avec l'explosion du nombre de jeux et la multiplication des studios de dev indies, les éditeurs ont maintenant un ennemi bien pire que le piratage et l'occasion : la concurrence féroce.